Journaliste professionnel - conditions non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 13 mars 2013

N° de pourvoi : 11-21602

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00444

Non publié au bulletin

Rejet

M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Gaschignard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 novembre 2010), que M. X... a réalisé un certain nombre d’articles et de reportages pour le journal La Marseillaise, édité par la Société d’édition et d’impression du Languedoc Provence Côte d’azur, de mai 1999 à octobre 2002, puis a été engagé par cette société le 24 octobre 2002 en qualité de rédacteur stagiaire en vertu de deux contrats à durée déterminée successifs ayant pris fin le 23 avril 2003 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale pour voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail à compter du 1er mai 1999 et obtenir le paiement de rappels de salaire et de dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu’il appartient à l’entreprise de presse qui s’assure le concours d’une personne accomplissant un travail entrant dans les attributions d’un journaliste de prouver que l’activité de cette dernière ne s’exerce pas de manière principale et régulière et s’exerce en toute indépendance et en toute liberté ; qu’en retenant, pour débouter l’intéressé, dont elle constatait qu’il avait “ réalisé un certain nombre d’articles et de reportages pour le journal La Marseillaise de mai 1999 à octobre 2002 “, qu’il ne démontrait pas avoir exercé son activité de manière principale et régulière ni avoir été dans un lien de subordination, la cour d’appel a violé les dispositions combinées des articles 1315 du code civil et L. 761-2, devenu L. 7111-3 et L. 7112-1, du code du travail ;
2°/ qu’est journaliste professionnel celui qui a pour fonction principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ; que la présomption édictée par l’article L. 761-2, devenu L. 7111-3, du code du travail ne saurait être utilement renversée par la circonstance que l’entreprise de presse s’abstient de concéder un contrat de travail et verser un salaire à son collaborateur, en l’obligeant à continuer à percevoir des allocations ASSEDIC ; qu’en déboutant de ses demandes M. X..., titulaire d’une carte de presse, par le motif inopérant que ce dernier avait perçu, de juin 2001 à octobre 2002, des allocations ASSEDIC et une allocation d’adulte handicapé, de sorte que les frais de correspondance versés par la société intimée ne constituaient pas le principal de ses ressources au cours de cette période, sans rechercher si, entre juin 2001 et octobre 2002, M. X... n’avait pas comme principale fonction, régulière et rétribuée, la rédaction d’articles pour le compte de “ La Marseillaise “, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°/ que la fourniture régulière de travail à un journaliste professionnel, même pigiste, pendant une longue période fait de lui un collaborateur régulier qui doit bénéficier à ce titre des dispositions légales applicables aux journalistes professionnels ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait, la cour d’appel, qui, pour exclure tout contrat de travail, s’est limitée à l’examen des justifications de ses revenus produites par le journaliste pigiste et qui, inversant la charge de la preuve, a reproché à celui-ci de ne pas avoir établi qu’il recevait des directives concernant le choix des sujets à traiter, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 761-2, devenu L. 7111-3, du code du travail ;
Mais attendu que la cour d’appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que M. X... n’avait pas exercé de mai 1999 à octobre 2002 une activité journalistique à titre principal, régulière et lui procurant le principal de ses ressources pour le compte du journal La Marseillaise et que la collaboration apportée à ce journal ne s’inscrivait pas dans un lien de subordination ; que, sans inverser la charge de la preuve, elle a pu en déduire que l’intéressé n’avait pas été journaliste professionnel avant le 24 octobre 2002 ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. Chaouki X...
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté les demandes de Monsieur X... tendant à voir reconnaître, l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée le liant depuis le 1er mai 1999 à la société Seilpca La Marseillaise en qualité de journaliste, de l’avoir en conséquence débouté de l’ensemble des demandes, en rappel de salaires, en dommages-intérêts ou autres, qu’il fondait sur l’existence de ce contrat de travail,
