Interdiction de gérer définitive suite à travail dissimulé - proportionné oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 17 septembre 2019

N° de pourvoi : 18-86276

ECLI:FR:CCASS:2019:CR01534

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Durin-Karsenty (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° A 18-86.276 F-D

N° 1534

VD1

17 SEPTEMBRE 2019

REJET

Mme DURIN-KARSENTY conseiller le plus ancien faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

La Cour de cassation statue sur le pourvoi formé par :

 

M. V... O...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 12 septembre 2018, qui, pour travail dissimulé, l’a condamné à une interdiction définitive de gérer et a prononcé une mesure de confiscation.

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 18 juin 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Durin-Karsenty, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Ricard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lavaud ;

Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE ;

Un mémoire a été produit.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. M. O..., gérant d’une société qui exploitait, par l’intermédiaire de filiales, des discothèques, a, par ordonnance d’un juge d’instruction, été renvoyé du chef de travail dissimulé devant le tribunal correctionnel, qui l’a déclaré coupable.

2. Sur l’appel du prévenu, limité à la confiscation ordonnée par la juridiction de la somme de 456 825,05 euros, saisie, pour la majeure partie, dans le double fond d’une armoire à son domicile, et à l’interdiction définitive de gérer prononcée par les premiers juges, la cour d’appel a confirmé le jugement entrepris.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le moyen est pris de la violation des articles 1er du protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l’homme, 131-21, 132-1 du code pénal et 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale.

4. Le moyen critique l’arrêt attaqué “en ce qu’il a ordonné la confiscation des scellés et des sommes saisies et déposées à la caisse des dépôts et consignations à hauteur de 456 825,05 euros,

1°/ alors que « le juge qui prononce une mesure de confiscation doit motiver sa décision au regard de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu’en l’espèce, pour ordonner la confiscation des saisies et scellés, la cour d’appel s’est bornée à relever que cette mesure était justifiée par le fait qu’elle pouvait faire application de l’article 131-21 du code pénal dès lors que les sommes saisies constitueraient le produit direct ou indirect de l’infraction et que cette dernière est punie d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a méconnu son obligation de justifier la peine non seulement au regard de la gravité des faits mais également de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle et privé sa décision de tout motif ; »

2°/ alors que « le juge qui ordonne la confiscation de fonds constitués à la fois du produit de l’infraction et de fonds licites, doit motiver sa décision, s’agissant de ces derniers, au regard de la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte ainsi portée au droit de propriété ; qu’en s’abstenant de se prononcer sur le caractère proportionné de la mesure de confiscation au droit de propriété, en s’assurant notamment que la somme confisquée n’excédait pas le produit de l’infraction reprochée, quand il apparaissait que la direction générale des finances publiques avait considéré être remplie de ses droits et que la femme de M. V... O... faisait valoir qu’une partie au moins de la somme provenait de gains de casino, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ».

Réponse de la Cour

5. Le moyen est inopérant dès lors que, d’une part, le principe de proportionnalité, d’autre part, celui de la motivation de la peine au regard de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, ne peuvent s’appliquer à la confiscation d’un bien qui, dans sa totalité, est le produit des infractions dont le prévenu a été déclaré coupable.

6. Ainsi, le moyen ne saurait être admis.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 8 de la Déclaration de 1789, 6, 7 et 17 de la Convention européenne des droits de l’homme, 485, 512, 591 à 593 du code de procédure pénale, ensemble l’article 130-1, 132-1 et 222-45 du code pénal, défaut de base légale, défaut de motifs.

8. Le moyen critique l’arrêt attaqué “en ce qu’il a prononcé à l’encontre de M. O... l’interdiction à titre définitif d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler directement ou indirectement pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle, alors qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu’en prononçant à l’encontre de M. O... une peine d’interdiction définitive d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler directement ou indirectement pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle, sans s’expliquer sur sa personnalité, autre que son casier judiciaire, ni sur sa situation personnelle, la cour d’appel n’a pas suffisamment motivé sa décision”.

Réponse de la Cour

9. Pour confirmer la peine d’interdiction définitive de gérer, après avoir exposé, de façon précise, la situation familiale, professionnelle et patrimoniale de M. O..., la cour d’appel relève l’ampleur de la fraude, tant par son montant, que par sa durée, et son caractère très organisé, ainsi que le comportement récurrent du prévenu, qui a déjà été condamné pour des faits de dissimulation de sommes commis en 2004 et 2005.

10. Les juges ajoutent que l’intéressé n’a pour seul projet que de reprendre une activité similaire à celle ayant déjà favorisé la commission des infractions reprochées.

11. En l’état de ces énonciations et constatations, la cour d’appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions et stipulations invoquées au moyen, lequel doit être écarté.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept septembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Toulouse , du 12 septembre 2018