Centre de beauté - assujetti code du travail non

chambre sociale

Audience publique du 23 juin 2016

N° de pourvoi : 15-18254

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01242

Non publié au bulletin

Rejet

M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mars 2015), statuant sur renvoi après cassation (Soc. 28 mai 2013, n° 12-13.332), que par contrat de gérance libre des 13 juillet et 24 juillet 2006, la société Yves Rocher a donné à la société South beach esthétique, la gérance d’un fonds de commerce de vente de produits de beauté, d’hygiène et de soins esthétiques à Nice ; que par contrat de travail à durée indéterminée du 22 août 2006, cette dernière société a engagé Mme Y... en qualité de gérante afin d’exploiter le fonds de commerce ; que par lettre recommandée du 9 janvier 2009, la société Yves Rocher a résilié le contrat de location gérance avec effet au 25 janvier 2009 ; que par jugement du 12 février 2009, le tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de la société South beach esthétique ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l’arrêt de juger irrecevables ses demandes dirigées contre la société Yves Rocher et tendant à la condamnation de celle-ci à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité de préavis, de congés payés, de licenciement, de non-respect de la procédure de licenciement, et de licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ qu’est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement : à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ; que seules doivent être prises en considération les conditions concrètes d’exercice dans lesquelles la personne concernée exerce, en fait, sa profession, peu important l’existence et les termes des contrats passés entre les personnes concernés ou avec des tiers ; que dès lors, la cour d’appel ne pouvait comme elle l’a fait, se déterminer en considération des termes des contrats conclus entre la société Yves Rocher, Mme Y... et la société South beach esthétique, sans déterminer dans quelles conditions Mme Y... vendait, en fait, les produits de la société Yves Rocher, qu’en statuant ainsi la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7321-2 du code du travail ;

2°/ qu’une personne exerce une profession qui consiste essentiellement dans la vente de produits lorsqu’elle y consacre la plus grande partie de son temps et de son activité ; que la cour d’appel ne pouvait donc, pour considérer que Mme Y... n’exerçait pas essentiellement une profession consistant à vendre des produits, prendre en considération le seul pourcentage du chiffre d’affaires et du bénéfice (17,8 % et 40,38 %) durant dix-huit mois, sans rechercher à quoi étaient consacrés son temps et son activité ; qu’elle a derechef violé l’article L. 7321-2 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel a retenu que l’activité de soins développée par la société South beach esthétique sur une période de dix-huit mois avait représenté 17,8 % du chiffre d’affaires et 40,38 % de la marge brute, et que 79,9 % de ces prestations n’avaient donné lieu à aucun achat de produits, de sorte qu’il y avait lieu de considérer que la vente de produits Yves Rocher ne représentait pas l’activité essentiellement exercée par la société South beach esthétique au sens de l’article L. 7321-2 du code du travail ; qu’elle a, par cette appréciation de résultats traduisant les conditions réelles de l’activité de la société South beach esthétique gérée par Mme Y..., constaté qu’une des conditions cumulatives de l’application à cette dernière du statut de gérant de succursale n’était pas remplie, justifiant ainsi légalement sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir jugé irrecevables les demandes de Mme Y... dirigées contre la société Yves Rocher et tendant à la condamnation de celle-ci à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité de préavis, de congés payés, de licenciement, de non respect de la procédure de licenciement, et de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QU’il résulte de la combinaison des articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du code du travail que, quelles que soient les énonciations du contrat et sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un lien de subordination, les dispositions du code du travail sont applicables aux gérants de succursales c’est-à-dire à toute personne dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions ou prix imposés par cette entreprise ; QUE l’examen des statuts de la société South beach esthétique et du contrat de travail liant Mme Y... et la société South beach esthétique dont elle était la gérante révèle que Mme Y... exerçait son activité en qualité de salariée de la société South beach esthétique et que son statut de gérante de la dite société lui permettait, eu égard aux statuts sociaux, d’accomplir tous les actes de direction (embauche et licenciement du personnel), gestion et organisation du fonds de commerce ayant pour objet la vente de produits de parfumerie, de beauté, d’hygiène, de diététique, de soins esthétiques ainsi que la formation professionnelle ; QUE l’examen des pièces contractuelles et des bulletins de salaire révèle que Mme Y... a perçu de son employeur, la société South beach esthétique, une rémunération mensuelle de brute de 2 174,30 €, en sa qualité de cadre coefficient 250 de la convention collective de la parfumerie –esthétique ; QUE nonobstant le caractère certes concomitant, de la signature du contrat de gérance libre et de la création de la société South beach Esthétique, il résulte des explications concordantes des parties que la société South beach esthétique a développé une activité commerciale conforme à son objet social notamment dans le domaine des soins esthétiques en cabine et de la formation professionnelle, domaines pour lesquels la société South beach esthétique disposait, au vu des clauses du contrat de location gérance, d’une autonomie certaine ; QU’il résulte de ces mêmes éléments que la création de la société South beach esthétique ne revêt aucun caractère fictif et que les directives reçues de la société Yves Rocher s’agissant des procédures mises au point par Yves Rocher (prix des produits, savoir-faire dans le domaine technique, promotionnel, commercial et publicitaire, décoration... ) ne visaient qu’une partie de son activité ; QU’il ressort des pièces produites par la société Yves Rocher et non sérieusement contestées par Mme Y... que l’activité de soins développée par la société South beach esthétique, du 22 août 2006 au 31 décembre 2007 a représenté 40,38 % de sa marge brute, que 79,9 % de ces prestations n’ont donné lieu à aucun achat de produits, de sorte qu’il y a lieu de considérer que la vente de produits Yves Rocher ne représente pas l’activité essentiellement exercée par la société South beach esthétique au sens des dispositions susvisées ; QU’eu égard à l’ensemble de ces éléments la cour considère que Mme Y... ,gérante salariée de la société South beach esthétique ne remplit pas les conditions pour bénéficier des dispositions des articles L. 7321-1 et suivants du code du travail ;

1- ALORS QU’est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement :à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ; que seules doivent être prises en considération les conditions concrètes d’exercice dans lesquelles la personne concernée exerce, en fait, sa profession, peu important l’existence et les termes des contrats passés entre les personnes concernés ou avec des tiers ; que dès lors, la cour d’appel ne pouvait comme elle l’a fait, se déterminer en considération des termes des contrats conclus entre la société Yves Rocher, Mme Y... et la société South beach esthétique, sans déterminer dans quelles conditions Mme Y... vendait, en fait, les produits de la société Yves Rocher, qu’en statuant ainsi la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7321-2 du code du travail ;

2- ALORS QU’une personne exerce une profession qui consiste essentiellement dans la vente de produits lorsqu’elle y consacre la plus grande partie de son temps et de son activité ; que la cour d’appel ne pouvait donc, pour considérer que Mme Y... n’exerçait pas essentiellement une profession consistant à vendre des produits, prendre en considération le seul pourcentage du chiffre d’affaires et du bénéfice (17,8 % et 40,38 %) durant 18 mois, sans rechercher à quoi étaient consacrés son temps et son activité ; qu’elle a derechef violé l’article L. 7321-2 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 20 mars 2015