Conditions de validité

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 26 mai 2010

N° de pourvoi : 09-40422

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Mazars (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 novembre 2008), que M. X... a été engagé par la société EGCI Pillard selon contrat à durée déterminée du 12 novembre 1997 au 16 mai 1998, en qualité d’ingénieur mise en route ; que le contrat prévoyait que le salarié exercerait ses fonctions sur l’ensemble du territoire national mais aussi dans tous pays ; que le 6 février 2003, les parties ont signé un document qualifié d’« avenant au contrat de travail » selon lequel le salarié était engagé pour une durée indéterminée en qualité d’ingénieur de recherche et développement ; que ce contrat ne prévoyait pas de mission à l’étranger ; que le salarié ayant refusé un déplacement, l’employeur l’a licencié pour faute grave ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné à payer diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la novation ne se présume pas et doit résulter clairement des termes de l’acte ; que l’acte expressément qualifié « d’avenant au contrat de travail » qui se borne à modifier la qualification de l’intéressé, emporterait-il transformation en contrat à durée indéterminée du contrat à durée déterminée initial, ne saurait en conséquence suffire à emporter novation des autres stipulations du contrat ; qu’en l’espèce, il était constant que M. X... avait été engagé en qualité d’ingénieur mise en route, cadre position I, indice 76, par contrat à durée déterminée du 12 novembre 1997 dont le terme était fixé au 16 novembre 1998 et qui comportait la clause suivante : « vous pourrez être appelé à intervenir sur l’ensemble du territoire national, mais aussi à effectuer des missions à durée variable dans tous pays (…) » ; que ce contrat avait été reconduit par un premier avenant du 14 mai 1998 jusqu’au 16 mai 1999 qui précisait que « les conditions du précédent contrat sont inchangées » ; qu’enfin, les parties avaient conclu le 6 février 2003, soit près de quatre ans après le dernier terme convenu du contrat à durée déterminée, un acte expressément qualifié d’« avenant à votre contrat de travail » qui se bornait à promouvoir le salarié aux fonctions d’ingénieur recherche et développement (cadre position II indice 120), à augmenter le montant de sa rémunération et à le soustraire à l’horaire collectif ; que l’avenant précisait encore que cette promotion était soumise à une « période d’essai probatoire de 6 mois » à l’issue de laquelle, en cas d’essai non concluant, le salarié retrouverait ses « anciennes fonctions d’ingénieur de mise en route » ; qu’en affirmant que cet avenant emportait « novation dans les rapports contractuels » de la clause de mobilité dès lors que « l’intéressé passait d’un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée et que sa qualification était différente », lorsque de telles stipulations ne pouvaient suffire à emporter novation de l’intégralité du contrat initial, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1273 du code civil ;

2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que l’avenant conclu le 6 février 2003 se bornait à modifier la qualification de l’intéressé et à adapter les stipulations initiales relatives à la rémunération et au temps de travail ; qu’aucune stipulation n’indiquait que l’avenant avait pour objet de substituer un contrat à durée indéterminée à un contrat à durée déterminée, la transformation en contrat à durée indéterminée ayant été légalement acquise du seul fait de la poursuite du contrat après le dernier terme convenu du 16 mai 1999 ; qu’en affirmant que le terme d’avenant était impropre dès lors que « l’intéressé passait d’un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée », la cour d’appel a dénaturé les stipulations claires et précises de l’avenant du 6 février 2003 et violé l’article 1134 du code civil ;

