Distinction avec placement et agence de mannequins

Cour d’Appel de Paris 12 septembre 2007 n° 06/18942

Texte intégral :

Cour d’Appel de Paris 12 septembre 2007 N° 06/18942
Grosses délivrées aux parties le :

(n° , 6 pages)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG

APPELANTE

Madame Martine Diacenco ép. Poron

demeurant 180 Boulevard Berthier 75017 PARIS

représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour assistée de Me Christian HOLLIER-LAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, toque : P362, plaidant pour la SCP HOLLIER LAROUSSE et associés

INTIMEE

ayant son siège 7 Boulevard de la Madeleine 75001 PARIS

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour assistée de Me Marc FORIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E 773

COMPOSITION DE LA COUR ;

L’affaire a été débattue le 24 Avril 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président

Madame Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, Conseiller

Madame Françoise CHANDELON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL

ARRET : CONTRADICTOIRE

"-" prononcé publiquement par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président

"-" signé par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, président et par Mme Jacqueline VIGNAL, greffier présent lors du prononcé.

Vu l’appel interjeté, le 31 octobre 2006, par Martine PORON d’un jugement rendu le 26 septembre 2006 par le tribunal de grande instance de Paris qui :

* a prononcé la déchéance de ses droits sur la marque WOMEN n0 98 731 108 pour le service de bureaux de placement à compter du 8 septembre 2005,

* a dit que le jugement devenu définitif, sera transmis par le greffe préalablement requis par la partie la plus diligente, à l’INPI pour inscription sur le registre des marques,

* l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

* a ordonné l’exécution provisoire,

* l’a condamnée aux dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 29 mars 2007, aux termes desquelles Martine PORON, poursuivant l’infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, demande à la Cour de :

* déclarer irrecevable, et subsidiairement mal fondée, la demande en déchéance formée par la société WOMEN MANAGEMENT,

* dire qu’elle a la propriété exclusive de la marque WOMEN n0 98 731 108 pour désigner le service de bureaux de placement,

* dire qu’en exerçant une activité d’agence de mannequins, sous la dénomination sociale, le nom commercial et la marque WOMEN MANAGEMENT, la société WOMEN MANAGEMENT se rend coupable de contrefaçon de marque à son préjudice, en application des dispositions de l’article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle,

* dit qu’en exploitant sur son site Internet la marque WOMEN, la société WOMEN MANAGEMENT se rend coupable de contrefaçon de marque à son préjudice, en application des dispositions de l’article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle,

* interdire à la société WOMEN MANAGEMENT l’usage, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit de la dénomination WOMEN MANAGEMENT, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

* interdire à la société WOMEN MANAGEMENT l’usage, à titre de marque et de nom commercial du terme WOMEN, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

* en réparation du préjudice subi, condamner la société WOMEN MANAGEMENT à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire,

* l’autoriser à faire publier l’arrêt à intervenir dans 3 journaux ou revues de son choix, aux frais de la société WOMEN MANAGEMENT, le coût global des publications ne pouvant excéder la somme de 20.000 euros H.T.,

* condamner la société WOMEN MANAGEMENT à lui verser la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel ;

Vu les ultimes conclusions, en date du 26 mars 2007, par lesquelles la société WOMEN MANAGEMENT, poursuivant la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la déchéance des droits de Martine PORON sur la marque WOMEN n° 98 731 108 déposée le 5 mai 1998 et enregistrée au BOPI le 8 septembre 2000, demande à la Cour, par voie d’appel incident, de l’infirmer en ce qu’il a considéré que l’activité d’agence de mannequins n’était qu’un sous-ensemble de l’activité de bureaux de placement et que l’activité de bureaux de placement pour laquelle a été déposée la marque WOMEN, recouvrait bien l’activité d’agence de mannequins, et, statuant nouveau, de :

* juger que l’activité de bureaux de placement ne saurait être assimilée à l’activité d’agence de mannequins et, en conséquence, sur le fondement de l’article L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle , que l’enregistrement de la marque WOMEN n’a conféré à Martine PORON un droit de propriété que pour le service désigné dans l’acte dépôt, savoir : bureaux de placement,

* débouter Martine PORON de l’ensemble de ses demandes,

* voir ordonner que l’arrêt à intervenir sera transmis par le greffe préalablement requis par la partie la plus diligente, à l’INPI pour inscription sur le registre des marques,

* condamner Martine PORON à lui verser une somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :

* Martine PORON est propriétaire de la marque WOMEN n° 98 731 108, déposée le 5 mai 1998, pour désigner le service bureaux de placement qui a été publiée au BOPI le 8 septembre 2000,

* le 28 août 2001, lors d’une assemblée générale extraordinaire, la société SILVESTRE MODEL’S AGENCY ayant pris pour dénomination sociale WOMEN MANAGEMEN, Martine PORON a considéré que l’utilisation de la marque WOMEN, sans son autorisation, serait illicite,

* c’est dans ces circonstances que Martine PORON a engagé la présente procédure à l’encontre de la société WOMEN MANAGEMENT pour contrefaçon ;

* sur la déchéance de la marque WOMEN :

Considérant, en droit, que selon les dispositions de l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n ’en a pas fait un usage sérieux pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ; que, en application de ce texte, la preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée ;

Que le délai de cinq ans, visé au texte précité, doit être regardé comme commençant à courir lorsque la procédure d’enregistrement est achevée, soit à compter de la publication de l’enregistrement au BOPI ;

Considérant, en l’espèce, que la publication au BOPI est du 8 septembre 2000, de sorte qu’il appartient à l’appelante de justifier d’un usage sérieux de la marque, dont elle est titulaire, au cours de la période du 8 septembre 2000 au 8 septembre 2005, retenu, à bon droit, par le tribunal ;