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... a réalisé un certain nombre d’articles et de reportages pour le journal La Marseillaise de mai 1999 à octobre 2002, période à la suite de laquelle il a été embauché par contrat de travail à durée déterminée en qualité de rédacteur stagiaire, bénéficiant alors du statut de journaliste ; que, cependant, il ne démontre pas avoir exercé cette activité de manière principale et régulière ni avoir été dans un lien de subordination vis à vis du rédacteur du journal « La Marseillaise » avant le 24 octobre 2002, alors qu’aucun contrat écrit n’a été établi sur cette période, que Monsieur X... ne recevait pas une rémunération fixe et qu’il était seulement réglé de « frais de correspondance » ; que, par ailleurs, la collaboration apportée par l’appelant au journal « La Marseillaise » ne s’inscrivait pas dans un lien de subordination, Monsieur X... ne recevant ni directives ni instructions ; qu’en effet, il est établi et reconnu que Monsieur X... a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er novembre 1998 jusqu’en juin 2001 par l’association Aix Ensemble, qui exploitait une radio locale sur la région aixoise ; qu’il suivait en parallèle des cours auprès de l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, dont il sera diplômé en juin 2000 ; qu’il suivait également une formation sur Paris en 2000 et 2001 et était correspondant AFP, percevant à ce titre des piges ; qu’il percevait en conséquence un salaire mensuel de ladite association, puis des allocations ASSEDIC d’octobre 2001 à octobre 2002, outre une allocation adulte handicapé ; qu’en conséquence, les frais de correspondance versés par la société intimée sur ladite période ne constituaient nullement le principal de ses ressources sur ces années là ; que, par ailleurs, la collaboration apportée par l’appelant au journal « La Marseillaise » ne s’inscrivait pas dans un lien de subordination, Monsieur X... proposant des articles et photographies de son choix, sans recevoir de directives ou instructions y afférentes, ainsi qu’en atteste Monsieur Y... ; que le statut de journaliste professionnel n’a pas été reconnu à Monsieur X... pour sa collaboration au sein de l’association Aix Ensemble, et ce nonobstant le fait qu’il se soit fait délivrer une carte d’identité de journaliste professionnel en mars 2000 pour ladite collaboration ; que l’appelant ne peut donc faire état de ce qu’il était titulaire de ladite carte de journaliste, laquelle lui a été attribuée en qualité de stagiaire d’Aix Ensemble ; qu’en réalité, il ressort des éléments de la cause que Monsieur X... était, durant la période litigieuse, correspondant local de presse ;
1°- ALORS QU’il appartient à l’entreprise de presse qui s’assure le concours d’une personne accomplissant un travail entrant dans les attributions d’un journaliste de prouver que l’activité de cette dernière ne s’exerce pas de manière principale et régulière et s’exerce en toute indépendance et en toute liberté ; qu’en retenant, pour débouter l’intéressé, dont elle constatait qu’il avait « réalisé un certain nombre d’articles et de reportages pour le journal La Marseillaise de mai 1999 à octobre 2002 », qu’il ne démontrait pas avoir exercé son activité de manière principale et régulière ni avoir été dans un lien de subordination, la cour d’appel a violé les dispositions combinées des articles 1315 du Code civil et L. 761-2, devenu L. 7111-3 et L. 7112-1, du Code du travail ;
2°- ALORS QU’est journaliste professionnel celui qui a pour fonction principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ; que la présomption édictée par l’article L. 761-2, devenu L. 7111-3, du code du travail ne saurait être utilement renversée par la circonstance que l’entreprise de presse s’abstient de concéder un contrat de travail et verser un salaire à son collaborateur, en l’obligeant à continuer à percevoir des allocations ASSEDIC ; qu’en déboutant de ses demandes Monsieur X..., titulaire d’une carte de presse, par le motif inopérant que ce dernier avait perçu, de juin 2001 à octobre 2002, des allocations ASSEDIC et une allocation d’adulte handicapé, de sorte que les frais de correspondance versés par la société intimée ne constituaient pas le principal de ses ressources au cours de cette période, sans rechercher si, entre juin 2001 et octobre 2002, Monsieur X... n’avait pas comme principale fonction, régulière et rétribuée, la rédaction d’articles pour le compte de « La Marseillaise », la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°- ALORS QUE la fourniture régulière de travail à un journaliste professionnel, même pigiste, pendant une longue période fait de lui un collaborateur régulier qui doit bénéficier à ce titre des dispositions légales applicables aux journalistes professionnels ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait, la cour d’appel, qui, pour exclure tout contrat de travail, s’est limitée à l’examen des justifications de ses revenus produites par le journaliste pigiste et qui, inversant la charge de la preuve, a reproché à celui-ci de ne pas avoir établi qu’il recevait des directives concernant le choix des sujets à traiter, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 761-2, devenu L. 7111-3, du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 3 novembre 2010