Décision Conseil d’Etat après QPC

Conseil d’État

N° 389745

ECLI:FR:CECHR:2016:389745.20160708

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

1ère - 6ème chambres réunies

M. Yannick Faure, rapporteur

M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public

SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR, avocat(s)

lecture du vendredi 8 juillet 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril et 24 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fédération des promoteurs immobiliers demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-364 du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 la Constitution, notamment son Préambule et son article 62 ;

 le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 ;

 la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 ;

 le code pénal ;

 le code du travail ;

 la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 ;

 la décision du 23 octobre 2015 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux a renvoyé la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération des promoteurs immobiliers ;

 la décision n° 2015-517 QPC du 22 janvier 2016 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération des promoteurs immobiliers ;

 le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

 le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

 les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la Fédération des promoteurs immobiliers ;

1. Considérant que, pour l’application de la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, le décret du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal, dont la Fédération des promoteurs immobiliers demande l’annulation pour excès de pouvoir, précise notamment les modalités, d’une part, de l’obligation de vérification des maîtres d’ouvrage ou donneurs d’ordre qui contractent avec un prestataire de service qui détache des salariés et, d’autre part, des obligations de vigilance instituées par cette loi à la charge de tout maître d’ouvrage ou donneur d’ordre en matière d’hébergement et d’application de la législation du travail ;

Sur la légalité du décret attaqué :

En ce qui concerne l’obligation de vérification du donneur d’ordre contractant avec un prestataire de service qui détache des salariés :

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 1262-1 du code du travail, pris pour la transposition de la directive du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services : “ Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. / Le détachement est réalisé : / 1° soit pour le compte de l’employeur et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ; / 2° soit entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe ; / 3° soit pour le compte de l’employeur sans qu’il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire “ ; qu’aux termes de l’article L. 1262-2 du même code pris pour la transposition de la même directive : “ Une entreprise exerçant une activité de travail temporaire établie hors du territoire national peut détacher temporairement des salariés auprès d’une entreprise utilisatrice établie ou exerçant sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre l’entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement “ ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : “ (...) les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation (...) “ ; qu’aux termes de l’article 9, relatif aux “ exigences administratives et mesures de contrôle “, de la directive du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services : “ 1. Les États membres ne peuvent imposer que les exigences administratives et les mesures de contrôle nécessaires aux fins du contrôle effectif du respect des obligations énoncées dans la présente directive et la directive 96/71/CE, pour autant que celles-ci soient justifiées et proportionnées, conformément au droit de l’Union. / À cet effet, les États membres peuvent notamment imposer les mesures suivantes : / a) l’obligation, pour un prestataire de services établi dans un autre État membre, de procéder à une simple déclaration auprès des autorités nationales compétentes, au plus tard au début de la prestation de services (...), contenant les informations nécessaires pour permettre des contrôles factuels sur le lieu de travail (...) / e) l’obligation de désigner une personne chargée d’assurer la liaison avec les autorités compétentes dans l’État membre d’accueil dans lequel les services sont fournis (...) / 2. Les États membres peuvent imposer d’autres exigences administratives et mesures de contrôle au cas où surviendraient des circonstances ou des éléments nouveaux dont il ressortirait que les exigences administratives et mesures de contrôle qui existent ne sont pas suffisantes ou efficaces pour permettre le contrôle effectif du respect des obligations énoncées dans la directive 96/71/CE et la présente directive, pour autant qu’elles soient justifiées et proportionnées (...) “ ; qu’aux termes de l’article 12 de la même directive, relatif à la responsabilité du sous-traitant : “ 1. En vue de combattre les fraudes et les abus, les Etats-membres peuvent (...) prendre des mesures complémentaires de façon non discriminatoire et proportionnée afin que, dans les chaînes de sous-traitance, le contractant dont l’employeur / le prestataire de service (...) est un sous-traitant direct puisse, en sus ou en lieu et place de l’employeur, être tenu responsable par le travailleur détaché pour ce qui concerne toute rémunération nette impayée correspondant au taux de salaire minimal et/ou à des cotisations à des fonds ou institutions gérés conjointement par les partenaires sociaux (...) / 4. Les Etats membres peuvent, dans le respect du droit de l’Union et de manière non discriminatoire et proportionnée, également prévoir des règles plus strictes en matière de responsabilité dans le droit national en ce qui concerne l’étendue et la portée de la responsabilité en cas de sous-traitance [ainsi que] dans des secteurs autres que ceux visés à l’annexe de la directive 96/71/CE (...) “ ;