3°/ que les juges du fond doivent viser et examiner, serait-ce sommairement, les éléments produits par les parties à l’appui de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, la société ECGI Pillard soutenait, à titre subsidiaire, que les fonctions d’ingénieur recherche et développement (cadre position II) impliquaient une mobilité du salarié à l’étranger ; qu’elle invoquait (conclusions p. 8) et produisait (productions N° 7) un « état des déplacements » du salarié qui établissait que le salarié s’était déplacé 106 jours en 2003, 38 jours en 2004, 95 jours en 2005 et 5 jours pour la période du 1er janvier 2006 au 28 mars 2006 ; qu’elle invoquait et produisait encore (conclusions p. 8, productions n° 8 et 9), d’une part des « fiches d’organisation des déplacements et prestations » qui faisaient mention des motifs du déplacement du salarié dans des installations situées à l’étranger (visite et inspection hygiène, formation, visite installation…), d’autre part des comptes-rendus de déplacements effectués à l’étranger (Italie, Chine, Etats-Unis…), tous documents corroborant le lien entre les déplacements du salarié à l’étranger et ses fonctions d’ingénieur de recherche ; qu’en affirmant que l’employeur ne démontrait pas que les fonctions d’ingénieur recherche et développement impliquaient l’exercice de missions hors le territoire national, sans à aucun moment viser ni analyser, serait-ce sommairement, les pièces précitées, la cour d’appel a manqué aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge est tenu d’apprécier le motif invoqué par l’employeur tel qu’il est énoncé dans la lettre de licenciement ; qu’en l’espèce, dans la lettre de licenciement, la société ECGI Pillard reprochait à M. X... d’avoir catégoriquement refusé de signer un ordre de mission « pour une intervention sur le site au Gabon du 9 au 14 juillet 2006 » ; qu’elle concluait : « en refusant ce déplacement lié à la bonne exécution de votre mission professionnelle, vous avez volontairement mis en cause la bonne marche du service et cette attitude est préjudiciable aux intérêts de l’entreprise » ; qu’en retenant que l’employeur ne pouvait imposer au salarié des missions« qui loin d’être occasionnelles, étaient fréquentes et longues », lorsque l’employeur reprochait au salarié le refus d’exécuter, non pas plusieurs missions de longue durée, mais une mission ponctuelle déterminée de seulement cinq jours, la cour d’appel a violé l’article L. 122-14-2 devenu l’article L. 1232-6 du code du travail ;

Mais attendu, d’abord, qu’une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application ; que la cour d’appel a relevé que le contrat de travail prévoyait que le salarié exercerait ses fonctions sur l’ensemble du territoire national mais également dans tous pays de sorte que cette clause de mobilité était nulle et de nul effet ;

Attendu, ensuite, qu’appréciant les éléments de fait et de preuve versés aux débats, elle a estimé que l’employeur ne démontrait pas que les fonctions d’ingénieur recherche-développement impliquaient l’exercice de missions hors le territoire national de sorte qu’on ne pouvait imposer au salarié de telles sujétions ;

D’où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société EGCI Pillard aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros, et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux conseils pour la société EGCI Pillard ;

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la société ENTREPRISE GENERALE CHAUFFAGE INDUSTRIEL PILLARD à payer à Monsieur Thomas X... les sommes de 3.673,44 euros à titre du salaire impayé durant la mise à pied conservatoire, ainsi que 363,74 euros au titre des congés payés afférents, avec l’intérêt au taux légal à compter du 3 août 2006, 13.134 euros au titre du préavis, ainsi que 1.313,40 euros au titre des congés payés afférents, 15.177,06 euros au titre de l’indemnité de licenciement, avec l’intérêt au taux légal à compter du 3 août 2006, 35.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec l’intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, 711,26 euros au titre d’une indemnité de congé parental, avec l’intérêt au taux légal à compter du 22 mars 2007 et D’AVOIR condamné l’employeur à rembourser à l’ASSEDIC, dans la limite de quatre mois, les indemnités de chômage versées au salarié par application faite d’office des dispositions impératives de l’article L 1235-4 du Code du travail

