Gérant égalitaire

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 11 octobre 2012

N° de pourvoi : 11-17944

Non publié au bulletin

Rejet

M. Loriferne (président), président

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bastia, 16 mars 2011), qu’à la suite d’un contrôle de l’activité de la société à responsabilité limitée I Friteddi Di Ghjaseppu (la société) qui exploite à Ajaccio un commerce de pâtisserie, l’URSSAF de Corse, au vu des constatations de l’activité exercée dans l’établissement par M. X..., père de la gérante, a notifié à la société un redressement portant sur la période de 2003 à 2007 et calculé sur la base d’une rémunération au SMIC trois heures par jour du mardi au vendredi et sept heures par jour le dimanche, jour où M. X... s’occupait de la fabrication et de la vente ; qu’une contrainte lui ayant été délivrée le 29 juillet 2008, la société a formé opposition ;

Attendu que l’URSSAF fait grief à l’arrêt d’annuler cette contrainte alors, selon le moyen :

1°/ que la participation à l’activité d’une entreprise de façon durable, régulière et permanente excède les limites de l’entraide familiale et constitue une activité salariée entraînant l’obligation pour l’entreprise au profit de laquelle elle est exercée de verser les cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou, en l’absence de rémunération, sur une somme définie forfaitairement en fonction de la convention collective applicable ou des salaires pratiqués dans la profession, conformément aux dispositions des articles R. 242-1 et R. 242-5 dudit code ; qu’en l’espèce, il résulte du procès-verbal d’infraction à l’interdiction du travail dissimulé établi par l’URSSAF, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, que M. X..., affecté à la fabrication de pâtisseries corses à vocation artisanale, travaillait de cinq heures à huit heures tous les jours, y compris le dimanche, au sein de la société I Friteddi Di Ghajaseppu ; qu’il spécifiait également que M. X... s’occupait de la vente des pâtisseries tous les dimanches ; qu’en refusant de voir dans cette activité durable, régulière et permanente une activité salariée dissimulée, au motif inopérant que la pratique de la pâtisserie corse était d’une « ampleur modeste », voire « anecdotique », la cour d’appel a violé l’article L. 8221-5 du code du travail, ainsi que les articles L. 136-2 § I, L. 242-1, L. 311-2, R. 242-1 et R. 242-5 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu’une entreprise de pâtisserie, fût-elle de taille modeste, a nécessairement besoin en son sein d’un salarié affecté à la fabrication des pâtisseries ; qu’en l’espèce, il résulte du procès-verbal d’infraction à l’interdiction du travail dissimulé établi par l’URSSAF, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, que l’activité de M. X..., notamment affecté à la fabrication de pâtisseries corse à vocation artisanale, était indispensable à l’entreprise, notamment durant les périodes où aucun salarié affecté à la pâtisserie n’était présent au sein de la structure ; qu’en affirmant qu’en raison de la structure modeste de la société I Friteddi Di Ghajaseppu dégageant un faible bénéfice annuel, “il ne pouvait être tiré argument de l’absence ponctuelle de salarié au sein de l’entreprise”, la cour d’appel a violé l’article L. 8221-5 du code du travail, ainsi que les articles L. 136-2 § I, L. 242-1, L. 311-2, R. 242-1 et R. 242-5 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que l’absence d’un lien de subordination ne peut se déduire de l’absence de l’employeur sur les lieux lorsque se déroule la prestation de travail ; qu’en se fondant sur l’absence de la gérante sur place lors de l’activité de M. X... pour en déduire l’absence d’un lien de subordination, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 8221-5 du code du travail ainsi que des articles L. 136-2 § I, L 242-1, L. 311-2, R. 242-1 et R. 242-5 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que le juge ne peut modifier les termes du litige tels que déterminés par les prétentions des parties ; qu’en l’espèce, il résulte du procès-verbal d’infraction à l’interdiction du travail dissimulé établi par l’URSSAF, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, que M. X... était non seulement affecté à la fabrication de pâtisseries corse à vocation artisanale, mais s’occupait également de la vente des pâtisseries le dimanche ; qu’en considérant que l’URSSAF ne contredisait pas l’assertion de M. X... qui se présentait comme un formateur des ouvriers régulièrement embauchés à la pratique spécifique de la pâtisserie corse à vocation artisanale, la cour d’appel a dénaturé les termes du litige en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir relevé que M. X... était co-associé à parts égales avec sa fille qui, tout en étant gérante, était absente de l’entreprise et ne lui donnait aucune directive, la cour d’appel en a déduit que l’activité litigieuse s’apparentait plutôt, faute de lien de subordination, à une gérance de fait ; qu’ abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches du moyen, sa décision se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l’URSSAF de la Corse aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Héderer, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l’audience publique du onze octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de la Corse

Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR dit que le redressement opéré sur la base de l’existence d’une dissimulation de l’activité de Monsieur X... était mal fondé et d’AVOIR annulé la contrainte émise le 23 juillet 2008 par l’URSSAF à l’encontre de la société I FRITEDDI DI GHJASEPPU ;

AUX MOTIFS QUE la SARL FRITEDDI DI GHJASEPPU conteste tout travail dissimulé par dissimulation de l’activité salariée de Monsieur X... ; qu’elle fait valoir que son acceptation d’une composition pénale au terme de la procédure pénale faisant suite au contrôle opéré est sans effet sur la procédure dont s’agit et une éventuelle reconnaissance des faits de travail dissimulé ; qu’elle considère que l’URSSAF ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une relation salariale alors que l’activité de Monsieur X... relevait en réalité de l’entraide familiale ; que l’URSSAF conclut à la confirmation du jugement déféré en estimant que les constatations des agents qui font foi jusqu’à preuve du contraire établissent suffisamment l’existence de l’infraction ; que d’une part l’ordonnance aux fins de validation de la composition pénale rendue par le président du tribunal, en application de l’article du code de procédure pénale, sans débat contradictoire, à seule fin de réparer le dommage, l’action publique étant seulement suspendue, n’a pas autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ; qu’il en résulte que nonobstant l’acceptation d’une telle composition pénale la condamnant à payer une amende, l’appelante demeure apte à contester l’existence d’un travail dissimulé ; qu’ensuite, s’il est de principe que les procès-verbaux des agents assermentés font foi jusqu’à preuve du contraire, ce n’est qu’à raison des constatations qui y sont contenues et nullement des déductions opérés par les agents, lesquelles restent soumises à l’appréciation probatoire ; qu’en l’espèce, il ressort du procès-verbal à l’origine de la procédure de redressement que les agents assermentés ont constaté à leur arrivée, le 12 décembre 2007 à 6 heures 30, la présence dans les locaux de l’entreprise d’une personne en tenue de travail occupée à la fabrication de pâtisseries et répondant à l’identité de Joseph X..., lequel devait préciser par la suite que son activité professionnelle comme agent municipal de la ville d’Ajaccio lui permettait de travailler de 5 heures à 8 heures tous les jours, au sein de la pâtisserie, afin notamment d’y former un nouveau pâtissier (Monsieur Benjamin Z..., également présent) à la fabrication de produits régionaux, outre le dimanche matin consacrée à la vente ; que sur la base de ces déclarations et des constatations opérées sur le registre unique du personnel faisant apparaître l’absence d’embauche de pâtissier qualifié depuis le 18 avril 2003 et de tout salarié occupé à la fabrication entre le 10 février 2007 et le 13 avril 2007 et entre le 29 juin 2007 et le 1er août 2007, les agents de l’URSSAF en ont déduit que la présence de Monsieur X... à ce poste de travail était indispensable au bon fonctionnement de la société et que son activité non déclarée relevait du travail dissimulé par dissimulation d’activité salariée ; que cependant, il résulte des pièces produites aux débats que Monsieur X... est co-associé avec sa fille Sabine X..., de la SARL, à parts égales, et que cette dernière, par ailleurs hôtesse de l’air, en est la gérante ; qu’il apparaît également au travers des pièces comptables que la SARL est une structure somme toute modeste dégageant un faible bénéfice annuel, de telle sorte qu’il ne peut être tiré argument de l’absence ponctuelle de salarié au sein de l’entreprise ; que l’activité de Monsieur X..., à la supposer régulière, à raison de trois heures par jour et le dimanche matin, dans ces conditions qui ne permettent pas de retenir, notamment en l’absence de la gérante sur place, de quelconques directives de sa part et partant un quelconque lien de subordination, et alors que l’URSSAF ne contredit nullement l’assertion de Monsieur X... qui se présente comme un formateur des ouvriers régulièrement embauchés à la pratique spécifique de la pâtisserie corse à vocation artisanale, d’une ampleur modeste, pour ne pas dire anecdotique, relève de toute évidence de l’acte d’entraide ou de service voire de la gérance de fait plutôt que de la relation contractuelle dissimulée ; qu’il en résulte que le redressement opéré sur la base d’une dissimulation de l’activité salariée de Monsieur X... est mal fondé ; que la contrainte émise le 23 juillet 2008 à l’encontre de l’appelante sera annulée et le jugement entrepris infirmé en toutes ses dispositions ;

