Abus mise en oeuvre

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 21 janvier 2009

N° de pourvoi : 07-43070

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Me Odent, SCP Delvolvé, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 30 avril 2007) que M. X..., engagé en qualité d’ingénieur, le 1er janvier 2001, par la société France Télécom, a été licencié, le 8 avril 2004, au motif qu’il avait refusé une mutation à Blagnac malgré la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail ; que contestant le bien-fondé de son licenciement en soutenant que sa mutation ne répondait pas aux intérêts de l’entreprise, le salarié a saisi la juridiction prud’homale en vue d’obtenir la condamnation de l’employeur au paiement de diverses indemnités ;

Attendu que la société France Télécom fait grief à l’arrêt d’avoir d’avoir décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l’avoir condamnée à payer à ce titre une indemnité de 19 600 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ; qu’il en résulte que le salarié affecté à Pessac, dont le contrat de travail prévoit qu’il peut être affecté dans l’un des établissements de son employeur, qui donne, le 20 février 2002, son accord exprès à son affectation à Toulouse sur le site de Blagnac à compter du 1er septembre 2002, et qui obtient de son employeur, pour des raisons personnelles, à deux reprises, que sa nouvelle affectation soit différée, commet une faute en refusant de rejoindre son poste à Toulouse à la date butoir fixée par l’employeur, soit le 1er janvier 2004 ; et qu’en considérant le licenciement, motivé par le refus fautif du salarié de rejoindre son affectation au 1er janvier 2004, dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ que le refus du salarié de rejoindre une nouvelle affectation, préalablement acceptée par lui, constitue une faute justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse, sans que l’employeur ait à démontrer que cette nouvelle affectation était conforme à l’intérêt de l’entreprise et proportionné à cet intérêt ; qu’il incombe au contraire au salarié qui prétend la mesure abusive, de démontrer que cette décision a été prise pour un motif étranger à l’intérêt de l’entreprise ou mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi ; et qu’en exigeant d’elle, qu’elle démontre que l’affectation de M. X... sur le site de Blagnac était réellement justifiée par la fermeture du site de Pessac, et qu’elle justifie que le poste qui lui était proposé à Blagnac correspondait à l’intérêt de l’entreprise, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1315 du code civil et L. 121-1 et L. 122-4 du code du travail ;

3°/ qu’en déduisant l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de M. X... de l’absence de justification sur la nécessité de l’affecter sur le site de Blagnac, affectation qu’il avait expressément acceptée le 20 février 2002, sans caractériser le moindre abus commis par l’employeur dans la prise de décision de cette affectation, ni dans sa mise en oeuvre, la cour d’appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du code du travail ;

Mais attendu que sans mettre à la charge de l’employeur la preuve que la mise en oeuvre de la clause de mobilité était conforme à l’intérêt de l’entreprise, la cour d’appel analysant l’ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que la raison avancée par la société France Télécom pour justifier la mutation, à savoir la fermeture du site de Bordeaux-Pessac sur lequel travaillait M. X..., n’était pas établie ; qu’elle a ainsi caractérisé l’abus de l’employeur dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société France Télécom aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour la société France Télécom ;

MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le licenciement de Monsieur Frédéric X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’avoir condamné son employeur, la société FRANCE TÉLÉCOM, à lui verser à ce titre une indemnité de 19 600 ,

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement adressée au salarié le 8 avril 2004, dont les termes fixent les limites du litige, était ainsi rédigée : « Après avis de la commission consultative paritaire locale qui s’est réunie le 2 avril 2004, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour faute pour le motif suivant : refus d’effectuer une mobilité géographique entre le site de Pessac et le site de Blagnac malgré la clause de mobilité géographique incluse dans votre contrat de travail et votre acceptation par écrit du 20 février 2002 de rejoindre le site de Blagnac » ; que le contrat de travail de Monsieur X... signé le 14 décembre 2000 contenait une clause prévoyant qu’il pouvait être amené à faire des déplacements ; qu’en outre il était prévu qu’il pouvait recevoir une nouvelle affectation dans l’un des établissements de FRANCE TÉLÉCOM et que, dans cette hypothèse, il bénéficierait des garanties prévues par la convention collective ainsi que des dispositions en vigueur chez FRANCE TÉLÉCOM ; que la 20 février 2002, Monsieur X... acceptait le principe d’une mutation professionnelle sur le site de Blagnac (près de Toulouse) ; que le 5 juillet 2002, il faisait part à son employeur de ce qu’il souhaitait demeurer à Bordeaux pour par la suite réaliser une mobilité en région parisienne ; qu’il lui était répondu le 27 août 2002 qu’en tout état de cause le site de Pessac de l’ OCISI était supprimé et qu’il ne pourrait rester au plus tard sur Bordeaux que jusqu’au 1er juillet 2003 ; que le 5 décembre 2003, Monsieur X... adressait un courrier pour indiquer qu’il ne refusait aucune mobilité mais qu’il était dans l’attente des réorganisations proposées ; que le 21 décembre 2003, il lui était indiqué qu’il lui avait été donné un délai supplémentaire pour organiser sa mobilité mais qu’en tout état de cause, au plus tard le 1er janvier 2004, il devait rejoindre Toulouse Blagnac ; qu’il était convoqué à un entretien préalable par un courrier en date du 5 février 2004 ; que lors de la réunion du 2 avril 2004, la commission consultative paritaire locale était partagée sur la décision de licenciement ; que c’était dans ce contexte qu’intervenait la lettre de licenciement qui ne visait que le refus de Monsieur X... de rejoindre le site de Blagnac ;

