Obstacle à la prescription

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 28 mai 2015

N° de pourvoi : 14-17773

ECLI:FR:CCASS:2015:C200871

Publié au bulletin

Rejet

Mme Flise , président

Mme Chauchis, conseiller apporteur

M. de Monteynard, avocat général

Me Rémy-Corlay, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Poitiers, 1er octobre 2013), rendu en dernier ressort, et les productions, que M. X... ayant indûment perçu, du 1er janvier 2007 au 30 avril 2008, une certaine somme au titre de l’allocation de logement sociale, la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône (la caisse) lui a adressé, le 30 septembre 2010, une mise en demeure aux fins de remboursement ; que celle-ci étant restée infructueuse, la caisse a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que M. X... fait grief au jugement de déclarer recevable le recours et de l’accueillir alors, selon le moyen :
1°/ que le délai de prescription de deux ans de l’action de l’organisme payeur en recouvrement de prestations indûment payées ne peut être écarté qu’au cas de preuve positive de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration de la part de la personne allocataire, en ce que de telles manoeuvres ou fausses déclarations sont destinées à obtenir un versement indu à son profit ; que ne constitue pas un tel cas de preuve de fraude ou de fausse déclaration le simple fait, d’une part, d’omettre de déclarer à l’organisme payeur de la prestation d’allocation logement son départ du domicile ouvrant droit à la prestation alors que celle-ci est versée directement au propriétaire du logement et, d’autre part, de déclarer n’avoir jamais été inscrit auprès d’un autre organisme d’allocations familiales quand cette déclaration n’est pas destinée à obtenir sans droit le versement de l’allocation logement recouvrée mais est seulement destinée à obtenir le versement du RMI par une autre CAF, sans lien avec la prestation recouvrée ; qu’en statuant en sens contraire, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé l’article L. 553-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que le délai de prescription de deux ans de l’action de l’organisme payeur en recouvrement de prestations indûment payées ne peut être écarté qu’au cas de preuve positive de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration de la part de la personne allocataire ; que ne constitue pas un tel cas de preuve de fraude ou de fausse déclaration le cas où le bénéficiaire de l’allocation a finalement informé l’organisme payeur de son changement d’adresse, le grief de défaut d’information sur ce point ne pouvant perdurer ; qu’en écartant le délai de prescription de deux ans, au motif que M. X... n’avait pas informé la caisse de son changement d’adresse, tout en relevant que M. X... avait informé la CAF de ce changement « en novembre 2008 » et que la saisine effectuée par cet organisme payeur datait du mois d’août 2012, ce dont il se déduisait que l’action se trouvait être prescrite, le tribunal des affaires de sécurité sociale n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, partant a violé l’article L. 553-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 835-3 du code de la sécurité sociale que l’action de l’allocataire pour le paiement de l’allocation de logement sociale se prescrit par deux ans, cette prescription étant également applicable à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement de la prestation indûment payée, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ;
Et attendu que le jugement retient que M. X... a occupé en qualité de locataire un logement situé à Marseille pour lequel il a bénéficié d’une allocation de logement sociale qui était directement versée à son bailleur ; que c’est seulement en novembre 2008 que M. X... a informé la caisse de son adresse sur Poitiers ; que la caisse a établi, après recherches, que M. X... avait quitté le département des Bouches-du-Rhône en octobre 2006 sans l’en informer alors qu’il s’y était engagé dans sa demande d’aide au logement ; que, s’étant ensuite installé en région parisienne, il a sollicité le bénéfice du revenu minimum d’insertion en indiquant n’avoir jamais été inscrit auprès d’un autre organisme d’allocations familiales ce qui n’a alors pas permis à la caisse d’allocations familiales de Paris d’informer celle des Bouches-du-Rhône ; que l’abstention de M. X... consistant à ne pas signaler l’évolution de sa situation personnelle et sa fausse déclaration à la caisse constituent des actes positifs constitutifs des éléments matériels de la fraude ;
Qu’il en résulte que la prescription de l’action de la caisse doit être écartée ;
Que, par ce motif de pur droit, substitué à celui critiqué, après avis donné aux parties, la décision déférée se trouve légalement justifiée en son dispositif ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche au jugement attaqué d’AVOIR reçu la CAF DES BOUCHES DU RHONE en son recours et condamné Monsieur X... au paiement de la somme de 3.252,42 € représentant un indu d’allocation logement pour la période du 1er janvier 2007 au 30 avril 2008, outre la somme de 100 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur Daniel X..., a occupé en qualité de locataire un logement situé à MARSEILLE jusqu’en octobre 2006. Il a bénéficié d’une allocation de Logement Social pour cet appartement, qui était directement versée à son bailleur ; que les prestations dont il s’agit ont été servies sur la période du 1er janvier 2007 au 30 avril 2008 ; Sur la prescription : qu’à l’appui de sa position Monsieur Daniel X... fait valoir l’article L 553-1 du code de la sécurité sociale aux termes duquel « l’action de l’allocataire pour le paiement des prestations se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; que Monsieur Daniel X... fait valoir qu’il n’a commis aucune fausse déclaration et que la prestation ne lui était pas servie mais était versée directement au bailleur ; qu’il résulte cependant des pièces produites par la partie demanderesse que c’est seulement en novembre 2008 que Monsieur Daniel X... l’a informée de son adresse à POITIERS ; qu’après recherches de la Caisse, il est établi que Monsieur Daniel X... avait quitté le département des Bouches du Rhône en octobre 2006 sans l’en informer alors qu’il s’y était engagé dans sa demande d’aide au logement ; que s’étant ensuite installé en région parisienne il avait sollicité le bénéfice du RMI en indiquant n’avoir jamais été inscrit auprès d’un autre organisme d’allocations familiales ce qui n’a pas permis à la CAF de PARIS d’informer la CAF des Bouches du Rhône ; que l’abstention de Monsieur Daniel X... consistant à ne pas signaler l’évolution de sa situation personnelle et sa fausse déclaration à la CAF de PARIS constituent des actes positifs constitutifs des éléments matériels de la fraude ; que la prescription doit donc être écartée ; Sur le fond : quand bien même l’ALS n’était pas directement versée à Monsieur Daniel X..., il n’en demeure pas moins que c’est à lui qu’elle bénéficiait directement dans sa relation à son bailleur ; qu’au vu des pièces produites, la demande de la CAF des Bouches du Rhône apparaît bien fondée et il y sera fait droit »
ALORS QUE 1°) le délai de prescription de deux ans de l’action de l’organisme payeur en recouvrement de prestations indûment payées ne peut être écarté qu’au cas de preuve positive de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration de la part de la personne allocataire, en ce que de telles manoeuvres ou fausses déclarations sont destinées à obtenir un versement indu à son profit ; que ne constitue pas un tel cas de preuve de fraude ou de fausse déclaration le simple fait, d’une part, d’omettre de déclarer à l’organisme payeur de la prestation d’allocation logement son départ du domicile ouvrant droit à la prestation alors que celle-ci est versée directement au propriétaire du logement et, d’autre part, de déclarer n’avoir jamais été inscrit auprès d’un autre organisme d’allocations familiales quand cette déclaration n’est pas destinée à obtenir sans droit le versement de l’allocation logement recouvrée mais est seulement destinée à obtenir le versement du RMI par une autre CAF, sans lien avec la prestation recouvrée ; qu’en statuant en sens contraire, le Tribunal des affaires de sécurité sociale a violé l’article L. 553-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE 2°) le délai de prescription de deux ans de l’action de l’organisme payeur en recouvrement de prestations indûment payées ne peut être écarté qu’au cas de preuve positive de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration de la part de la personne allocataire ; que ne constitue pas un tel cas de preuve de fraude ou de fausse déclaration le cas où le bénéficiaire de l’allocation a finalement informé l’organisme payeur de son changement d’adresse, le grief de défaut d’information sur ce point ne pouvant perdurer ; qu’en écartant le délai de prescription de deux ans, au motif que Monsieur X... n’avait pas informé la CAF DES BOUCHES DU RHONE de son changement d’adresse, tout en relevant que Monsieur X... avait informé la CAF de ce changement « en novembre 2008 » et que la saisine effectuée par cet organisme payeur datait du mois d’août 2012, ce dont il se déduisait que l’action se trouvait être prescrite, le Tribunal des affaires de sécurité sociale n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, partant a violé l’article L. 553-1 du Code de la sécurité sociale.
Publication :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Poitiers , du 1 octobre 2013