1) ALORS QUE la participation à l’activité d’une entreprise de façon durable, régulière et permanente excède les limites de l’entraide familiale et constitue une activité salariée entraînant l’obligation pour l’entreprise au profit de laquelle elle est exercée de verser les cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération définie à l’article L du Code de la Sécurité Sociale ou, en l’absence de rémunération, sur une somme définie forfaitairement en fonction de la convention collective applicable ou des salaires pratiqués dans la profession, conformément aux dispositions des articles R 242-1 et R 242-5 dudit Code ; qu’en l’espèce, il résulte du procès-verbal d’infraction à l’interdiction du travail dissimulé établi par l’URSSAF, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, que Monsieur X..., affecté à la fabrication de pâtisseries corse à vocation artisanale, travaillait de heures à 8 heures tous les jours, y compris le dimanche, au sein de la société I FRITEDDI DI GHAJASEPPU ; qu’il spécifiait également que Monsieur X... s’occupait de la vente des pâtisseries tous les dimanches ; qu’en refusant de voir dans cette activité durable, régulière et permanente une activité salariée dissimulée, au motif inopérant que la pratique de la pâtisserie corse était d’une « ampleur modeste », voire « anecdotique », la Cour d’appel a violé l’article L 8221-5 du Code du travail, ainsi que les articles L 136-2 § I, L 242-1, L 311-2, R 242-1 et R 242-5 du Code de la Sécurité Sociale ;

2) ALORS QU’une entreprise de pâtisserie, fût-elle de taille modeste, a nécessairement besoin en son sein d’un salarié affecté à la fabrication des pâtisseries ; qu’en l’espèce, il résulte du procès-verbal d’infraction à l’interdiction du travail dissimulé établi par l’URSSAF, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, que l’activité de Monsieur X..., notamment affecté à la fabrication de pâtisseries corse à vocation artisanale, était indispensable à l’entreprise, notamment durant les périodes où aucun salarié affecté à la pâtisserie n’était présent au sein de la structure ; qu’en affirmant qu’en raison de la structure modeste de la société I FRITEDDI DI GHAJASEPPU dégageant un faible bénéfice annuel, “il ne pouvait être tiré argument de l’absence ponctuelle de salarié au sein de l’entreprise”, la Cour d’appel a violé l’article L 8221-5 du Code du travail, ainsi que les articles L 136-2 § I, L 242-1, L 311-2, R 242-1 et R 242-5 du Code de la Sécurité Sociale ;

3) ALORS QUE l’absence d’un lien de subordination ne peut se déduire de l’absence de l’employeur sur les lieux lorsque se déroule la prestation de travail ; qu’en se fondant sur l’absence de la gérante sur place lors de l’activité de Monsieur X... pour en déduire l’absence d’un lien de subordination, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 8221-5 du Code du travail ainsi que des articles L 136-2 § I, L 242-1, L 311-2, R 242-1 et R 242-5 du Code de la Sécurité Sociale ;

4) ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige tels que déterminés par les prétentions des parties ; qu’en l’espèce, il résulte du procès-verbal d’infraction à l’interdiction du travail dissimulé établi par l’URSSAF, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, que Monsieur X... était non seulement affecté à la fabrication de pâtisseries corse à vocation artisanale, mais s’occupait également de la vente des pâtisseries le dimanche ; qu’en considérant que l’URSSAF ne contredisait pas l’assertion de Monsieur X... qui se présentait comme un formateur des ouvriers régulièrement embauchés à la pratique spécifique de la pâtisserie corse à vocation artisanale, la Cour d’appel a dénaturé les termes du litige en violation de l’article 4 du Code de procédure civile.
Décision attaquée : Cour d’appel de Bastia du 16 mars 2011