qu’il ressortait des différents courriers échangés entre les parties que dès le 20 février 2002, Monsieur X... avait accepté une mutation sur le site OCISI à BLAGNAC à partir du 1er septembre, son poste restant à Pessac jusque là ; qu’à la suite de sa demande motivée pour des raisons personnelles, FRANCE TÉLÉCOM avait informé Monsieur X... que le site de l’ OCISI sur Pessac étant supprimé, il ne pouvait demeurer que jusqu’au mois de juillet 2003 sur le site OCISI/DRTI et qu’à cette date, il serait tenu de réaliser une mobilité ; qu’au mois de juillet 2003, il lui était demandé de rejoindre Toulouse ; qu’enfin le 2 novembre 2003, il lui était rappelé soit de trouver un autre poste dans le bassin d’emploi Nord Aquitaine soit de regagner Toulouse ; et le 5 décembre 2003, Monsieur X... disait ne pas refuser le principe d’une mobilité mais estimait que la situation du personnel était confuse et s’éclaircirait début janvier ; que ces différents courriers démontraient que contrairement à ce qu’affirmait Monsieur X..., il n’y avait pas eu d’annulation de la mise en oeuvre de la mobilité du salarié ; qu’en réalité sa mobilité devait d’effectuer en septembre 2002 et n’avait pu avoir lieu en raison des motifs personnels qu’il mettait en avant ; que cependant, il y avait lieu de vérifier si cette clause de mobilité était proportionnée au but recherché et correspondait à l’intérêt de l’entreprise ; qu’en effet, la société FRANCE TÉLÉCOM ne pouvait se retrancher derrière l’accord de Monsieur X... puisqu’il n’avait cessé de clairement manifester son refus de se rendre à Blagnac ; que sur l’intérêt de l’entreprise, force était de constater que FRANCE TÉLÉCOM ne produisait aucun élément actualisé par rapport au moment du licenciement ; qu’en effet la raison avancée, à savoir la fermeture du site sur lequel travaillait Monsieur X... n’était pas clairement démontrée ; que FRANCE TÉLÉCOM en dehors de ses écritures ne produisait aucun document clair sur ce point ; que de même , dans le contenu du procès verbal de la réunion de la commission consultative, il était indiqué par FRANCE TÉLÉCOM, page 2, que la fermeture prévue du site de Pessac avait été annoncée à l’ensemble du personnel et il était fait mention, page 3, de la fermeture envisagée du site de Pessac ; qu’en outre, il n’était rien dit sur le sort des autres salariés du site de Pessac dont Monsieur X... soutenait sans être démenti qu’ils n’avaient pas été invités à réaliser une mobilité ; qu’enfin, la société FRANCE TÉLÉCOM n’apportait aucune précision sur le poste qui était destiné à Monsieur X... à Blagnac, ni sur l’intérêt que ce poste présentait pour l’entreprise ; qu’il s’en déduisait que le refus de Monsieur X... qui était le seul motif du licenciement, ne pouvait être considéré comme fautif et que dès lors, la rupture du contrat de travail se trouvait dénuée de cause réelle et sérieuse,

ALORS QUE, D’UNE PART, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ; qu’il en résulte que le salarié affecté à Pessac, dont le contrat de travail prévoit qu’il peut être affecté dans l’un des établissements de son employeur, qui donne, le 20 février 2002, son accord exprès à son affectation à Toulouse sur le site de Blagnac à compter du 1er septembre 2002, et qui obtient de son employeur, pour des raisons personnelles, à deux reprises, que sa nouvelle affectation soit différée, commet une faute en refusant de rejoindre son poste à Toulouse à la date butoir fixée par l’employeur, soit le 1er janvier 2004 ; et qu’en considérant le licenciement, motivé par le refus fautif du salarié de rejoindre son affectation au 1er janvier 2004, dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil,

ALORS QUE, D’AUTRE PART, le refus du salarié de rejoindre une nouvelle affectation, préalablement acceptée par lui, constitue une faute justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse, sans que l’employeur ait à démontrer que cette nouvelle affectation était conforme à l’intérêt de l’entreprise et proportionné à cet intérêt ; qu’il incombe au contraire au salarié qui prétend la mesure abusive, de démontrer que cette décision a été prise pour un motif étranger à l’intérêt de l’entreprise ou mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi ; et qu’en exigeant de FRANCE TÉLÉCOM qu’elle démontre que l’affectation de Monsieur X... sur le site de Blagnac était réellement justifiée par la fermeture du site de Pessac, et qu’elle justifie que le poste qui lui était proposé à Blagnac correspondait à l’intérêt de l’entreprise, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil et L.121-1 et L.122-4 du Code du travail, ALORS QU’ENFIN, en déduisant l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur X... de l’absence de justification apportée par la société FRANCE TÉLÉCOM sur la nécessité de l’affecter sur le site de Blagnac, affectation qu’il avait expressément acceptée le 20 février 2002, sans caractériser le moindre abus commis par l’employeur dans la prise de décision de cette affectation, ni dans sa mise en oeuvre, la cour d’appel a violé les articles 1134 du Code civil et L.122-14-3 et L.122-14-4 du Code du travail.

ALORS QU’ENFIN, en déduisant l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur X... de l’absence de justification apportée par la société FRANCE TÉLÉCOM sur la nécessité de l’affecter sur le site de Blagnac, affectation qu’il avait expressément acceptée le 20 février 2002, sans caractériser le moindre abus commis par l’employeur dans la prise de décision de cette affectation, ni dans sa mise en oeuvre, la cour d’appel a violé les articles 1134 du Code civil et L.122-14-3 et L.122-14-4 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux du 30 avril 2007