Station service - assujetti code du travail oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 5 décembre 2012

N° de pourvoi : 11-20460 11-21278

ECLI:FR:CCASS:2012:SO02545

Publié au bulletin

Rejet

M. Lacabarats, président

M. Linden, conseiller apporteur

M. Foerst, avocat général

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° s 11-20.460 et F 11-21.278 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 23 décembre 1998, les consorts X..., propriétaires d’un fonds de commerce de vente de carburants au détail situé à Caules (Var), connu sous le nom de “ station Total “, au vu de la marque de la société Total raffinage marketing (Total) apposée sur le point de vente et sur divers matériels installés par elle dans le cadre d’un contrat de commission, ont donné ce fonds de commerce en location-gérance à la société Sodicarbu, constituée entre MM. Daniel et Thierry Z...et en cours d’immatriculation ; que selon la convention de location-gérance, la société Sodicarbu s’est engagée à exécuter pour l’avenir les obligations du contrat de commission conclu avec la société Total, lequel prévoyait la distribution en exclusivité essentiellement des produits fournis par cette dernière, à des prix et conditions imposés par elle ; que le 3 janvier 2005, le contrat de commission a été renouvelé pour trois ans entre les sociétés Sodicarbu et Total ; qu’il a pris fin de façon anticipée le 31 juillet 2007, M. Daniel Z...devant cesser son activité pour inaptitude physique ; que M. Thierry Z..., matériellement incapable d’exécuter seul les obligations issues du contrat de commission, a procédé à sa résiliation au nom de la société Sodicarbu ; que le contrat de location-gérance du 23 décembre 1998 avait perduré parallèlement par voie de renouvellements annuels ; que pour le fonctionnement de la société Sodicarbu, M. Daniel Z...était salarié, M. Thierry Z...était gérant minoritaire et salarié et aucun autre personnel n’était employé ; que le 7 avril 2008, MM. Z...ont saisi la juridiction prud’homale en revendiquant le bénéfice de l’article L. 781-1 du code du travail, alors applicable, recodifié sous les articles L. 7321-1 et suivants du même code, pour obtenir le paiement par la société Total de diverses sommes à titre de rappel de salaires et dommages-intérêts, pour non-respect de la durée légale du travail, du repos hebdomadaire et des congés annuels, des conditions d’hygiène et de sécurité, d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que leur immatriculation au régime général de la sécurité sociale et l’indemnisation de la perte de leurs droits à la retraite et à l’assurance chômage ;
Sur le pourvoi n° S 11-20. 460 de la société Total :
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Total fait grief à l’arrêt de rejeter son “ exception d’inconventionnalité “, alors, selon le moyen :
1°/ que le principe de sécurité juridique impose la prévisibilité de la règle de droit et fait partie des droits protégés par la juridiction européenne au titre du droit à un procès équitable ; que le critère de presque exclusivité posé par l’article L. 7321-2 du code du travail n’est pas défini par ce texte et ne permet pas au fournisseur d’apprécier le risque de se voir imposer la mise en oeuvre des dispositions précitées ; qu’en refusant d’accueillir l’exception d’inconventionnalité soulevée par la société Total qui établissait l’imprévisibilité de la règle de droit posée par l’article L. 7321-2 du code du travail, la cour d’appel a violé l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
2°/ que le principe de sécurité juridique impose la prévisibilité de la règle de droit et fait partie des droits protégés par la juridiction européenne au titre du droit à un procès équitable ; que le critère de presque exclusivité posé par l’article L. 7321-2 du code du travail, en l’absence de toute définition par le texte des conditions précises de son application ne permet pas de prévoir avec un degré suffisamment raisonnable de certitude, les conséquences pouvant en résulter ; qu’en refusant d’accueillir l’exception d’inconventionnalité soulevée par la société Total, la cour d’appel a violé l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Mais attendu que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que ne constitue pas une atteinte à la sécurité juridique le fait que les juridictions apprécient dans chaque cas l’importance, prépondérante ou non, de l’activité consacrée par un distributeur de produits au service du fournisseur et que le contrôle juridictionnel constitue au contraire une garantie de sécurité pour ce dernier, et en a déduit que les dispositions de l’article L. 7321-2 du code du travail ne sont pas contraires à l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Total fait grief à l’arrêt de dire que les dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail s’appliquent en leur principe aux rapports des parties et bénéficient de la même manière à MM. Daniel et Thierry Z...et de rejeter sa demande tendant à une compensation de créances, alors, selon le moyen :
1°/ que seules les conditions effectives de l’exercice d’une activité peuvent permettre de déterminer si elle relève ou non des dispositions légales applicables au gérant de succursale ; qu’en se fondant sur les dispositions du contrat conclu entre les parties, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et violé l’article L. 7321-2 du travail ;
2°/ que la mise en oeuvre au bénéfice de deux personnes physiques, l’une gérante de SARL, l’autre simple salariée de celle-ci, des dispositions légales applicables au gérant de succursales impose que soit constatée la fictivité de la société qui a initialement conclu un contrat avec le distributeur de carburant et dont le gérant prétend relever du champ d’application des articles L. 7321-2 du code du travail ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-2 du code du travail ;
3°/ que la mise en oeuvre des articles L. 7321-1 et suivants du code du travail exige la constatation d’obligations réciproques entre celui qui prétend bénéficier des articles susvisés et son fournisseur ; qu’en ne relevant pas l’existence de telles obligations entre le gérant de la SARL Z...lire Sodicarbu (M. Thierry Z...) et la société Total, et, bien plus, entre cette dernière et un salarié de la SARL Z...lire Sodicarbu (M. Daniel Z...), tout en accordant le bénéfice des dispositions applicables au gérant de succursale à MM. Z... , la cour d’appel a violé les dispositions susvisées ;
4°/ que, subsidiairement, une même activité ne peut donner lieu à une rémunération au titre de deux statuts incompatibles pour une même période ; qu’en accordant à MM. Z...le bénéfice des dispositions applicables aux gérants de succursales après avoir constaté que M. Thierry Z...était gérant la société Sodicarbu, que M. Daniel Z...en était salarié, le premier ayant été rétribué au titre de sa gérance et le second en qualité de salarié, la cour d’appel, qui a autorisé le principe d’une double rémunération de MM. Z...au titre d’une même période, a violé les articles 1131 et 1134 du code civil ;
5°/ qu’en tout état de cause, la rémunération de gérants d’une station-service sous la forme de versement de salaires en application des articles L. 7321-1 à L. 7321-4 du code du travail doit être déterminée en tenant compte des rémunérations perçues au titre de la gérance ou de l’activité salariée qui ont la même cause ; qu’en refusant de faire droit à la demande de la société Total, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-1 et suivant du code du travail ;
6°/ que subsidiairement, la société Total avait fait valoir dans ses conclusions d’appel qu’elle était également fondée à se prévaloir de la déduction des sommes perçues de l’exploitation sur le fondement de l’enrichissement sans cause ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que subsidiairement, en énonçant que les droits individuels de MM. Daniel Z...et Thierry Z...étaient nécessairement reconnus et consacrés, après avoir constaté l’exercice personnel de l’activité litigieuse par ces derniers, tout en refusant de faire droit à la demande de la société Total tendant à une compensation des créances, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1289 du code civil ;
Mais attendu, d’abord, que dans ses écritures d’appel, la société Total soutenait que l’activité personnelle et les conditions réelles d’exploitation “ ne peuvent servir de fondement à la recevabilité des actions “ ; que le moyen, en sa première branche, est contraire à la thèse soutenue devant la cour d’appel ;
Attendu, ensuite, que la cour d’appel a constaté qu’au delà de la société Sodicarbu, l’activité d’exploitation de la station-service était en fait exercée par MM. Z..., de sorte que ces derniers pouvaient revendiquer l’application de l’article L. 7321-2 du code du travail dès lors que les conditions cumulatives posées par ce texte étaient réunies, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la fictivité de la société qu’ils avaient constituée ;