4. Considérant que la fédération requérante critique, au regard du droit de l’Union, les dispositions de l’article L. 1262-4-1, inséré dans le code du travail par la loi du 10 juillet 2014, et celles de l’article R. 1263-12 du même code, dans sa rédaction issue du décret attaqué pris pour son application, relatives à l’obligation pour le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage qui contracte avec un prestataire de services procédant au détachement de salariés, dans les conditions mentionnées au point 2, de vérifier auprès de ce dernier qu’il s’est acquitté des obligations, prévues par la même loi à l’article L. 1262-2-1, d’adresser à l’administration une déclaration préalable au détachement et de désigner un représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’assurer pendant la durée de la prestation la liaison avec les agents de contrôle, en ce qu’elles prévoient que cette vérification doit intervenir, selon les termes de l’article L. 1262-4-1, “ avant le début du détachement “ et, selon ceux de l’article R. 1263-12, “ avant le début de chaque détachement d’un ou de plusieurs salariés “ ;

5. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que, si une réglementation nationale imposant aux destinataires d’une prestation de services effectuée par des travailleurs détachés par un employeur établi dans un autre Etat membre de contrôler, avant le début de la prestation, si l’employeur a lui-même satisfait à une obligation déclarative qui lui est imposée par la réglementation nationale constitue une restriction à la libre prestation des services prohibée en principe par l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les objectifs de protection des travailleurs détachés et de lutte contre la fraude sont au nombre des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de la justifier, ainsi que l’admet d’ailleurs la fédération requérante, et que, constituant une mesure de contrôle nécessaire pour assurer le respect de ces raisons impérieuses d’intérêt général, une telle réglementation est propre à garantir la réalisation de ces objectifs ;

6. Considérant, en second lieu, que l’obligation de vérification est le corollaire de l’obligation déclarative qui incombe à l’employeur de travailleurs détachés, en vertu de l’article L. 1262-2-1 du code du travail ; qu’il résulte des termes mêmes de l’article L. 1262-4-1 du même code que cette obligation de vérification est impartie au seul donneur d’ordre ou maître d’ouvrage qui, lui-même, contracte avec un prestataire de services qui détache des salariés, dans les conditions définies au 1° de l’article L. 1262-1 ci-dessus mentionné ; qu’elle porte ainsi sur le seul détachement effectué au titre de l’exécution du contrat en cause ; qu’est sans incidence sur cette obligation la circonstance que le salarié ait pu alors déjà se trouver sur le territoire national dans le cadre d’un ou de plusieurs autres détachements et que son employeur ait dû, à ce titre, s’acquitter des obligations déclaratives qui lui incombaient ; que la fédération requérante n’est, dès lors, pas fondée à soutenir que les obligations instituées par les articles L. 1262-4-1 et R. 1263-12 du code du travail constitueraient une mesure non proportionnée aux objectifs poursuivis ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 1262-4-1 et R. 1263-12 du code du travail imposant que la vérification instituée soit opérée avant le début de chaque détachement méconnaîtraient l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et la directive du 16 décembre 1996 et seraient de nature à compromettre sérieusement la réalisation des objectifs de la directive du 15 mai 2014 doit être écarté ;

En ce qui concerne l’obligation de vigilance en matière d’hébergement :

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 4231-1 inséré dans le code du travail par la loi du 10 juillet 2014 : “ Tout maître d’ouvrage ou tout donneur d’ordre, informé par écrit, par un agent de contrôle mentionné à l’article L. 8271-1-2 du présent code, du fait que des salariés de son cocontractant ou d’une entreprise sous-traitante directe ou indirecte sont soumis à des conditions d’hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, mentionnées à l’article 225-14 du code pénal, lui enjoint aussitôt, par écrit, de faire cesser sans délai cette situation. / À défaut de régularisation de la situation signalée, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu de prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés, dans des conditions respectant les normes prises en application de l’article L. 4111-6 du présent code (...) “ ; que, par sa décision n° 2015-517 QPC du 22 janvier 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions du deuxième alinéa de cet article conformes à la Constitution, sous les réserves qu’il a énoncées ; que la Fédération des promoteurs immobiliers n’est, dès lors, pas fondée à soutenir que les articles R. 4231-1 et R. 4231-4 du code du travail pris pour l’application de ces dispositions, qui ne méconnaissent aucunement les réserves dont le Conseil constitutionnel a assorti sa déclaration de conformité à la Constitution, seraient dépourvus de base légale ;

En ce qui concerne l’obligation de vigilance en matière d’application de la législation du travail :

9. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 8281-1 inséré dans le code du travail par la loi du 10 juillet 2014 : “ Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 d’une infraction aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables au salarié d’un sous-traitant direct ou indirect dans les matières suivantes : / 1° Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ; / 2° Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; / 3° Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux ; / 4° Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ; / 5° Exercice du droit de grève ; / 6° Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ; / 7° Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ; / 8° Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ; / 9° Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants, / enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation. / Le sous-traitant mentionné au premier alinéa informe, par écrit, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de la régularisation de la situation. Ce dernier en transmet une copie à l’agent de contrôle mentionné au même premier alinéa. / En l’absence de réponse écrite du sous-traitant dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre informe aussitôt l’agent de contrôle. / Pour tout manquement à ses obligations d’injonction et d’information mentionnées au présent article, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est passible d’une sanction prévue par décret en Conseil d’Etat “ ; que, pour l’application de ces dispositions, le décret attaqué a inséré dans le code du travail les articles R. 8281-1 à R. 8282-1 ; qu’aux termes de l’article R. 8281-1 : “ Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre concerné enjoint [à] l’employeur, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de son information, de faire cesser immédiatement le non-respect de l’une des dispositions énumérées par l’article L. 8281-1 “ ; qu’aux termes de l’article R. 8281-2 : “ Dès réception de l’injonction, l’employeur informe dans un délai de quinze jours le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre des mesures prises pour faire cesser la situation. (...) “ ; qu’aux termes de l’article R. 8281-3 du même code : “ En l’absence de réponse de l’employeur à son injonction, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre informe l’agent auteur du signalement dans les deux jours suivant l’expiration du délai prévu par l’article R. 8281-2 “ ;

10. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 8282-1 introduit dans ce code par le décret attaqué : “ Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par un agent mentionné à l’article L. 8271-1-2 d’une infraction commise par l’employeur à l’une des dispositions légales ou des stipulations conventionnelles énumérées par l’article L. 8281-1 : / 1° Qui n’a pas enjoint l’employeur de faire cesser la situation dans le délai mentionné à l’article R. 8281-1 ; ou / 2° Qui n’a pas informé l’agent de contrôle auteur du signalement de l’absence de réponse de l’employeur dans le délai mentionné à l’article R. 8281-3 “ ;

11. Considérant que la peine contraventionnelle ainsi fixée réprime le fait, pour un maître d’ouvrage ou donneur d’ordre, de n’avoir pas satisfait dans les délais mentionnés aux articles R. 8281-1 et R. 8281-3 aux obligations d’injonction et d’information mises à sa charge en vue d’assurer le respect par son sous-traitant de la législation du travail dans les matières limitativement énumérées par l’article L. 8281-1 du code du travail ; que le décret attaqué a prévu, ainsi que l’imposaient d’ailleurs les termes de l’article L. 8281-1, des délais très brefs, de vingt-quatre heures, dans le premier cas, et de deux jours, dans le second cas, qui ne permettront pas en toute circonstance au maître d’ouvrage ou donneur d’ordre d’exécuter ses obligations par la voie postale ; que, toutefois, ainsi que le prévoit l’article R. 8281-4, il peut être satisfait à ces obligations par tout moyen leur conférant date certaine ; qu’en punissant leur méconnaissance de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, le pouvoir réglementaire n’a pas institué une peine manifestement disproportionnée ; qu’il incombe en outre au juge pénal d’assurer le respect du principe d’individualisation des peines en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; que, s’il résulte de l’article 121-3 du code pénal que la bonne foi ne peut être utilement invoquée en matière de contravention, le prononcé d’une peine de cette nature n’impliquant pas que l’infraction qu’elle réprime revête un caractère intentionnel, il ne peut en revanche, en vertu des mêmes dispositions, y avoir de contravention en cas de force majeure ; que le moyen tiré de ce que la peine fixée méconnaîtrait le principe de nécessité des peines résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne les modalités d’entrée en vigueur du décret attaqué :

12. Considérant que l’exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu’il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu’en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s’appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; que, toutefois, il incombe à l’autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s’imposent à elle, d’édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu’implique, s’il y a lieu, cette réglementation nouvelle ; qu’il en va ainsi lorsque l’application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l’objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ; que ces mesures transitoires peuvent résider dans le report de l’entrée en vigueur de cette réglementation nouvelle ;

13. Considérant que l’entrée en vigueur du décret attaqué, qui était nécessaire à l’application des obligations nouvelles de vigilance et de vérification mises à la charge des maître d’ouvrages et donneurs d’ordre par la loi du 10 juillet 2014, a eu pour effet, en l’absence de mesures transitoires, de rendre applicables ces obligations nouvelles le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française le 31 mars 2015 ; qu’en particulier, elle leur a rendu applicable l’obligation de prendre à leur charge l’hébergement collectif de salariés en l’absence de régularisation par leur cocontractant ou sous-traitant direct des infractions constatées en cette matière ; qu’elle a également mis à la charge de ces opérateurs économiques des formalités nouvelles dont ils devaient s’acquitter spontanément dès cette date et dont la méconnaissance les rendait passibles d’une amende administrative d’un montant pouvant alors atteindre 2 000 euros par salarié détaché, en vertu des articles L. 1264-1 à L. 1264-3 du code du travail ; qu’eu égard à la complexité de l’ensemble des obligations nouvelles et aux conséquences qui s’attachaient immédiatement à leur méconnaissance, il incombait au pouvoir réglementaire, pour des motifs de sécurité juridique, de permettre aux donneurs d’ordre et aux maîtres d’ouvrage de disposer d’un délai raisonnable pour être à même de se conformer à ces obligations nouvelles ; que la fédération requérante est, dès lors, fondée à demander l’annulation du décret en tant qu’il n’a pas différé d’un mois l’entrée en vigueur de ses dispositions ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas, pour l’essentiel, la partie perdante dans la présente instance ;

