Compensation - contrepartie

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 21 janvier 2009

N° de pourvoi : 06-45509

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Me Blondel, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 4 novembre 2000 par contrat à durée indéterminée à temps partiel, puis à temps complet en 2001, en qualité d’agent d’exploitation, surveillance des biens et des personnes, par la société Nord sécurité services ; qu’il a été licencié pour faute grave le 26 octobre 2004 pour absence injustifiée le 25 septembre 2004 sur le site SNCF gare de Rouen et répétition d’absences malgré plusieurs sanctions ; qu’il a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale ;

Sur le second moyen qui est préalable :

Vu l’article L. 212-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;

Attendu que si le temps habituel du trajet entre le domicile et le lieu de travail ne constitue pas du temps de travail effectif, il en va autrement lorsque ce temps de trajet déroge au temps normal du trajet d’un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes de rappels d’heures supplémentaires, de repos compensateurs et de congés payés afférents, la cour d’appel a retenu qu’il n’était pas justifié que M. X... était à la disposition de son employeur dès le départ de son domicile, qu’il devait se rendre en tenue sur le lieu de travail ou qu’il devait passer par le siège de l’entreprise, et qu’il produisait une attestation indiquant qu’il se rendait sur les différents sites avec son véhicule personnel ainsi qu’une lettre de l’employeur précisant qu’il ne doit porter la tenue réglementaire que durant les vacations et jamais lorsqu’il n’est pas en service, que ce temps de trajet ne pouvait donc être considéré comme temps de travail ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de rechercher si les temps de trajets effectués par M. X... pour se rendre de son domicile aux différents lieux de travail dérogeaient au temps normal du trajet d’un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le premier moyen :

Vu les articles 1134 du code civil, L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-3, devenus respectivement L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

Attendu que pour décider que le licenciement était fondé sur une faute grave, la cour d’appel a retenu que le salarié ne contestait pas l’absence qui lui était reprochée, qu’il ne pouvait soutenir qu’il n’avait été recruté que pour travailler sur les sites dieppois, qu’il ne pouvait prétendre que ses revenus était trop faibles pour se déplacer à la gare de Rouen, son contrat de travail comportant une clause de mobilité et prévoyant comme lieu d’exécution habituel les sites de l’agence de Rouen, qu’il n’a jamais émis de commentaires sur ces affectations, qu’il a été rappelé à l’ordre à plusieurs reprises et n’a pas contesté les sanctions prononcées, la dernière absence étant intervenue dans le même mois que celle motivant le licenciement, qu’il n’était pas établi que l’employeur avait manqué à la bonne foi contractuelle ou commis un abus dans l’exécution du contrat de travail ; qu’elle a relevé la persistance et la réitération des faits fautifs et leur renouvellement malgré des mises en garde antérieures ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si en n’indemnisant pas le salarié des déplacements qu’il lui imposait et en ne prenant pas en charge des temps de trajet, l’employeur n’avait pas placé le salarié dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations contractuelles, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 avril 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Caen ;

Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. Y..., ès qualités, à payer à la SCP Masse-Dessen et Thouvenin la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Monsieur Jean-Pierre X... de ses demandes en paiement d’une indemnité de licenciement, d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement est ainsi libellée : « Nous vous avons reçu le 18 octobre 2004 pour l’entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre. Ainsi que nous vous l’avons exposé lors de l’entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants : absence injustifiée le 25 septembre 2004, sur le site SNCF Gare de ROUEN où vous étiez planifié de 21 heures à 9 heures. Cette absence fait suite à plusieurs autres au cours de l’année 2004 et pour lesquelles nous vous avons déjà sanctionné. Vous comprendre aisément que nous ne pouvons tolérer un tel absentéisme répété. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise… Rappel des sanctions antérieures : le 8 janvier 2004, avertissement pour absence injustifiée le 17 décembre 2003 sur le site de la gare SNCF de ROUEN où vous étiez planifié de 21 heures à 9 heures, le 1er mars 2004, avertissement pour absence injustifiée le 25 février 2004 sur le site de la gare SNCF de ROUEN où vous étiez planifié le 21 heures à 9 heures, le 13 mai 2004, mise à pied de trois jours pour absences injustifiées le 21, 22 et 23 avril 2004 sur le site de la gare SNCF de ROUEN, le 21 septembre 2004, mise à pied de trois jours pour absence injustifiée le 6 septembre 2004 sur le site de la gare SNCF de TOUEN où vous étiez planifié de 21 heures à 9 heures… » ; qu’il est constant que le contrat de Monsieur X... prévoit une clause de mobilité définie comme condition substantielle du contrat de travail ; que le salarié peut être affecté sur les sites sur l’ensemble du territoire français ; qu’il n’est attaché de manière permanente et définitive à aucun site ou lieu de travail ; que la modalité d’affectation précise que toute affectation hors sites de l’agence de ROUEN doit faire l’objet d’une proposition écrite avec le délai de réponse prévu par les textes en vigueur hors les cas de mutation pour sanction disciplinaire et raison économique ; que le contrat prévoit également que le refus d’appliquer cette clause de mobilité peut être assimilé à une faute grave ; qu’il est établi que le salarié a été sanctionné de nombreuses fois en 2002 (26 septembre 2002) et en 2004 (quatre fois rappelées dans la lettre de licenciement) pour des absences injustifiées avant d’être licencié ; que le salarié ne conteste pas son absence ainsi qu’il résulte de sa lettre du 16 novembre 2004 ; qu’il ne peut sérieusement soutenir qu’ayant été embauché à DIEPPE et habitant DIEPPE, il n’a été recruté que pour travailler sur les sites DIEPPOIS, l’offre produite à cet effet, comporte le numéro 380005J et la proposition d’emploi de cette offre est datée du 16 mai 2001, alors qu’il a été embauché six mois avant et que le détail de ses trajets révèle qu’il a quasiment toujours travaillé hors de DIEPPE ; qu’il ne peut prétendre qu’il ne pouvait se rendre sur le site de la gare de ROUEN au motif que ses revenus étaient trop faibles pour assumer les frais de déplacement alors qu’il a signé un contrat contenant une clause de mobilité, et prévoyant comme lieu d’exécution habituel les sites de l’agence de ROUEN ; qu’il n’a jamais émis de commentaires sur cette affectation à la gare de ROUEN ou sur les autres sites ; qu’au surplus, il a été rappelé à l’ordre à différentes reprises et n’a pas contesté les sanctions prononcées, la dernière absence étant intervenue dans le même mois que celle motivant le licenciement ; qu’enfin il n’est pas établi que l’employeur a manqué à la bonne foi contractuelle ou commis un abus dans l’exécution du contrat de travail ; que dans ces conditions, le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que la persistance et la réitération de faits fautifs et leur renouvellement malgré des mises en garde antérieures justifient le licenciement pour faute grave, le comportement du salarié ne permettant pas à l’employeur de le conserver à son service durant le temps du préavis ; que Monsieur X... sera débouté de ses demandes consécutives au licenciement .

ALORS QU’ une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que le contrat de travail du salarié prévoyait une clause mobilité dont il résultait que le salarié pouvait être affecté sur les sites de l’ensemble du territoire français et n’était attaché de manière permanente et définitive à aucun site ou lieu de travail de sorte qu’il ne pouvait prétendre ne pouvoir se rendre sur le site de ROUEN au motif que ses revenus étaient trop faibles pour assumer les frais de déplacement ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les articles L 122-6, L 122-8, L 122-9, L 122-14- 3 et L 122-14-4 du Code du travail ;

ALORS, surtout, QUE le salarié faisait valoir dans ses écritures d’appel que les frais de déplacement qui lui étaient ainsi imposés étaient incompatibles avec ses faibles revenus dès lors qu’aucune prise en charge de ses temps de trajet et de ses frais de transport n’était faite par l’employeur et que le paiement tardif de ses salaires par son employeur le plaçait dans l’impossibilité financière de se rendre sur le nouveau lieu de travail auquel il était affecté ; qu’en outre, des chantiers existaient sur le site de DIEPPE qui, pour partie, étaient pourvus par des salariés venant de ROUEN. qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si l’employeur n’avait pas ainsi agi de manière déloyale et placé le salarié dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations contractuelles, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil , L 122-6, L. 122-8, L.122-9, L.122-14-3 et L.122-14-4 du Code du travail.

ALORS en tout cas QUE la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis ; que la faute grave s’apprécie in concreto, compte tenu des circonstances de l’espèce ; qu’en se bornant à relever la réitération de faits après mise en garde de l’employeur, sans aucunement caractériser la gravité de la faute du salarié ni examiner le contexte dans lequel n’étaient produits les faits, au regard des difficultés financières du salarié, au surplus causées par l’employeur, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.122-6, L 122-8 et L.122-9 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Monsieur Jean-Pierre X... de ses demandes en paiement de rappels d’heures supplémentaires et congés payés y afférents, et de repos compensateurs et congés payés y afférents.

AUX MOTIFS QUE concernant la demande d’indemnisation du temps de trajet comme temps de travail effectif, il n’est pas justifié que Monsieur X... était à la disposition de son employeur dès le départ de son domicile, qu’il devait se rendre en tenue sur le lieu de travail ou qu’il devait passer par le siège de l’entreprise ; qu’il produit une attestation indiquant qu’il se rendait sur les différents sites avec son véhicule personnel et une lettre de l’employeur du 5 mars 2002 précisant qu’il ne doit porter la tenue réglementaire que durant les vacations et jamais lorsqu’il n’est pas en service ; que ce temps de trajet ne peut être considéré comme temps de travail et la demande sera rejetée.

ALORS QU’ en statuant ainsi sans rechercher si le trajet entre le domicile du salarié et les différents lieux où il était affecté dérogeait au temps normal du trajet d’un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L 212-4 du Code du travail ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Rouen du 11 avril 2006