Attendu, enfin, que la compensation implique l’existence d’obligations réciproques entre les parties ; que les rémunérations perçues par MM. Z...en tant que gérant et salarié de la société Sodicarbu leur ayant été versées par cette société et non par la société Total, laquelle n’est ainsi aucunement créancière de MM. Z...à ce titre, la cour d’appel a exactement décidé qu’aucune compensation ne pouvait être opérée entre la créance de MM. Z...sur la société Total et les sommes perçues par eux de la société Sodicarbu ;
D’où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Total fait grief à l’arrêt de dire que les dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail s’appliquent en leur principe aux rapports des parties et bénéficient de la même manière à MM. Daniel et Thierry Z..., alors, selon le moyen, que nul ne peut bénéficier, au titre d’une même période des dispositions légales reconnaissant un statut de gérant de succursale et des bénéfices du statut de salarié ; qu’il n’était pas contesté que M. Daniel Z...était le salarié de la société Sodicarbu ; qu’en lui accordant aussi le bénéfice des dispositions applicables aux gérants de succursale, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-2 du code du travail ;
Mais attendu qu’ayant constaté que M. Daniel Z...avait exercé son activité au bénéfice exclusif de la société Total, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il pouvait revendiquer l’application de l’article L. 7321-2 du code du travail dès lors que les conditions cumulatives posées par ce texte étaient réunies ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur les quatrième, cinquième, sixième et septième moyens :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Sur le pourvoi n° F 11-21. 278 de MM. Z... :
Sur le premier moyen :
Attendu que MM. Z...font grief à l’arrêt de déclarer soumises à la prescription quinquennale leurs demandes en paiement de créances de nature salariale pour la période antérieure au 7 avril 2003, alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne a le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables lui assurant notamment “ la rémunération qui procure au minimum à tous les travailleurs … un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale … le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés “ ; que méconnaît ce droit à des conditions de travail justes et à la perception de la rémunération y afférente la loi nationale qui édicte une prescription quinquennale de ces rémunérations à compter de leur échéance, sans considération d’une éventuelle renonciation du travailleur à les percevoir, des conventions conclues entre les parties, ni du comportement du bénéficiaire de la prestation de travail ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ;
2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; que n’est pas de nature à assurer l’effectivité de ce droit la législation nationale qui édicte une prescription quinquennale de l’action en paiement des créances afférentes à la reconnaissance d’un statut protecteur, privant ainsi de facto le bénéficiaire de ce statut de la possibilité de faire utilement valoir ces droits devant un tribunal ; que n’assure pas davantage le respect de ces droits fondamentaux l’unique réserve d’une impossibilité absolue d’agir ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 6 § 1er et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu’en appliquant au bénéfice de la société Total une prescription ayant pour effet de priver les consorts Z...d’une partie substantielle des rémunérations constituant la contrepartie de l’activité déployée pour son compte, acquises à mesure de l’exécution de leur prestation de travail, la cour d’appel leur a infligé une privation d’un droit de créance disproportionnée avec l’objectif légal de sécurité juridique et a, partant, porté une atteinte excessive et injustifiée au droit de ces travailleurs au respect de leurs biens, en violation de l’article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu’en appliquant à des travailleurs n’ayant jamais été reconnus comme ses salariés par la compagnie pétrolière mais devant, pour bénéficier des dispositions légales et conventionnelles applicables dans cette entreprise, faire judiciairement reconnaître leur droit au bénéfice du statut réservé aux gérant de succursales, une prescription destinée à éteindre les créances périodiques de salariés régulièrement tenus informés de leurs droits par la délivrance, notamment, d’un bulletin de salaire mensuel, la cour d’appel a édicté entre les différents travailleurs concourant à l’activité de la compagnie pétrolière une différence de traitement injustifiée, en violation de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
5°/ enfin qu’en retenant que les consorts Z...avaient “ la possibilité absolue d’exercer un recours effectif … en cours d’exécution du contrat de commission “, ce dont il résultait que ces gérants de station service devaient connaître l’inefficacité de l’interposition entre eux et la compagnie pétrolière, à l’initiative de cette dernière, d’une personne morale seule titulaire des droits et obligations issus des contrats de gérance, interprétation non seulement imprévisible mais directement contraire au droit positif applicable à cette date, la cour d’appel a violé derechef les textes susvisés ;
Mais attendu, d’abord, que MM. Daniel et Thierry Z...n’ayant pas été dans l’impossibilité d’agir en requalification de ces contrats, lesquels ne présentaient pas de caractère frauduleux, et ne justifiant pas d’une cause juridiquement admise de suspension du délai de prescription, c’est sans méconnaître les dispositions des instruments internationaux visés par les trois premières et la dernière branches du moyen que la cour d’appel a appliqué la règle légale prévoyant une prescription quinquennale des actions en justice relatives à des créances de nature salariale ;
Attendu, ensuite, que la prescription quinquennale s’appliquant à l’ensemble des demandes de nature salariale, la cour d’appel a à bon droit exclu toute discrimination ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 1382 du code civil ;
Attendu que pour débouter MM. Z...de leur demande de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil, l’arrêt retient que cette demande s’appuie sur un texte relatif à la matière délictuelle alors qu’il y avait en tout état de cause contrat avec la société Sodicarbu et qu’un éventuel comportement déloyal devait s’inscrire dans la relation en découlant ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’existence d’une relation contractuelle entre les sociétés Total et Sodicarbu ne pouvait avoir pour effet de conférer un caractère contractuel aux relations de travail entre MM. Z...et la société Total, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 3132-2 et L. 3132-3 du code du travail ;
Attendu que pour débouter MM. Z...de leur demande de dommages-intérêts au titre du travail le dimanche, l’arrêt retient que cette demande poursuit en fait l’indemnisation des mêmes circonstances des relations contractuelles qui font déjà l’objet de diverses demandes pour majeure part accueillies en leur principe ;
Attendu, cependant, que si les majorations de salaires prévues par une convention collective ou par les dispositions légales autorisant des dérogations à la règle du repos dominical ne sont pas applicables à un salarié travaillant habituellement le dimanche, le travail ce jour-là en infraction aux dispositions légales et réglementaires sur le repos dominical est susceptible de causer au salarié un préjudice dont il peut demander réparation ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du deuxième moyen :
REJETTE le pourvoi n° S 11-20. 460 formé par la société Total raffinage marketing et
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute MM. Daniel et Thierry Z...de leurs demandes de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil et pour travail le dimanche, l’arrêt rendu le 17 mai 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Total raffinage marketing aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Total raffinage marketing à payer la somme de 2 500 euros à MM. Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi n° S 11-20. 460 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Total raffinage marketing.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté l’exception d’inconventionnalité soulevée par la société Total Raffinage Marketing ;