AUX MOTIFS QUE les parties ont signé deux conventions : - un contrat de travail à durée déterminée du 12 novembre 1997 par lequel M. X... était embauché en qualité “d’ingénieur de mise en route”, ce contrat prévoyant que le salarié exercerait sur l’ensemble du territoire national, mais également dans tous pays, - un “ avenant “ du 6 février 2003 par lequel M. X... était embauché pour une durée indéterminée en qualité “ d’ingénieur recherche et développement “, ce contrat ne prévoyant pas de missions à l’étranger ; que les premiers juges retiennent que le fait pour le salarié d’avoir poursuivi ses missions hors le territoire national - du 1er février 2003 au 17 mars 2006 - justifiait son licenciement prononcé par une lettre recommandée du 13 juillet 2006 dont une photocopie est annexée au présent arrêt ; que ce motif est juridiquement infondé puisque le silence du salarié ne vaut pas acceptation ; que le conseil de l’employeur fait alors valoir que l’ “ avenant “renvoie nécessairement au contrat initial contenant la clause d’exécution de la prestation de travail hors la France ; il ajoute que des déplacements occasionnels à l’étranger ne constituent pas une modification du’ contrat de travail, puisque la spécificité des fonctions exercées implique ces déplacements ; mais que le conseil du salarié fait observer à bon droit que le ternie d`avenant” était impropre puisque l’intéressé passait d’un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée et que sa qualification était différente ; qu’il s’agissait là d’une novation dans les rapports contractuels ; que dès lors que le second contrat de travail ne stipule pas que M. X... accepte des missions à l’étranger - qui, loin d’être occasionnelles, étaient fréquentes et longues - on ne pouvait lui imposer ces sujétions ; qu’enfin, l’employeur ne démontre pas que les fonctions d’ingénieur recherche et développement” impliquent l’exercice de missions hors le territoire national ; qu’en conséquence, le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que les circonstances ayant entouré la rupture ne caractérisent en rien un abus de la part de l’employeur ; que les demandes dont la cour est saisie relatives au rappel du salaire durant la mise à pied conservatoire, les indemnités conventionnelles de rupture et le remboursement de 711,26 euros n’appellent pas la critique ; qu’âgé de 35 ans au moment de son licenciement, intervenu après huit années de service, M. X... a perdu un salaire brut de 4.378 euros par mois ; il justifie de sa qualité de demandeur d’emploi du 6 septembre au 31 décembre 2006, de sorte que l’affirmation de son conseil selon laquelle il serait toujours au chômage ne sera pas retenue ; que la Cour dispose des éléments d’appréciation suffisants pour arrêter à 35.000 euros l’exacte et entière réparation de son préjudice ; Sur les demandes accessoires, les rappels de salaire et les indemnités de rupture seront assortis de l’intérêt au taux légal à compter du 3 août 2006, date à laquelle la débitrice a accusé réception du pli recommandé la convoquant à l’audience de conciliation, ce pli mentionnant ces demandes ; que la demande en paiement de 711,26 euros a été portée pour la première fois à la connaissance de la débitrice à l’audience tenue le 22 mars 2007 devant la formation de jugement ; que cette date marque le point de départ de l’intérêt ; que le présent arrêt est constitutif du droit au paiement de 35.000 euros ; son prononcé marque le point de départ de l’intérêt ; que l’intimée supportera les entiers dépens et servira 1.800 euros à son contradicteur pour ses frais non répétibles de première instance et d’appel confondus ;

1°) ALORS QUE la novation ne se présume pas et doit résulter clairement des termes de l’acte ; que l’acte expressément qualifié « d’avenant au contrat de travail » qui se borne à modifier la qualification de l’intéressé, emporterait-il transformation en contrat à durée indéterminée du contrat à durée déterminée initial, ne saurait en conséquence suffire à emporter novation des autres stipulations du contrat ; qu’en l’espèce, il était constant que Monsieur X... avait été engagé en qualité d’ingénieur mise en route, cadre position I, indice 76, par contrat à durée déterminée du 12 novembre 1997 dont le terme était fixé au 16 novembre 1998 et qui comportait la clause suivante : « vous pourrez être appelé à intervenir sur l’ensemble du territoire national, mais aussi à effectuer des missions à durée variable dans tous pays (…) » ; que ce contrat avait été reconduit par un premier avenant du 14 mai 1998 jusqu’au 16 mai 1999 qui précisait que « les conditions du précédent contrat sont inchangées » ; qu’enfin, les parties avaient conclu le 6 février 2003, soit près de 4 ans après le dernier terme convenu du contrat à durée déterminée, un acte expressément qualifié d’« avenant à votre contrat de travail » qui se bornait à promouvoir le salarié aux fonctions d’Ingénieur Recherche et Développement (Cadre position II indice 120), à augmenter le montant de sa rémunération et à le soustraire à l’horaire collectif ; que l’avenant précisait encore que cette promotion était soumise à une « période d’essai probatoire de 6 mois » à l’issue de laquelle, en cas d’essai non concluant, le salarié retrouverait ses « anciennes fonctions d’Ingénieur de Mise en Route » ; qu’en affirmant que cet avenant emportait « novation dans les rapports contractuels » de la clause de mobilité dès lors que « l’intéressé passait d’un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée et que sa qualification était différente », lorsque de telles stipulations ne pouvaient suffire à emporter novation de l’intégralité du contrat initial, la Cour d’appel a violé les articles 1134 et 1273 du Code civil ;

