Dommages et intérêts possibles malgré relaxe

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 10 avril 2018

N° de pourvoi : 17-83588

ECLI:FR:CCASS:2018:CR00577

Non publié au bulletin

Cassation

M. Soulard (président), président

SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-"

Mme Dominique X..., partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 2017, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre M. Fabrice Y... du chef de travail dissimulé, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 27 février 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Z..., les observations de la société civile professionnelle COUTARD et MUNIER-APAIRE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général A... ;

Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;

Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel :

Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le moyen n’est pas de nature à être admis ;

Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 2, 3, 497, 509, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble 1382 devenu 1240 du code civil, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

”en ce que l’arrêt attaqué a confirmé les dispositions civiles du jugement rendu le 14 avril 2016 par le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre ayant rejeté les demandes de la partie civile en raison de la relaxe ;

”aux motifs qu’il a été jugé que si l’appel formé par la seule partie civile contre un jugement ayant statué sur les intérêts civils après relaxe, a pour effet de déférer à la juridiction du second degré l’action en réparation du dommage pouvant résulter de la faute civile commise par la personne relaxée, encore fallait-il que cette faute soit démontrée à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite ; qu’ainsi, la faute civile à démontrer doit coïncider avec la faute pénale en tous ses éléments pour pouvoir indemniser la partie civile seule appelante d’un jugement de relaxe ; qu’en l’espèce, il n’est pas démontré par Mme X... que le fait, pour M. Y..., de ne pas établir de bulletins de salaire et de n’effectuer aucune déclaration préalable à l’embauche dans le cadre de relations contractuelles qui ne peuvent être que distinctes d’un contrat de travail puisque le tribunal correctionnel ne l’a pas admis, constitue une faute civile susceptible d’ouvrir la voie à l’indemnisation du préjudice en résultant ; qu’en conséquence, les dispositions civiles du jugement critiqué par Mme Dominique X... seront confirmées ;

”alors que, à l’égard de la partie civile seule appelante de la décision de relaxe, l’autorité de la chose jugée ne s’attache à aucune des dispositions tant pénales que civiles du jugement déféré ; que si les juges du second degré ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé, ils n’en sont pas moins tenus, au regard de l’action civile, de rechercher eux-mêmes comme ils en sont requis, si les faits reprochés ne sont pas susceptibles de caractériser une faute civile à partir et dans les limites de la prévention ; qu’en considérant que l’existence d’un contrat de travail n’était pas établie, « puisque le tribunal ne l’a pas admis » et en s’estimant liée par la chose jugée en première instance, la cour d’appel a violé l’article 509 du code de procédure pénale et les textes susvisés” ;

Vu les articles 2 et 497 du code de procédure pénale ;

Attendu qu’il se déduit de ces textes que le dommage, dont la partie civile, seule appelante d’un jugement de relaxe, peut obtenir réparation, doit résulter d’une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à la suite de la plainte de Mme Dominique X... contre M. Fabrice Y..., à qui elle reproche de l’avoir employée à Baie Mahault (97), pendant la période du 6 mai 2014 au 18 juillet 2015, sans établir de contrat de travail, sans établir de fiche de paie et sans procéder à sa déclaration préalable à l’embauche, le second a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel du chef de travail dissimulé ; que les premiers juges ont renvoyé le prévenu des fins de la poursuite, considérant que la partie civile, dont le statut déclaré était celui de travailleur indépendant, ne s’était pas trouvée assujettie au prévenu par un lien de subordination ; que la plaignante, seule, a relevé appel de cette décision ;

Attendu que pour confirmer le jugement en ses dispositions civiles et rejeter la demande d’indemnisation de Mme X... s’agissant des faits pour lesquels M. Y... a été relaxé, l’arrêt énonce que les relations contractuelles entre les parties ne peuvent être que distinctes d’un contrat de travail puisque le tribunal correctionnel ne l’a pas admis ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors qu’elle n’était nullement liée, pour démontrer, le cas échéant, la faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, par les appréciations des premiers juges quant à la matérialité des faits, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;

D’ou il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Basse-Terre, en date du 14 mars 2017, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Basse-Terre, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Basse-Terre et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix avril deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Basse-Terre , du 14 mars 2017