AUX MOTIFS QUE la société Total RM n’ignore pas avoir précédemment, dans des contentieux identiques, soulevé par trois fois, depuis l’entrée en vigueur le 1er mars 2010 de cette possibilité, devant d’autres juridictions du fond et devant la Cour de cassation elle-même, une question prioritaire de constitutionnalité ; que par deux arrêts du 28 septembre 2010 et un arrêt du 30 novembre 2010, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu à renvoyer au Conseil Constitutionnel les questions libellées respectivement dans les termes suivants :- « L’article L. 7321-2 du code du travail en tant qu’il utilise le termes de « presque exclusivité » porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en ses articles 2, 4, 6, 16 et 17 et à la Constitution en ses articles 34 et 37 en l’occurrence au principe d’égalité, de liberté contractuelle et du droit de propriété ? » ;- « L’article L. 7321-2 du code du travail est il conforme aux articles 2, 4, 6 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? », en retenant « que la question n’a pas de caractère sérieux dès lors que les termes de « presque exclusivité » contenus dans l’article L. 7321-2 du code du travail tels qu’interprétés à de nombreuses reprises pas la Cour de cassation, ne sont ni imprécis, ni équivoques et ne peuvent porter atteinte aux objectifs à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ni, en conséquence, aux droits et libertés visés par la question » ; que la société Total RM soutient cependant que l’exception soulevée dans le présent litige est distincte, reposant sur un fondement différent, afférent à l’application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et aux principes généraux de l’Union Européenne ; que les articles du code du travail incriminés leur seraient contraires, dès lors que la condition de « presque exclusivité » de fourniture des choses vendues n’y est pas définie, qu’elle est appréciée rétroactivement à l’issue des relations contractuelles et dépend des choix de gestion futurs de l’une des parties au contrat ; qu’il appartenait en conséquence au juge judiciaire de les écarter ; qu’elle fait ainsi état d’une situation d’imprévisibilité, d’impossibilité pour le fournisseur de connaître au jour de la signature du contrat si le droit du travail sera ou non applicable à l’issue des relations contractuelles, de rétroactivité subséquente de la loi, ainsi que d’une application éventuelle subordonnée aux seuls choix du distributeur de privilégier les activités liées à la vente de fournitures ou bien d’autres activités « de diversification » ; que toutefois le fournisseur ne peut se prévaloir de l’ignorance des dispositions du code du travail à caractère d’ordre public, et plus particulièrement de celles de son article L. 7321-2 qui se rapportent expressément à l’activité de fourniture ; qu’elles incluent une assimilation de la fourniture exclusive et de celle de « presque exclusive » des marchandises et produits visés ; qu’il revient à ce fournisseur de prendre toutes mesures pour être pleinement informé des modalités envisagées par son co-contractant pour la revente active des fournitures, et notamment de tout éventuel projet relatif à d’autres activités distinctes, comme à leur ampleur ; qu’il ne saurait se prévaloir d’une abstention volontaire de prise en compte de la situation effective ; que moins encore peut-il se retrancher derrière un prétendu choix d’activités du distributeur de ses produits lorsqu’il lui impose des conditions de rentabilité telles qu’elle ne peuvent à l’évidence être compatibles avec un volume significatif d’autres activités ; que la quasi-exclusivité se détermine en fonction de ses propres exigences ; que la condition posée par l’article L. 7321-2 incriminée est claire et dépourvue d’ambiguïté, et la situation de fait peut être dès l’origine appréhendée ; qu’au surplus, il est péremptoire d’affirmer que cette situation ne se mesure qu’après rupture des relations contractuelles ; que rien ne fait obstacle à ce que le professionnel en charge de la distribution prenne pendant l’exécution du contrat la décision de se prévaloir des dispositions protectrices dont s’agit ; qu’il lui appartient en tout état de cause de démontrer en fait qu’il peut y prétendre, et qu’il n’y a pas insécurité juridique à ce que les juridictions judiciaires apprécient dans chaque cas particulier l’importance, prépondérante ou non, de l’activité consacrée au service du fournisseur ; que le contrôle juridictionnel constitue au contraire une garantie de sécurité pour le fournisseur ; qu’en dépit des assertions de la société Total RM, il peut s’opérer le cas échéant selon des critères différents, dont elle reconnaît d’ailleurs qu’ils ne sont nullement toujours favorables au revendeur ; que si en effet les relations contractuelles entre le fournisseur et lui sont de nature juridique a priori identiques, le contexte dans lequel elles sont mises en oeuvre peut varier ; qu’il n’y a pas insécurité de la loi lorsqu’elle autorise la prise en compte in concreto de situations diverses ; qu’en l’espèce précisément les intimés ne disconviennent pas avoir tenté de développer une activité étrangère au domaine automobile, relative à des services en matière informatique, mais qu’il est constant, la société Total RM ne le contestant pas utilement quand elle se contente de mettre en avant le résultat de l’année 2000, que cette activité n’a pas perduré en volume et n’a aucune signification dans le débat ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’exception soulevée par la société Total RM est en tous points mal fondée, dès lors qu’elle tend en réalité à mettre en cause un pouvoir juridictionnel d’application de la loi et les moyens pour y parvenir, qui ne dépendent pas du texte, précis et non équivoque, mais d’éléments factuels dont elle voudrait qu’ils soient toujours identiquement déterminés, ce qu’il lui revient de rechercher par toutes démonstrations appropriées, sauf à rappeler l’ensemble des décisions de la Cour de cassation qui ont jugé inopérantes les références de juges du fond aux montant des commissions perçues par la vente de carburants et lubrifiants comparés à ceux des recettes de ventes d’autres produits ; que les jugement qui ont implicitement rejeté cette exception doivent être confirmés ;
1/ ALORS QUE le principe de sécurité juridique impose la prévisibilité de la règle de droit et fait partie des droits protégés par la juridiction européenne au titre du droit à un procès équitable ; que le critère de presque exclusivité posé par l’article L. 7321-2 du code du travail n’est pas défini par ce texte et ne permet pas au fournisseur d’apprécier le risque de se voir imposer la mise en oeuvre des dispositions précitées ; qu’en refusant d’accueillir l’exception d’inconventionnalité soulevée par la société Total Raffinage Marketing qui établissait l’imprévisibilité de la règle de droit posée par l’article L. 7321-2 du code du travail, la cour d’appel a violé l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
2/ ALORS QUE le principe de sécurité juridique impose la prévisibilité de la règle de droit et fait partie des droits protégés par la juridiction européenne au titre du droit à un procès équitable ; que le critère de presque exclusivité posé par l’article L. 7321-2 du code du travail, en l’absence de toute définition par le texte des conditions précises de son application ne permet pas de prévoir avec un degré suffisamment raisonnable de certitude, les conséquences pouvant en résulter ; qu’en refusant d’accueillir l’exception d’inconventionnalité soulevée par la société Total Raffinage Marketing, la cour d’appel a violé l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail s’appliquent en leur principe aux rapports des parties et bénéficient de la même manière à MM. Daniel et Thierry Z...et d’avoir rejeté la demande de la société Total Raffinage Marketing tendant à une compensation de créances ;
AUX MOTIFS QUE sur le caractère fictif de la société Sodicarbu, il a été précédemment énoncé que seule compte au regard de l’application des articles L. 7321 et suivants du code du travail qui visent les « gérants de succursale », l’activité professionnelle exercée en fait, fût-ce théoriquement au titre d’une société juridiquement existante et fonctionnant commercialement, par ceux qui interviennent à titre personnel pour assurer les missions dont elle est chargée ; qu’en l’espèce, il est démontré et non contesté par la société Total RM quant aux montants avancés par les intimés, que la société Sodicarbu n’avait aucune surface commerciale réelle, subissant majoritairement des pertes faisant obstacle à sa survie ; que par ailleurs, l’engagement personnel de M. Daniel Z...lors du contrat de location-gérance a été caractérisé par l’hypothèque consentie sur un immeuble lui appartenant aux seules fins de garantir le remboursement éventuel du stock de carburant appartenant à la société Total RM ; que de même, dans le renouvellement du contrat de commission, cette dernière se réservait (article 21) d’accepter ou de refuser de poursuivre la relation avec la société Sodicarbu s’il en était envisagé une modification juridique, ce qui s’entent notamment d’un éventuel changement de ses associés, ainsi agréés personnellement ; que les droits individuels de MM Daniel Z...et Thierry Z...étaient nécessairement reconnus et consacrés ; que le moyen d’irrecevabilité, en réalité au fond, opposé par la société Total RM est encore mal fondé ; qu’il y a lieu de nouveau à confirmation des jugements qui ont implicitement exclu le moyen ; … qu’ils doivent selon les textes dont ils entendent bénéficier établir comme déjà évoqué dans l’analyse du moyen d’inconventionnalité, leur lien exclusif ou quasi-exclusif avec la société Total RM, résultant de l’exercice par eux à titre principal de l’activité de vente de ses produits, ce dans un local fourni ou agréé par elle, et à ses conditions de prix imposés … ; que la société Total RM entend faire juger que tout dette de sa part envers les intimés devrait se compenser avec les sommes qu’ils ont déjà perçues dans le cadre de l’exercice de leur activité au profit de la société Sodicarbu ; que la compensation implique cependant l’existence d’obligation réciproques entre les parties et la société Total RM n’était titulaire envers MM Daniel Z...et Thierry Z...d’aucune créance susceptible de se compenser avec sa propre dette de salaire, qu’il convient de rejeter le moyen, infirmant les jugement du chef des compensations partielles opérées ;