2°) ALORS en outre QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que l’avenant conclu le 6 février 2003 se bornait à modifier la qualification de l’intéressé et à adapter les stipulations initiales relatives à la rémunération et au temps de travail ; qu’aucune stipulation n’indiquait que l’avenant avait pour objet de substituer un contrat à durée indéterminée à un contrat à durée déterminée, la transformation en contrat à durée indéterminée ayant été légalement acquise du seul fait de la poursuite du contrat après le dernier terme convenu du 16 mai 1999 ; qu’en affirmant que le terme d’avenant était impropre dès lors que « l’intéressé passait d’un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée », la Cour d’appel a dénaturé les stipulations claires et précises de l’avenant du 6 février 2003 et violé l’article 1134 du Code civil ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE les juges du fond doivent viser et examiner, serait-ce sommairement, les éléments produits par les parties à l’appui de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, la société ECGI PILLARD soutenait, à titre subsidiaire, que les fonctions d’ingénieur Recherche et Développement (cadre position II) impliquaient une mobilité du salarié à l’étranger ; qu’elle invoquait (conclusions p. 8) et produisait (productions N° 7) un « état des déplacements » du salarié qui établissait que le salarié s’était déplacé 106 jours en 2003, 38 jours en 2004, 95 jours en 2005 et 5 jours pour la période du 1er janvier 2006 au 28 mars 2006 ; qu’elle invoquait et produisait encore (conclusions p. 8, productions n° 8 et 9), d’une part des « fiches d’organisation des déplacements et prestations » qui faisaient mention des motifs du déplacement du salarié dans des installations situées à l’étranger (visite et inspection hygiène, formation, visite installation…), d’autre part des comptes-rendus de déplacements effectués à l’étranger (Italie, Chine, Etats-Unis…), tous documents corroborant le lien entre les déplacements du salarié à l’étranger et ses fonctions d’ingénieur de recherche ; qu’en affirmant que l’employeur ne démontrait pas que les fonctions d’ingénieur recherche et développement impliquaient l’exercice de missions hors le territoire national, sans à aucun moment viser ni analyser, serait-ce sommairement, les pièces précitées, la Cour d’appel a manqué aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le juge est tenu d’apprécier le motif invoqué par l’employeur tel qu’il est énoncé dans la lettre de licenciement ; qu’en l’espèce, dans la lettre de licenciement, la société ECGI PILLARD reprochait à Monsieur X... d’avoir catégoriquement refusé de signer un ordre de mission « pour une intervention sur le site au Gabon du 9 au 14 juillet 2006 » ; qu’elle concluait : « en refusant ce déplacement lié à la bonne exécution de votre mission professionnelle, vous avez volontairement mis en cause la bonne marche du service et cette attitude est préjudiciable aux intérêts de l’entreprise » ; qu’en retenant que l’employeur ne pouvait imposer au salarié des missions « qui loin d’être occasionnelles, étaient fréquentes et longues », lorsque l’employeur reprochait au salarié le refus d’exécuter, non pas plusieurs missions de longue durée, mais une mission ponctuelle déterminée de seulement 5 jours, la Cour d’appel a violé l’article L 122-14-2 devenu l’article L 1232-6 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 27 novembre 2008