D E C I D E :


Article 1er : Le décret du 30 mars 2015 est annulé en tant qu’il n’a pas différé d’un mois son entrée en vigueur.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la Fédération des promoteurs immobiliers est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des promoteurs immobiliers, au Premier ministre et à la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle.

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice.

Abstrats : 01-04-03-07 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT. PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT. PRINCIPES INTÉRESSANT L’ACTION ADMINISTRATIVE. - PRINCIPE DE SÉCURITÉ JURIDIQUE - OBLIGATION DE DIFFÉRER L’ENTRÉE EN VIGUEUR DE RÈGLES NOUVELLES [RJ1] - EXISTENCE EN L’ESPÈCE.

01-08-01 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. APPLICATION DANS LE TEMPS. ENTRÉE EN VIGUEUR. - PRINCIPE DE SÉCURITÉ JURIDIQUE - OBLIGATION DE DIFFÉRER L’ENTRÉE EN VIGUEUR DE RÈGLES NOUVELLES [RJ1] - EXISTENCE EN L’ESPÈCE.

Résumé : 01-04-03-07 Décret n° 2015-364 du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal. L’entrée en vigueur du décret attaqué, qui était nécessaire à l’application des obligations nouvelles de vigilance et de vérification mises à la charge des maîtres d’ouvrages et donneurs d’ordre par la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014, a eu pour effet, en l’absence de mesures transitoires, de rendre applicables ces obligations nouvelles le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française le 31 mars 2015. En particulier, elle leur a rendu applicable l’obligation de prendre à leur charge l’hébergement collectif de salariés en l’absence de régularisation par leur cocontractant ou sous-traitant direct des infractions constatées en cette matière. Elle a également mis à la charge de ces opérateurs économiques des formalités nouvelles dont ils devaient s’acquitter spontanément dès cette date et dont la méconnaissance les rendait passibles d’une amende administrative d’un montant pouvant alors atteindre 2 000 euros par salarié détaché, en vertu des articles L. 1264-1 à L. 1264-3 du code du travail. Eu égard à la complexité de l’ensemble des obligations nouvelles et aux conséquences qui s’attachaient immédiatement à leur méconnaissance, il incombait au pouvoir réglementaire, pour des motifs de sécurité juridique, de permettre aux donneurs d’ordre et aux maitres d’ouvrage de disposer d’un délai raisonnable pour être à même de se conformer à ces obligations nouvelles. Annulation du décret en tant qu’il n’a pas différé d’un mois l’entrée en vigueur de ses dispositions.

01-08-01 Décret n° 2015-364 du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal. L’entrée en vigueur du décret attaqué, qui était nécessaire à l’application des obligations nouvelles de vigilance et de vérification mises à la charge des maîtres d’ouvrages et donneurs d’ordre par la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014, a eu pour effet, en l’absence de mesures transitoires, de rendre applicables ces obligations nouvelles le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française le 31 mars 2015. En particulier, elle leur a rendu applicable l’obligation de prendre à leur charge l’hébergement collectif de salariés en l’absence de régularisation par leur cocontractant ou sous-traitant direct des infractions constatées en cette matière. Elle a également mis à la charge de ces opérateurs économiques des formalités nouvelles dont ils devaient s’acquitter spontanément dès cette date et dont la méconnaissance les rendait passibles d’une amende administrative d’un montant pouvant alors atteindre 2 000 euros par salarié détaché, en vertu des articles L. 1264-1 à L. 1264-3 du code du travail. Eu égard à la complexité de l’ensemble des obligations nouvelles et aux conséquences qui s’attachaient immédiatement à leur méconnaissance, il incombait au pouvoir réglementaire, pour des motifs de sécurité juridique, de permettre aux donneurs d’ordre et aux maitres d’ouvrage de disposer d’un délai raisonnable pour être à même de se conformer à ces obligations nouvelles. Annulation du décret en tant qu’il n’a pas différé d’un mois l’entrée en vigueur de ses dispositions.

[RJ1] Cf. CE, Assemblée, 24 mars 2006, Société KPMG et autres, n° 288460, p. 154.