1/ ALORS QUE seules les conditions effectives de l’exercice d’une activité peuvent permettre de déterminer si elle relève ou non des dispositions légales applicables au gérant de succursale ; qu’en se fondant sur les dispositions du contrat conclu entre les parties, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et violé l’article L. 7321-2 du travail ;
2/ ALORS QUE la mise en oeuvre au bénéfice de deux personnes physiques, l’une gérante de SARL, l’autre simple salariée de celle-ci, des dispositions légales applicables au gérant de succursales impose que soit constatée la fictivité de la société qui a initialement conclu un contrat avec le distributeur de carburant et dont le gérant prétend relever du champ d’application des articles L. 7321-2 du code du travail ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-2 du code du travail ;
3/ ALORS QUE la mise en oeuvre des articles L. 7321-1 et suivants du code du travail exige la constatation d’obligations réciproques entre celui qui prétend bénéficier des articles susvisés et son fournisseur ; qu’en ne relevant pas l’existence de telles obligations entre le gérant de la Sarl Z...(M. Thierry Z...) et la société Total Raffinage Marketing, et, bien plus, entre cette dernière et un salarié de la Sarl Z...(M. Daniel Z...), tout en accordant le bénéfice des dispositions applicables au gérant de succursale à MM Z..., la cour d’appel a violé les dispositions susvisées ;
4/ ALORS QUE, subsidiairement, une même activité ne peut donner lieu à une rémunération au titre de deux statuts incompatibles pour une même période ; qu’en accordant à MM Z...le bénéfice des dispositions applicables aux gérants de succursales après avoir constaté que M. Thierry Z...était gérant la société Sodicarbu, que M. Daniel Z...en était salarié, le premier ayant été rétribué au titre de sa gérance et le second en qualité de salarié, la cour d’appel, qui a autorisé le principe d’une double rémunération de MM Z...au titre d’une même période, a violé les articles 1131 et 1134 du code civil ;
5/ ALORS QUE en tout état de cause, la rémunération de gérants d’une station-service sous la forme de versement de salaires en application des articles L. 7321-1 à L. 7321-4 du code du travail doit être déterminée en tenant compte des rémunérations perçues au titre de la gérance ou de l’activité salariée qui ont la même cause ; qu’en refusant de faire droit à la demande de la société Total Raffinage Marketing, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-1 et suivant du code du travail.
6/ ALORS QUE subsidiairement, la société Total Raffinage Marketing avait fait valoir dans ses conclusions d’appel qu’elle était également fondée à se prévaloir de la déduction des sommes perçues de l’exploitation sur le fondement de l’enrichissement sans cause (conclusions d’appel, page 33, paragraphe 188) ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
7/ ALORS QUE subsidiairement, en énonçant que les droits individuels de MM Daniel Z...et Thierry Z...étaient nécessairement reconnus et consacrés, après avoir constaté l’exercice personnel de l’activité litigieuse par ces derniers, tout en refusant de faire droit à la demande de la société Total Raffinage Marketing tendant à une compensation des créances, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1289 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail s’appliquent en leur principe aux rapports des parties et bénéficient de la même manière à MM. Daniel et Thierry Z... ;
AUX MOTIFS QUE selon le premier alinéa de l’article L. 781-1 du code du travail, en vigueur au moment de l’introduction de l’instance par MM Daniel Z...et Thierry Z..., toutefois devenu l’article L. 7321 et suivants du code du travail, les dispositions de ce code, qui visent les apprentis, ouvriers, employés, travailleurs, sont applicables, en particulier, aux personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrée de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par elle ; qu’il importe dès lors de déterminer si ces dispositions sont applicables aux deux intimés, étant d’ores et déjà relevé qu’elles ne sauraient entraîner une distinction entre eux, motif pris que seul M. Thierry Z...étant gérant de la société Sodicarbu, en liens avec la société Total RM, M. Daniel Z...n’étant quant à lui que salarié de la première de ces sociétés ; que les textes en cause bénéficient en effet, sous les conditions qu’ils posent, à toute personne dont l’activité professionnelle exercée en fait et personnellement s’inscrit dans l’exploitation effective d’un fonds de commerce dédié à mettre en oeuvre l’activité de l’entreprise industrielle ou commerciale ; qu’au surplus, M. Daniel Z...était associé de ladite société constituée pour l’exploitation en l’espèce de la station-service, et ainsi indirectement intéressé à ses résultats comme à son avenir ; que si M. Thierry Z...était gérant de cette société, il n’en était pas moins également salarié, et la société Total RM ne soutient nullement que seuls les gérants non salariés pourraient revendiquer l’application des dispositions dont s’agit ; que la seule situation de fait d’exercice de l’activité professionnelle de toute personne participant avec des responsabilités directes à l’exploitation du fonds de commerce est à prendre en compte ; que le jugement reconnaissant le principe des droits de M. Daniel Z...sera confirmé ;
ALORS QUE nul ne peut bénéficier, au titre d’une même période des dispositions légales reconnaissant un statut de gérant de succursale et des bénéfices du statut de salarié ; qu’il n’était pas contesté que M. Daniel Z...était le salarié de la société Sodicarbu ; qu’en lui accordant aussi le bénéfice des dispositions applicables aux gérants de succursale, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-2 du code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail s’appliquent en leur principe aux rapports des parties et bénéficient de la même manière à MM. Daniel et Thierry Z... ;
AUX MOTIFS QUE sur la distinction de deux périodes, la société Total RM entend en outre contester en tout état de cause l’application des articles L. 7321 et suivants du code du travail aux relations des parties pour la période antérieure au 1er janvier 2005, motif pris qu’elle n’a pas signé de contrat avec la société Sodicarbu avant cette date, motif selon elle encore « d’irrecevabilité » des demandes pour cette période, alors qu’il s’agit d’un motif de rejet au fond ; qu’il résulte toutefois des pièces soumises à l’examen de la cour que le contrat de location-gérance consenti le 23 décembre 1998 par les consorts X...à la société Sodicarbu en cours d’immatriculation, n’a pu être passé qu’avec l’accord de la société Total RM, qui avait imposé aux dits consorts, dans le contrat de commission à eux antérieurement consenti, que son accord soit recueilli à l’occasion de la location-gérance conformément à l’obligation faite au commissionnaire de transférer sur le locataire-gérant l’ensemble des obligations nées du contrat de commission pour toute la durée de celui-ci, obligations retranscrites dans le contrat de location gérance ; qu’ainsi dans le renouvellement de contrat de commission du 3 janvier 2005 ; dont la nature même de « renouvellement » le confirme, la société Total RM a stipulé expressément que « la société Sodicarbu a exploité la station en application d’un contrat d’approvisionnement exclusif en produits pétroliers pour leur vente au détail sous mandat dans son fonds de station-service, sous la marque et l’enseigne de la société la société Total RM » et que « ce contrat conclu « avec la société la société Total RM vient d’arriver à son terme » ; que l’appelante fait donc preuve d’absence de bonne foi en contestant les relations avec la société Sodicarbu avant le 1er janvier 2005 ; qu’un relevé de facturations réciproques en date du 31 août 2001 confirme en tant que de besoin les relations contractuelles directes, hors toute intervention des consort X... ; qu’une période antérieure au 1er janvier 2005 doit donc être pris en considération, les jugements étant dès lors infirmés sur ce point ;
