Conservation ancienneté

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 9 janvier 2001

N° de pourvoi : 99-40058

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. WAQUET conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Aziz X..., demeurant ...,

en cassation d’un arrêt rendu le 10 novembre 1998 par la cour d’appel de Paris (22e chambre, section C), au profit de la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE), société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l’audience publique du 14 novembre 2000, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Quenson, conseiller rapporteur, M. Finance, conseiller, Mmes Maunand, Trassoudaine-Verger, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Quenson, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., de la SCP Gatineau, avocat de la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE), les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. X... a été engagé, le 9 février 1971, par la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE), en qualité d’employé, au siège à Casablanca ; que le 26 août 1974, il a été détaché auprès de la succursale située à Paris où il a occupé successivement les fonctions de cambiste puis de responsable de la salle des marchés ; qu’il a été licencié le 28 juin 1995 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 10 novembre 1998) de l’avoir débouté de sa demande en paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1 / que lorsqu’il est établi qu’une modification a été apportée aux fonctions d’un salarié, le juge, pour dire si le refus opposé à cette modification a constitué une cause réelle et sérieuse de licenciement, doit rechercher si elle constitue une modification du contrat ou seulement une modification des conditions d’exercice de ce contrat ; que le doute profite au salarié ; que la cour d’appel, qui a constaté que les nouvelles fonctions confiées à M. X... n’avaient pas été définies, ne pouvait, sans rechercher en fait la nature des nouvelles fonctions au motif que M. X... ne rapportait pas la preuve qu’il aurait été écarté de toute initiative ou de toute responsabilité, le débouter de sa demande ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 122-14-3 du Code du travail ;

2 / qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a fait peser sur le salarié le risque du doute en violation de l’article L. 122-14-2 du Code du travail ;

3 / que l’employeur, tenu de respecter le contrat, doit fournir au salarié un travail correspondant à sa qualification et à son salaire ; que la cour d’appel, qui a considéré que le pouvoir de l’employeur avait pour seules limites la rémunération et la qualification du salarié, a violé l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction peut changer les conditions de travail d’un salarié ; que la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celles qu’il effectuait antérieurement dès l’instant où elle correspond à sa qualification ne caractérise pas une modification du contrat de travail ;

Et attendu que la cour d’appel a relevé que M. X... s’était vu confier à partir du mois de septembre 1994 avec la même classification la responsabilité effective des services logistique et marketing, qu’il avait effectivement exercé ces fonctions et qu’il avait autorité sur les deux services ; qu’elle a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que le contrat de travail n’avait pas été modifié par ce changement d’affectation ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le pourvoi incident :

Attendu que la BMCE fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamnée à payer à M. X... un complément d’indemnité de licenciement sur son ancienneté au 9 février 1971 et un complément d’indemnité de licenciement sur la rémunération Maroc, alors, selon le moyen :

1 / que l’ancienneté à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement court à compter de la date de conclusion du contrat de travail qui fait l’objet de la rupture ; que, par un nouveau contrat de travail visé par le ministère chargé des affaires sociales en date du 11 juillet 1975, la BMCE a engagé M. X... en qualité de cambiste arbitragiste en France à de nouvelles conditions sans qu’il soit précisé que le contrat ne constituait qu’un simple avenant au premier contrat de travail signé par M. X... au Maroc, en 1971, et sans reprise d’ancienneté, de telle sorte qu’il avait mis fin au premier contrat de travail n’ayant lieu de s’appliquer à la période au cours de laquelle M. X... travaillait au Maroc ; qu’en relevant dès lors que le contrat de travail du 11 juillet 1975 n’était qu’un contrat de régularisation d’un travailleur étranger, qui ne saurait remettre en cause, à défaut de mention expresse, les dispositions contractuelles existant par ailleurs entre les parties, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil et les articles L. 121-1 et L. 341-2 du Code du travail ;

2 / que l’article 58 de la Convention collective des personnels de banque ne prend en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement que le seul traitement à l’exclusion de tout autre supplément (gratifications, primes autres que la prime d’ancienneté et les allocations familiales) ; qu’en incluant dès lors dans le traitement de M. X... l’indemnité de fonction forfaitaire mensuelle perçue par le salarié au Maroc sans préciser l’objet de cette indemnité ni vérifier qu’elle lui était versée en contrepartie des fonctions qu’il exerçait en France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 58 de la Convention collective des personnels de banque et L. 122-9 du Code du travail ;

Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel a exactement énoncé que la position de détachement, même si elle donnait lieu à un contrat de travail distinct, n’entraînait pas la cessation des relations de travail, et impliquait la poursuite du même contrat de travail en sorte que l’ancienneté se calculait à partir de l’embauche ;

Et attendu, ensuite, que la cour d’appel a constaté que l’indemnité de fonction forfaitaire mensuelle était un élément du traitement convenu entre les parties ;

Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la Banque marocaine du commerce extérieur et de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille un.

Décision attaquée : cour d’appel de Paris (22e chambre section C) , du 10 novembre 1998

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Modification - Modification imposée par l’employeur - Changement d’affectation sans disqualification - Exercice du pouvoir de direction.

Textes appliqués :
* Code du travail L121-1 et L122-9
* Convention collective nationale des personnels de banque art. 58