Oui si préjudice direct

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 17 novembre 1998

N° de pourvoi : 97-81754

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de Me ODENT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" NAEL X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 6 mars 1997, qui, pour exercice d’un travail clandestin, l’a condamné à 1 mois d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que, l’arrêt attaqué a déclaré recevable la citation délivrée au prévenu et l’a déclaré coupable des faits de la prévention ;

”aux motifs que “...si les dispositions relatives à l’exercice du travail clandestin ont été édictées en vue de l’intérêt général, elles n’en tendent pas moins également à la protection des particuliers qui peuvent, lorsque leur méconnaissance leur a causé un préjudice direct et personnel, en obtenir réparation devant la juridiction pénale... ; la société Zanker a subi un préjudice personnel et direct du fait de l’infraction retenue à l’encontre d’X... Nael ; le préjudice doit être différencié de la concurrence déloyale résultant de l’activité commerciale d’X... Nael exercée à l’occasion de son contrat de travail ;

”alors que, l’action civile n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ; qu’en déclarant recevable l’action civile exercée par l’employeur à l’encontre du salarié, par des motifs d’ordre général tirés des conséquences sociales du travail clandestin, sans répondre au moyen invoqué par le prévenu démontrant l’absence de tout préjudice de l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la société Garage Zanker a cité directement devant le tribunal correctionnel X... Nael du chef d’exercice d’un travail clandestin, lui reprochant d’avoir, à l’occasion de son activité salariée de vendeur, acheté et revendu pour son propre compte des véhicules en tirant un bénéfice financier de ces opérations ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable et le condamner au paiement de dommages-intérêts au profit de la société Garage Zanker, les juges du second degré, après avoir rappelé que la victime d’une infraction peut mettre en mouvement l’action publique dès lors qu’elle justifie d’un préjudice direct résultant de l’infraction poursuivie, énoncent que le délit de travail clandestin, s’il cause des dommages à la collectivité, porte également atteinte à des intérêts particuliers divers, et notamment à ceux de l’employeur dont les salariés se livrent à titre complémentaire à l’exercice d’une activité clandestine à l’occasion de leur activité salariée ; qu’ils ajoutent qu’il résulte, en l’espèce, des éléments de preuve contradictoirement débattus, qu’X... Nael, profitant de son activité de vendeur au Garage Zanker, a acheté et revendu pour son propre compte, et à l’insu de son employeur, 7 ou 8 véhicules à des particuliers en faisant des bénéfices, alors qu’il n’était pas inscrit au registre du commerce ; qu’enfin ils retiennent que le préjudice, direct et personnel, subi par la société Zanker du fait de l’infraction, “doit être différencié de la concurrence déloyale résultant de l’activité commerciale exercée par X... Nael à l’occasion de son contrat de travail”, et fixent le montant de l’indemnisation au vu des éléments soumis à leur appréciation ;

Attendu qu’en cet état, la cour d’appel a donné une base légale à sa décision ; qu’en effet, si la législation sur le travail clandestin a été édictée en vue de l’intérêt général, elle n’en tend pas moins également à la protection des particuliers qui peuvent, lorsque sa méconnaissance leur a causé un préjudice direct et personnel, en obtenir réparation devant la juridiction pénale ; que tel est le cas en l’espèce ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, MM. Milleville, Pinsseau, Mme Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Poitiers chambre correctionnelle , du 6 mars 1997

Titrages et résumés : ACTION CIVILE - Recevabilité - Préjudice direct et personnel - Travail clandestin - Employeur du prévenu.

Textes appliqués :
* Code de procédure pénale 2 et 3
* Code du travail L324-9 et 324-10