ALORS QUE la société Total Raffinage Marketing avait fait valoir qu’il n’y avait eu aucune relation contractuelle entre elle et MM Z...pour la période antérieure au 1er janvier 2005, aucun contrat n’ayant été conclu entre Total Raffinage Marketing et la Sarl Sodicarbu, ni a fortiori, avec MM Z... ; qu’en opposant à la société Total Raffinage Marketing des obligations en l’absence de tout lien de droit entre les parties, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail s’appliquent en leur principe aux rapports des parties et bénéficient de la même manière à MM. Daniel et Thierry Z... ; dit que les dispositions de la première partie, de la troisième partie en ses livres Ier et III et de la quatrième partie de ce code leur sont notamment applicables, dit que la convention collective applicable est celle de l’industrie du pétrole et que le coefficient 230 s’applique à MM. Daniel et Thierry Z... ; que les dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail, outre celles de la première partie, de la troisième partie en ses livres Ier et III, et de la quatrième partie de ce code bénéficient à MM. Daniel et Thierry Z...pour l’ensemble de la période du 7 avril 2003 au 31 juillet 2007 ;
AUX MOTIFS QUE sur la réunion des conditions d’application des dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail ; qu’il a été plus avant retenu qu’il convient de déterminer si l’activité professionnelle résultant de l’exploitation du fonds de commerce de station-service sis à Carnoules, résultant du contrat du 23 décembre 1998, conclu implicitement entre les consorts X..., la société Sodicarbu et la société Total RM et du contrat du 3 janvier 2005, conclu explicitement entre ces deux sociétés, était ou non exercée en fait par MM Daniel Z...et Thierry Z... ; qu’ils doivent selon les textes dont ils entendent bénéficier établir comme déjà évoqué dans l’analyse du moyen d’inconventionnalité, leur lien exclusif ou quasi-exclusif avec la société Total RM, résultant de l’exercice par eux à titre principal de l’activité de vente de ses produits, ce dans un local fourni ou agréé par elle, et à ses conditions de prix imposés ; que ces conditions doivent être cumulativement remplies ; que la société Total RM entend faire valoir que seule la condition de fourniture du local était remplie ; que les autres conditions étant contestées, elles seront successivement caractérisées ou non ; qu’il s’agit des conditions d’exclusivité ou quasi-exclusivité de l’activité professionnelle, et des modalités de vente à conditions et prix imposés ; que les deux contrats précités (article 6. 1 et article 15) prévoient expressément que l’autorisation de vente de produits pour le compte de la société Total RM porte limitativement sur les produits qu’elle fournit, notamment les carburants, la vente directe de tout autre carburant étant interdite, y compris celle de carburants de la société Total RM qu’elle n’aurait pas elle-même fournis ; que l’exclusivité s’étend aux lubrifiants et autres produits spécifiques par elle fournis ainsi qu’il ressort sans conteste du contrat du 23 décembre 1998, notamment à son titre III, sans qu’il ait été nécessaire de le rappeler dans le contrat de commission, censé selon elle être le seul à intéresser la société Total RM ; qu’il n’est pas contesté que les prix et conditions de vente de ces produits étaient par elle imposés (respectivement article 4 et 3 des deux contrats) ; qu’une liberté de choix de fournisseurs pour d’autres produits et service est accordée, mais elle est soumise à la condition de respecter la destination du fonds de commerce ; connu sous le nom de « Station Total », comportant tous les signes extérieurs (enseigne, nom sur les matériels) de son appartenance à la société Total RM, il ne pouvait d’évidence attirer pour des produits d’une autre marque, alors en outre que le port permanent d’une tenue vestimentaire « Total » était imposée ; que l’ensemble des autres conditions imposées est démontré par les stipulations du contrat du 3 janvier 2005, notamment en ses articles 2, 3, 4, 5, 7, 8, 13, 16, 17 et en ses annexes 2, 2 et 5 ; que les obligations sont très nombreuses, posées, en matière technique et commerciale, notamment pour la promotion de la marque, la fidélisation de la clientèle (moyens de paiement par elle mis à disposition) pour la défense des seuls intérêts de la société Total RM, qui n’en conteste nullement l’existence ; que par ailleurs, les intimés font valoir, sans être utilement démentis, qu’étant tous deux seuls à assurer l’activité du fonds de commerce, ils devaient, compte tenu des horaires d’ouverture imposés de la station-service, soit sept jours sur sept, pendant 14h30 par jour, non compris le temps d’ouverture et celui de fermeture, il eût fallu, ce qui ne pouvait être de toute façon le cas, que l ‘ un d’eux au moins soit présent seul près de 8 heures par jour toute l’année ; que pendant cette durée, si seul l’un d’eux était présent, il ne lui était manifestement pas possible de consacrer son activité professionnelle à d’autres tâches que celles exigées par la société Total RM, soit en premier lieu la distribution de carburant, avec présence à la caisse, outre toutes les activités associées, notamment de réception de ce carburant, dont la livraison pouvait intervenir à toute heure, sans information spécifique, de comparaison des stocks, de contrôles de qualité du produit, d’état des installations, de propreté et technique, et même encore de contrôle quotidien des prix pratiqués par les concurrents, qu’il est résulté de ces circonstances une nécessaire prédominance de l’activité de vente de produits pétroliers, qui ressort sans ambiguïté des données chiffrées avancées par les intimés ; qu’ils produisent des documents comptables pertinents de la société Sodicarbu, permettant une reconstitution à partir du montant des commissions, non sérieusement contestable en tant que telle par la société Total RM, que le chiffre d’affaires produit par cette activité entre 1999 et 2006 a représenté de 90 % à 94 % de l’ensemble du chiffre d’affaires, peu important que la distribution de carburant génère à elle seule de l’ordre de 75 % de taxes ; que la prise en compte du chiffre d’affaires permet à elle seule d’apprécier l’activité réelle des personnes en charge de la distribution ; qu’au surplus, la situation de déficit de plus en plus caractérisé de la comptabilité de la société Sodicarbu est démontrée et non contestée, de sorte qu’aucune activité annexe n’a pu faire prospérer cette entreprise quant l’activité liée aux ventes pétrolières, rémunérée par voie de commissions, ne suffisait déjà pas à lui assurer un équilibre ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que MM Daniel Z...et Thierry Z...ont exercé leur activité au bénéfice exclusif de la société Total RM et dans toutes les conditions prévues par les textes en cause ; qu’ils ont été placés en situation de dépendance économique équivalente à une situation de salariés ; que les jugement seront encore à confirmer ;
1/ ALORS QUE seules les conditions effectives de l’exercice d’une activité permettent de déterminer si elle relève ou non des dispositions légales applicables au gérant de succursale ; qu’en se fondant sur les dispositions du contrat conclu entre les parties, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et violé l’article L. 7321-2 du travail ;
2/ ALORS QUE la condition prévue à l’article L. 7321-2 du code du travail et tenant à la fourniture exclusive ou quasi exclusive de produits doit être examinée au regard des conditions d’exercice en fait de l’activité litigieuse ; que la société Total Raffinage Marketing avait fait valoir dans ses conclusions d’appel que l’exclusivité contractuelle ne portait que sur les produits pétroliers, et qu’était laissé un libre choix des fournisseurs pour l’ensemble des autres produits (conclusions d’appel de la société Total Raffinage Marketing, page 16) ; qu’en refusant d’examiner les activités de diversification, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7321-2 du code du travail ;
3/ ALORS QUE l’activité essentielle de celui qui invoque le bénéfice des articles L. 7321-1 et suivants du code du travail et permet d’apprécier son degré de dépendance économique, se détermine u regard de la proportion des revenus tirés de l’activité relevant du champ d’application des dispositions précitées, comparée à ceux tirés des activités de diversification et non exclusives ; qu’en se fondant sur le seul pourcentage des produits exclusivement fournis par la société Total Raffinage Marketing, et non sur les revenus des différentes autres activités et pour lesquelles la société Total Raffinage Marketing n’était pas le fournisseur exclusif, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-2 du code du travail ;