Considérant que, à titre liminaire, il convient de rejeter le moyen tiré par Martine PORON de l’irrecevabilité de la demande de déchéance formée par la société intimée puisque, réitérée au cours de la procédure d’appel, elle a été régulièrement formalisée postérieurement au 8 septembre 2005 ;

Considérant que, pour justifier de l’exploitation de la marque litigieuse au cours de la période considérée, Martine PORON produit, en premier lieu, un book et des fiches individuelles, sur lesquels est apposé le terme WOMEN, consacrés à la présentation de charmantes personnes qui laisse à penser qu’elles exercent la profession de mannequin, mais dont il convient de relever que, circonstance qui rend inopérante cette production, ni le book, ni les fiches ne sont datés ;

Considérant que, en deuxième lieu, l’appelante soutient qu’étant associée à la société WOMEN elle aurait expressément donné son accord pour que cette dernière adopte la dénomination sociale WOMEN pour exercer l’activité d’agence de mannequins et qu’elle participerait à l’activité de cette société ;

Mais considérant que, même à supposer cette circonstance établie, l’utilisation de la marque doit être faite en tant que telle, c’est-à-dire pour désigner des produits ou des services, ce qui exclut son utilisation à titre d’enseigne, de raison sociale ou de nom commercial dès lors qu’il ne saurait y avoir exploitation d’une marque que si le signe jdéposé comme tel remplit sa fonction qui est de distinguer des produits ou des services offerts à la vente soit qu’il soit apposé sur eux, soit que, à tout le moins, il accompagne sa mise à disposition du consommateur dans des conditions ne laissant aucun doute sur ladite ?fonction ;

Considérant, en troisième lieu, que si les factures versées aux débats devant la Cour sont établies sur un papier à en-tête WOMEN, c’est à dire la reprise de la dénomination sociale de la société précitée, elles n’établissent nullement, pour le motif précédemment développé, l’exploitation de ce signe en tant que marque ; que, au demeurant, ces factures sont relatives à un ensemble de prestations en rien liées avec le service visé à l’enregistrement ;

Considérant, en quatrième lieu, que l’appelante invoque un extrait du site internet de la société WOMEN qui, selon elle, démontrerait l’utilisation du signe litigieux à titre de marque ;

Mais considérant que les captures d’écrans dont Martine PORON entend se prévaloir sont inopérantes, eu égard à la période concernée, puisque datées du 24 janvier 2007 ;

Considérant qu’il suit de là que l’appelante ne saurait se prévaloir d’un usage sérieux, au sens du texte précité, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance de la marque WOMEN n° 98 731 108 pour le service de bureaux de placement à compter du 8 septembre 2005 ;

* sur la contrefaçon :

Considérant que le tribunal a justement recherché s’il existait des actes de contrefaçon de la marque litigieuse pour la période du 28 août 2001, date de l’adoption par la société intimée de la dénomination sociale WOMEN MANAGEMENT et, non pas le 14 juin 2005 comme indiqué par erreur, au 8 septembre 2005, date retenue comme étant celle de la déchéance de cette marque ;

Considérant, en droit, que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, selon les dispositions de l’ article L. 713-3-b) du Code de la propriété intellectuelle, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;

Considérant, en l’espèce, que la société WOMEN MANAGEMENT critique, à bon droit, le jugement déféré en ce qu’il a retenu comme étant similaire l’activité d’agence de mannequins qu’elle exerce avec celle de bureaux de placement visée dans l’enregistrement de la marque WOMEN ;

Considérant, en effet, que pour apprécier la similitude entre les services en cause, il convient de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces services, en particulier leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire ;

Or considérant, que l’activité d’agence de mannequins est réglementée, par les dispositions des articles L. 763-1 et suivants du Code du travail, qui, notamment, imposent que peuvent seules exercer cette activité les personnes physiques ou morales titulaires d’une licence d’agence de mannequins, alors que celle de bureaux de placement est régie par les articles L. 310-1 et L. 310-2 du même Code ;

Qu’il résulte de ces réglementations, outre la circonstance selon laquelle seule l’activité d’agence de mannequins nécessite une autorisation administrative, que celle-ci est partie à la relation de travail à la différence de l’activité de placement ;

Et considérant que l’utilisateur pertinent des services d’une agence de mannequins, qui est nécessairement, d’une part, un professionnel de la mode, de la publicité ou encore de la photographie et, d’autre part, un mannequin, ne saurait commettre une quelconque confusion avec l’activité déployée par un bureau de placement ;

Qu’il s’ensuit que l’appelante n’est pas fondée à soutenir que les services seraient non seulement similaires mais également identiques dans la mesure où une agence de mannequin exerce une activité de bureaux de placement ;

Qu’il convient, en conséquence, d’infirmer le jugement déféré en ce que les premiers juges ont retenu que les services en cause étaient similaires ;

Considérant, en revanche, que le jugement déféré sera confirmé, par substitution de motif, en ce que Martine PORON a été déboutée des demandes formées au titre de la contrefaçon ;

* sur les autres demandes :

Considérant qu’il résulte du sens de l’arrêt que Martine PORON ne saurait bénéficier des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que, en revanche, l’équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser à la société WOMEN MANAGEMENT une indemnité de 4.000 euros ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré, sauf en ce que le tribunal a retenu la similarité des produits,

Et, statuant à nouveau,

Dit que l’activité d’agence de mannequins n’est pas similaire à celle des bureaux de placement,

Et, y ajoutant,

Condamne Martine PORON à verser à la société WOMEN MANAGEMENT une indemnité de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne Martine PORON aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

Propriété industrielle et Intellectuelle

CA Paris, 4e ch. A, 12 septembre 20G7, Mme Poron ch Sté Women Management.

Demandeur : Diacenco ép. Poron
Défendeur : Sté Women Management