Titrages et résumés : SECURITE SOCIALE, ALLOCATIONS DIVERSES - Allocation de logement sociale - Prestations indues - Action en remboursement - Prescription - Prescription biennale - Exclusion - Cas - Fraude ou fausse déclaration - Caractérisation

L’action intentée par un organisme payeur en recouvrement de l’allocation de logement sociale se prescrit par deux ans, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

Justifie légalement sa décision, la cour d’appel qui écarte la prescription de l’action d’une caisse d’allocations familiales en raison de l’absence de signalement, par le bénéficiaire de l’allocation versée entre les mains du bailleur, de son déménagement hors du département d’origine puis d’une fausse déclaration, à l’occasion d’une demande de bénéfice du revenu minimum d’insertion, auprès de la caisse du département de destination, ces actes constituant les éléments matériels de la fraude

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription biennale - Sécurité sociale - Allocations spéciales - Allocation de logement sociale - Prestations indûment versées - Action en répétition - Portée

QUASI-CONTRAT - Paiement de l’indu - Action en répétition - Prescription - Durée - Détermination

Précédents jurisprudentiels : Sur la prescription biennale appliquée à l’allocation de logement sociale, à rapprocher :2e Civ., 25 octobre 2006, pourvoi n° 05-10.682, Bull. 2006, II, n° 287 (cassation).Sur la prescription biennale en cas de fraude ou de fausse déclaration, à rapprocher :Soc., 15 novembre 2001, pourvoi n° 00-12.619, Bull. 2001, V, n° 346 (rejet) ;2e Civ., 28 avril 2011, pourvoi n° 10-19.551, Bull. 2011, II, n° 103 (cassation)

Textes appliqués :
* article L. 835-3 du code de la sécurité sociale