4/ ALORS QUE la condition prévue à l’article L. 7321-2 du code du travail et relative à la vente de marchandises aux prix imposés par celui qui les fournit n’est pas remplie quand celui qui prétend bénéficier des dispositions applicables au gérant de succursale fixe librement le prix de vente d’un certain nombre de ces produits ; que la société Total Raffinage Marketing avait procédé à une distinction dans ses conclusions d’appel, démontrant que les prix étaient fixés librement hors carburant et lavage ; qu’en se bornant à examiner le prix de vente du carburant et non des autres produits, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7321-2 du code du travail.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail s’appliquent en leur principe aux rapports des parties et bénéficient de la même manière à MM. Daniel et Thierry Z...et que les dispositions de la première partie, de la troisième partie en ses livres Ier et III et de la quatrième partie de ce code leur sont notamment applicables, dit que la convention collective applicable est celle de l’industrie du pétrole et que le coefficient 230 s’applique à MM. Daniel et Thierry Z... ;
AUX MOTIFS QUE dès lors que l’article L. 7321-2 du code du travail est applicable, MM Daniel Z...et Thierry Z...qui assuraient personnellement l’exploitation de la station-service dans le cadre d’un contrat agréé par la société Total RM et d’un autre contrat conclu avec elle, sont bien fondés à demander le bénéfice de la convention collective des industries du pétrole du 3 septembre 1985 étendue, à laquelle se trouve soumise la société, notamment en ce qui concerne la détermination de leur rémunération ; que selon les dispositions III A 5 de cette convention collective, l’agent chargé de prendre des commandes suivant les instructions reçues fait l’objet d’un classement en agent de vente confirmé 2ème degré selon le coefficient de rémunération K 230 selon le degré d’initiative et d’autonomie laissé à l’intéressé ; que même en l’absence d’encadrement d’autres salariés, MM Daniel Z...et Thierry Z...effectuaient un travail répondant aux conditions de bénéfice du coefficient K 230 ; qu’ils participaient tous deux à la gestion et à l’animation de la station-service, à la vente de carburant et lubrifiants dans les conditions prévues par la société Total RM et selon ses directives ; que s’ils passaient, dans cette même limite des directives, les commandes nécessaires, dans le cadre d’une autonomie de fixation de leurs tâches respectives dont ils déterminaient entre eux deux les modalités, ils ne jouissaient d’aucune indépendance, puisqu’ils ne pouvaient se faire remplacer, ni céder la gestion à quiconque ;
ALORS QUE la société Total Raffinage Marketing avait fait valoir dans ses conclusions d’appel que la convention collective de l’industrie du pétrole ne visait pas l’activité de vente de carburant telle qu’exercée par un gérant de succursale et que la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile du cycle et du motocycle et des activités annexes avait été appliquée à l’activité de la société Sodicarbu et avait bénéficié à M. Daniel Z...en sa qualité de salarié (conclusions d’appel, page 21) ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
SEPTIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail s’appliquent en leur principe aux rapports des parties et bénéficient de la même manière à MM. Daniel et Thierry Z... ; dit que les dispositions de la première partie, de la troisième partie en ses livres Ier et III et de la quatrième partie de ce code leur sont notamment applicables, dit que la convention collective applicable est celle de l’industrie du pétrole et que le coefficient 230 s’applique à MM. Daniel et Thierry Z... ; que les dispositions des articles L. 7321 et suivants du code du travail, outre celles de la première partie, de la troisième partie en ses livres Ier et III, et de la quatrième partie de ce code bénéficient à MM. Daniel et Thierry Z...pour l’ensemble de la période du 7 avril 2003 au 31 juillet 2007 ;
AUX MOTIFS QUE pour pouvoir prétendre au paiement d’heures supplémentaires et accessoires, MM Daniel Z...et Thierry Z...doivent démontrer, par application de l’article L. 7321-3 du code du travail, que leur est applicable l’ancien livre II du code du travail, devenu dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés, et de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail ; qu’ils ne sont donc en droit de revendiquer les dispositions susvisées relatives à la durée du travail, aux heures supplémentaires, aux repos hebdomadaires, et aux indemnités de congés payés, que s’ils établissent que les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité du travail dans la station-service étaient fixées par la société Total RM ;... ; qu’il n’y a pas lieu de s’interroger sur le pouvoir d’embauche qui relevait de la société Sodicarbu, et en l’absence en tout état de cause de tout salarié travaillant dans la station-service en dehors des intimés ; que les nombreuses obligations imposées posées par la société Total RM quant aux tâches à accomplir, que ce soit par l’un ou par l’autre, ont précédemment été rappelées telles qu’elles ressortent des stipulations du contrat du 3 janvier 2005 déjà citées ; que la société Total RM ne conteste par les horaires d’ouverture de la station-service tels que susvisés ; qu’elle ne disconvient pas que les montant des commissions versées était déterminé en fonction des jours et heures d’ouverture ; que les intimés ne pouvaient dès lors s’y soustraire ; qu’elle fixait, selon l’article 1. 11 des conditions particulières du contrat de commission, un objectif de volume minimum annuel (1. 181 M3) de vente de carburant, en lien avec le temps de travail ; que par ailleurs, le respect des règlements en matière de sécurité, de prévention des incendies à raison de la nature inflammable des produits et de pollution a conduit la société Total RM à dresser un manuel et des règles techniques relatives à ses matériels de distribution, dont elle conservait la maîtrise, en imposant ses propres réparateurs (articles 10 et 17 du contrat de commission) ; que les intimés étaient engagés au respect du manuel (article 7 et 16), notamment quant au contrôle de qualité des produits ; que la société Total RM étaient entièrement en charge de la conformité de l’infrastructure ; qu’elle n’allègue d’ailleurs, ni ne démontre que cette conformité était en l’espèce respectée quant à la règlementation incendie et à la règlementation concernant la pollution des eaux ; ni qu’elle ait eu à reprocher aux intimés un défaut de diligence en matière de mise en conformité ; que propriétaire des dites installations classées, elle était responsable personnellement du respect des règlements, sauf délégation de pouvoir à MM Daniel Z...et Thierry Z... ; que cette délégation ne peut se déduire de la seule conclusion d’une convention avec la société Sodicarbu, alors que l’objet de cette convention était d’obtenir que les deux associés assurent personnellement leurs prestations ; que la seule remise de la documentation nécessaire à la connaissance des obligations de sécurité ne caractérise pas une délégation de pouvoir les investissant de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement au respect des dispositions ayant une incidence directe sur la sécurité des travailleurs sur le site ; qu’au demeurant, la société Total RM conteste elle-même dans ses écritures, toute possibilité de délégation ; qu’il s’ensuit que sont applicables à MM Daniel Z...et Thierry Z...les dispositions du livre Ier de la 3ème et celles de la 4ème partie du code du travail relatives aux heures supplémentaires et autres réglementations du temps de travail, de l’hygiène et de la sécurité ; … ; que MM Daniel Z...et Thierry Z...ont étayé leur demande par la démonstration de l’obligation d’ouverture sept jours sur sept, pendant 14h30 par jour, en invoquant justement le temps complémentaire d’ouverture et de fermeture ; qu’ils ne bénéficiaient d’aucune aide de quiconque, que la société Total RM n’en disconvient à aucun moment ; qu’il lui appartient dès lors d’apporter à la juridiction des éléments, sans pouvoir se retrancher derrière l’ignorance alléguée de la réalité de l’activité de MM Daniel Z...et Thierry Z..., de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par les intéressés ; qu’elle ne démontre en rien notamment avoir pu constater une quelconque absence des intéressés pendant toute la période, alors même qu’elle avait des moyens de contrôle, en particulier les livreurs de carburant, par la mise en oeuvre des opération de promotion de la marque ;
1/ ALORS QUE seules les conditions effectives de l’exercice d’une activité peuvent permettre de déterminer si elle relève ou non des dispositions légales applicables au gérant de succursale ; qu’en se fondant sur les dispositions du contrat conclu entre les parties, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et violé l’article L. 7321-2 du travail ;
2/ ALORS QUE l’article L. 7321-3 du code du travail n’est applicable que dans l’hypothèse où le chef d’entreprise qui fournit les marchandises a fixé les conditions de travail, de santé, et de sécurité du travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu’en se référant aux conditions d’exploitation de la station service, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et violé l’article susvisé.

Moyens produits au pourvoi n° F 11-21. 278 par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour MM. Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR déclaré soumises à la prescription quinquennale les demandes en paiement de créances de nature salariale présentées par Messieurs Daniel et Thierry Z...pour la période antérieure au 7 avril 2003 ;
AUX MOTIFS QUE “ en application des articles L. 3245-1 du Code du travail et 2277 du Code civil en sa rédaction applicable à la cause, le paiement des salaires se prescrit par 5 ans ; que ce délai est expiré pour toute réclamation portant sur l’activité de Messieurs Daniel Z...et Thierry Z...avant le 7 avril 2003 ;
QU’ils soutiennent cependant qu’il n’existe aucune disposition prévoyant que ces textes s’appliquent au cas des bénéficiaires de l’article L. 781-1 du Code du travail, alors en vigueur ; qu’à ce moment, porteurs d’une créance non salariale, non déterminée, ils estiment s’être trouvés dans l’impossibilité d’agir, ignorant leurs droits qui dépendaient de la reconnaissance judiciaire de ce que leurs relations contractuelles leur permettaient de revendiquer le statut professionnel particulier issu du texte ; que selon eux, leur action a eu pour objet le paiement de sommes dont le caractère salarial était incertain ; que seule la date de la décision judiciaire leur reconnaissant le bénéfice du texte en cause, constitutive, pour eux, de droits, serait à prendre en compte pour le point de départ de la prescription quinquennale ; qu’en décider autrement reviendrait à exonérer la Société Total RM de sa méconnaissance volontaire d’une protection d’ordre public, et à les rendre victimes de la désinformation dont ils ont été l’objet de sa part ;
QUE (cependant) Messieurs Daniel Z...et Thierry Z...n’ignorent pas en premier lieu qu’une question prioritaire de constitutionnalité a été posée par d’autres exploitants de station service devant la Cour d’appel de Besançon, faisant état de moyens strictement identiques, et que par arrêt en date du 25 juin 2010, la Cour de cassation a refusé sa transmission au Conseil constitutionnel, retenant que :
” La question posée, relative à la durée de la prescription des actions en paiement des salaires, au demeurant conforme au droit commun, ne présente pas de caractère sérieux au regard des exigences qui s’attachent aux dispositions, règles et principes de valeur constitutionnelle invoqués “ ;
QU’au surplus, ils font inexactement valoir que la Société Total RM invoquerait le caractère constitutif pour eux de la décision judiciaire ; qu’elle soutient exactement le contraire dans ses écritures (§. 72) ; que rien ne permet en effet de qualifier de constitutive de droits la décision judiciaire qui fait seulement application à l’espèce particulière, au regard de circonstances de fait, d’un texte de loi ; qu’elle est déclarative, entraînant reconnaissance rétroactive d’un statut, déjà prise en compte dans l’analyse du moyen d’” inconventionnalité “, faute de quoi les intéressés ne pourraient rien réclamer pour le passé ;
QUE les bénéficiaires du texte ont la possibilité absolue d’exercer un recours effectif, au demeurant, comme déjà souligné, en cours d’exécution du contrat de commission, et ne sont en rien privés d’un procès équitable au sens des dispositions de divers articles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ; que leur action est fondée sur les dispositions du Code du travail et qu’ils doivent se soumettre également à celles de son article L. 3245-1 dont ils ne peuvent exclure l’application ; qu’il régit également les relations de la Société Total RM avec ses salariés et il n’y a pas de discrimination ; qu’il n’y a pas non plus spécialement, en l’espèce, conséquences excessives dans la mesure où les intéressés seraient privés de tout aboutissement concret de leur recours ; qu’ils sont seulement limités dans l’ampleur de leur réclamation ;
QU’il n’y a pas non plus violation de l’article 1 du Protocole 1 de la Convention européenne, motif pris d’une entorse à un droit de propriété, faute d’en permettre la jouissance légitime, dès lors que la prescription quinquennale ne concerne qu’une créance salariale, alors que d’autres créances résultant du bénéfice des dispositions de l’article L. 781-1 du Code du travail (…) peuvent prospérer faute d’être soumises à un délai de 5 ans pour en formuler la revendication ;
QU’en définitive, Messieurs Daniel Z...et Thierry Z...ne se sont pas trouvés dans une impossibilité d’agir suspendant la prescription ; que l’exclusion apparente résultant du type de contrat passé entre eux et la Société Total RM, de leur droit à bénéficier des dispositions précitées, ne les a pas placés dans l’impossibilité de contester cette situation devant la juridiction prud’homale ; que la prescription s’applique et que les jugements seront, même s’ils n’ont pas analysé explicitement la période antérieure au 1er janvier 2005, en tant que besoin confirmés et la mesure d’instruction ordonnée prendra en compte cette règle “ (arrêt p. 15 dernier alinéa, p. 16 alinéas 1 à 6) ;
1°) ALORS QUE toute personne a le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables lui assurant notamment “ la rémunération qui procure au minimum à tous les travailleurs … un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale … le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés “ ; que méconnaît ce droit à des conditions de travail justes et à la perception de la rémunération y afférente la loi nationale qui édicte une prescription quinquennale de ces rémunérations à compter de leur échéance, sans considération d’une éventuelle renonciation du travailleur à les percevoir, des conventions conclues entre les parties, ni du comportement du bénéficiaire de la prestation de travail ; qu’en décidant le contraire, la Cour d’appel a violé les articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ;
2°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; que n’est pas de nature à assurer l’effectivité de ce droit la législation nationale qui édicte une prescription quinquennale de l’action en paiement des créances afférentes à la reconnaissance d’un statut protecteur, privant ainsi de facto le bénéficiaire de ce statut de la possibilité de faire utilement valoir ces droits devant un tribunal ; que n’assure pas davantage le respect de ces droits fondamentaux l’unique réserve d’une impossibilité absolue d’agir ; qu’en décidant le contraire, la Cour d’appel a violé les articles 6 §. 1er et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS QUE toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu’en appliquant au bénéfice de la Société Total une prescription ayant pour effet de priver les consorts Z...d’une partie substantielle des rémunérations constituant la contrepartie de l’activité déployée pour son compte, acquises à mesure de l’exécution de leur prestation de travail, la Cour d’appel leur a infligé une privation d’un droit de créance disproportionnée avec l’objectif légal de sécurité juridique et a, partant, porté une atteinte excessive et injustifiée au droit de ces travailleurs au respect de leurs biens, en violation de l’article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
4°) ALORS QU’en appliquant à des travailleurs n’ayant jamais été reconnus comme ses salariés par la Compagnie pétrolière mais devant, pour bénéficier des dispositions légales et conventionnelles applicables dans cette entreprise, faire judiciairement reconnaître leur droit au bénéfice du statut réservé aux gérant de succursales, une prescription destinée à éteindre les créances périodiques de salariés régulièrement tenus informés de leurs droits par la délivrance, notamment, d’un bulletin de salaire mensuel, la Cour d’appel a édicté entre les différents travailleurs concourant à l’activité de la Compagnie pétrolière une différence de traitement injustifiée, en violation de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
5°) ALORS enfin QU’en retenant que les consorts Z...avaient “ la possibilité absolue d’exercer un recours effectif … en cours d’exécution du contrat de commission “, ce dont il résultait que ces gérants de station service devaient connaître l’inefficacité de l’interposition entre eux et la Compagnie pétrolière, à l’initiative de cette dernière, d’une personne morale seule titulaire des droits et obligations issus des contrats de gérance, interprétation non seulement imprévisible mais directement contraire au droit positif applicable à cette date, la Cour d’appel a violé derechef les textes susvisés.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté les consorts Z...de leur demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ;
AUX MOTIFS QUE “ sur la demande générale de dommages et intérêts : cette demande encore nouvelle devant la cour poursuit en fait l’indemnisation des mêmes circonstances des relations contractuelles qui font déjà l’objet de diverses demande en paiement, pour majeure part accueillies en leur principe ; l’allégation d’une application systématique par les juridictions judiciaires, de toutes les dispositions du Code du travail revendiquées est au demeurant excessive, certaines d’entre elles étant d’ailleurs écartées par le présent arrêt ; qu’il convient de rejeter cette demande à caractère cumulatif mal fondé, et qui s’appuie d’ailleurs sur un texte relatif à la matière délictuelle alors qu’il y avait en tout état de cause contrat avec la Société Sodicarbu, et qu’un éventuel comportement déloyal devait s’inscrire dans la relation en découlant “ (arrêt p. 18 alinéas 8 et 9) ;
1°) ALORS QUE la règle du non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle ne peut recevoir application qu’entre cocontractants ; qu’en l’espèce, l’existence d’une relation contractuelle entre Total et Sodicarbu, personne morale distincte des personnes physiques bénéficiant du statut, et dont elle n’a pas constaté la fictivité, ne pouvait avoir pour effet de conférer un caractère contractuel à leurs propres relations de travail avec Total, caractère que cette interposition avait précisément pour objet d’évincer ; qu’en opposant à l’action en responsabilité délictuelle exercée par les consorts Z...l’existence d’un contrat entre Total et Sodicarbu dans lequel “ devait s’inscrire “ l’action personnelle des gérants la Cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les article 1165 et 1382 du Code civil ;
2°) ALORS en outre QUE le droit à un jour de repos hebdomadaire de 24 heures consécutives, qui doit en principe être donné le dimanche, est un droit fondamental consacré par la loi française, les directives européennes et les normes internationales ; que la privation de ce droit par l’effet de l’imposition à des travailleurs subordonnés de conditions d’exploitation leur interdisant de prendre un tel repos constitue une faute génératrice d’un droit à réparation ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a constaté que les conditions d’exploitation de la station service confiée aux consorts Z...les contraignait habituellement à des horaires d’ouverture quotidiens de 14 heures 30, 7 jours sur 7, toute l’année (arrêt p. 11 dernier alinéa) et à une ouverture systématique chaque dimanche, ce dont il résultait que leurs droits au repos hebdomadaire avaient été méconnus ; qu’en leur refusant l’indemnisation du préjudice découlant nécessairement de cette faute, la Cour d’appel a violé les articles 1382 du Code civil, L. 3132-2 et L. 3132-3 du Code du travail, 2 de la Convention OIT n° 14 du 17 novembre 1921, 3 à 6 de la directive n° 154/ CE du Conseil du 24 novembre 1993 ;
3°) ALORS QU’en rejetant la demande des consorts Z...en paiement de dommages et intérêts au motif général et imprécis qu’elle poursuivait “ … en fait l’indemnisation des mêmes circonstances des relations contractuelles qui font déjà l’objet de diverses demande en paiement, pour majeure part accueillies en leur principe … “ quand elle avait précisément refusé tout paiement d’un supplément de rémunération pour travail dominical, motif pris de ce qu’une telle pratique systématique n’était pas prévue par la convention collective applicable, la Cour d’appel a violé derechef l’article 1382 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté les consorts Z...de leurs demandes d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE “ Messieurs Daniel Z...et Thierry Z...ne soutiennent pas que la Société Total RM a elle-même poursuivi la rupture des relations ; qu’ils précisent qu’en raison de son état de santé, Monsieur Daniel Z...devait cesser son activité et que Monsieur Thierry Z..., qui ne pouvait exploiter seul le point de vente dans les conditions imposées par la Société Total RM, a dû notifier à celle-ci la fin des relations entre la Société Sodicarbu et elle ; que les intimés entendent faire juger que l’état de santé défaillant de Monsieur Daniel Z...a découlé du temps de travail illicite et déraisonnable demandé par la Société Total RM, et qu’en conséquence celleci est responsable de la rupture ; qu’elle aurait dû procéder au licenciement des deux intéressés ;
QU’ils ne peuvent cependant, par des motifs hypothétiques, imputer la rupture à la Société Total RM, même si elle ne disconvient pas avoir donné suite à l’intention de mettre un terme aux relations ; qu’elle n’a pas pris l’initiative de la rupture et que l’existence d’un commun accord n’est ni alléguée en tant que telle, ni démontrée ; qu’il s’ensuit que l’ensemble des prétentions tenant à l’existence d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse doivent être rejetées, les jugements étant dès lors infirmés de ces chefs “ ;
1°) ALORS QUE la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement lorsque l’employeur a, par son fait, rendu impossible pour le salarié la poursuite du contrat de travail et l’a contraint à démissionner ; qu’il en est ainsi lorsque les conditions de travail imposées au salarié ont altéré sa santé au point de le contraindre à cesser son activité ou lorsqu’il s’y est trouvé contraint en raison d’une inaptitude, même d’origine non professionnelle, n’ayant donné lieu à aucune tentative de reclassement ; qu’en l’espèce, les consorts Z...avaient imputé à la Société Total la cessation de la relation de travail dont ils avaient pris l’initiative en conséquence de l’inaptitude de Daniel Z...trouvant son origine dans les conditions de travail qui lui étaient imposées ; qu’ils avaient versé aux débats plusieurs éléments objectifs destinés à démontrer cette inaptitude et que la Cour d’appel elle-même a ordonné une expertise aux fins de déterminer les conséquences de l’exposition des consorts Z...à des substances dangereuses sans surveillance médicale, reprochée à la Société Total Raffinage Marketing (p. 17 alinéas 5 et 6) ; qu’en les déboutant cependant de leur demande aux motifs qu’ils ne pouvaient “ … par des motifs hypothétiques, imputer la rupture à la Société Total RM … (qui) n’en avait pas pris l’initiative “, la Cour d’appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1237-1 du Code du travail, ensemble l’article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS subsidiairement QUE la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement lorsque l’employeur a, par son fait, rendu impossible pour le salarié la poursuite du contrat de travail et l’a contraint à démissionner ; que tel est le cas du travailleur contraint de poursuivre son activité sans que l’employeur lui en ait fourni les moyens matériels et humains, notamment en mettant à sa disposition le personnel auxiliaire indispensable à la réalisation des tâches confiées ; qu’en l’espèce, il ressortait des propres énonciations de l’arrêt attaqué qu’à la suite de la cessation d’activité de Monsieur Daniel Z..., Monsieur Thierry Z..., “ … qui ne pouvait exploiter seul le point de vente dans les conditions imposées par la Société Total RM, a dû notifier à celle-ci la fin des relations entre la Société Sodicarbu et elle … “ ; qu’en le déboutant cependant de sa demande au motif inopérant de ce que la Compagnie pétrolière n’avait pas pris l’initiative de la rupture la Cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les textes susvisés.

Publication : Bulletin 2012, V, n° 327

Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles , du 17 mai 2011

Titrages et résumés : STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Gérant de succursale - Travailleur visé à l’article L. 7321-2 du code du travail - Activité du distributeur de produits au service du fournisseur - Relation d’exclusivité ou de quasi-exclusivité - Appréciation - Contrôle du juge - Principe de sécurité juridique - Compatibilité - Portée

Ne constitue pas une atteinte à la sécurité juridique le fait que les juridictions apprécient dans chaque cas l’importance, prépondérante ou non, de l’activité consacrée par un distributeur de produits au service du fournisseur, le contrôle juridictionnel constituant au contraire une garantie de sécurité pour ce dernier.

Une cour d’appel en déduit à bon droit que les dispositions de l’article L. 7321-2 du code du travail ne sont pas contraires à l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME - Article 6 § 1 - Compatibilité - Code du travail - Article L. 7321-2 - Portée

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Gérant de succursale - Travailleur visé à l’article L. 7321-2 du code du travail - Qualité de salarié - Cumul - Conditions - Détermination - Portée

La qualité de salarié n’exclut pas l’application de l’article L. 7321-2 du code du travail dès lors que les conditions cumulatives posées par ce texte sont réunies

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Gérant de succursale - Travailleur visé à l’article L. 7321-2 du code du travail - Réunion des conditions cumulatives légales - Effets - Qualité de salarié - Possibilité

Précédents jurisprudentiels :
Sur le n° 1 : Sur l’appréciation des juges du fond relativement à la condition de fourniture exclusive ou quasi-exclusive, à rapprocher : Soc., 22 mars 2006, pourvoi n° 05-42.233, Bull. 2006, V, n° 122 (3) (rejet), et les arrêts cités

Textes appliqués :
• Sur le numéro 1 : article L. 7321-2 du code du travail ; article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
• Sur le numéro 2 : articles L. 7321-1 à L. 7321-4 du code du travail ; articles 1131 et 1134 du code civil