Obligation de fournir du travail

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 4 février 2015

N° de pourvoi : 13-25627

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00205

Publié au bulletin

Rejet

M. Frouin (président), président

Me Foussard, SCP Bénabent et Jéhannin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur la recevabilité de l’intervention du syndicat des Professionnels de l’emploi en portage salarial (PEPS) examinée d’office :

Vu les articles 327 et 330 du code de procédure civile ;

Attendu, selon ces textes, que les interventions volontaires sont admises devant la Cour de cassation, si elles sont formées à titre accessoire, à l’appui des prétentions d’une partie, et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir une partie ;

Attendu que le pourvoi formé par la société Jam communication est dirigé contre un arrêt qui a dit que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse et l’a condamné à payer au salarié diverses sommes à titre d’indemnités ; que le syndicat des Professionnels de l’emploi en portage salarial (PEPS) ne justifiant pas d’un intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir l’auteur du pourvoi, est irrecevable son intervention volontaire accessoire devant la Cour de cassation ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2013), que M. X..., engagé le 2 octobre 2006 par la société Jam communication en qualité de rédacteur pour assurer des missions auprès de la société Entrecom exerçait, à compter d’un avenant en date du 1er mars 2008, la fonction de directeur de contenu avec le statut cadre ; qu’il a été licencié le 19 mars 2010 au motif qu’il n’avait pas respecté la clause d’objectifs de son contrat de travail qui lui faisait obligation de conclure avant la fin de sa mission en cours une ou des missions nouvelles équivalentes à cinq jours ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaires, de congés payés, d’indemnité de licenciement et d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que l’économie du portage salarial repose sur le fait que c’est au salarié porté qu’il appartient de trouver des missions auprès d’entreprises clientes ; qu’en conséquence, si le salarié porté est soumis au régime du salariat pour ce qui concerne sa rémunération et ses accessoires, l’entreprise de portage salarial ne saurait être tenue de lui fournir du travail ; qu’en énonçant, pour condamner la société Jam communication à payer diverses sommes à M. X... à titre d’indemnités et de rappel de salaire, que le contrat de portage comporte pour l’employeur l’obligation de fournir du travail au salarié, la cour d’appel a violé l’article L. 1251-64 du code du travail ;

Mais attendu que la conclusion d’un contrat de travail emporte pour l’employeur obligation de fourniture du travail ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE l’intervention volontaire du syndicat des Professionnels de l’emploi en portage salarial ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Jam communication aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Jam communication à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Jam communication

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné la société JAM Communication à payer à Monsieur X... une somme de 26.607,96 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à juin 2010, une somme de 2.660,79 euros au titre des congés payés afférents, une somme de 2.357,27 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement et une somme de 30.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QU’ « en vertu de l’article L. 1251-64 du code du travail, le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage ; qu’il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle ; que, selon les termes de l’article L. 8241-1 du code du travail, les entreprises de portage salarial échappent à l’incrimination de prêt de main-d’’oeuvre illicite ; qu’aucune de ces dispositions n’entache d’illégalité la pratique du portage salarial antérieurement à la loi du 25 juin 2008, chacune d’elles ayant au contraire, comme l’ont justement souligné les premiers juges, pour objectif affiché d’encadrer cette organisation qui répond encore actuellement à un besoin social ; que le jugement est confirmé en ce qu’il a retenu l’existence entre la société JAM Communication et Monsieur X... d’un contrat de portage salarial ; que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un contrat de travail le liant à la société Entrecom (¿) ; que Monsieur X... soutient à tort que l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008, étendu par arrêté du 23 juillet 2008, limiterait à trois années la durée maximum du portage salarial, seul l’accord susvisé du 24 juin 2010, inapplicable, envisageant une telle limite, l’article L.1251-64 ne prévoyant aucune limite à la relation de travail en portage salarial ; que le contrat de travail comportait une clause d’objectif ainsi rédigée : “Eu égard à la dimension également commerciale de l’activité du “salarié”, les parties estiment légitime l’inclusion dans le contrat de travail d’une clause d’objectif. Cet objectif est déterminé en commun accord avec le “salarié”. Au terme de cette clause, le “salarié” devra conclure, avant la fin de ses missions, une ou des missions nouvelles équivalentes à cinq jours” ; que la société Uppress ayant informé la société JAM Communication qu’elle ne passerait plus de commandes de prestation de services à compter du 31 décembre 2009, au motif que le contrat avec Yahoo n’était pas reconduit au-delà du 31 décembre 2009, la société de portage a écrit à Monsieur X... ce même jour pour lui indiquer qu’il lui appartenait de conclure au plus vite une nouvelle mission, conformément à la clause d’objectif figurant à l’article 11 de son contrat de travail ; que Monsieur X... n’ayant pas trouvé de nouveaux clients a été licencié par la société de portage ; que la qualification de contrat de travail et le régime juridique qui en découle ne sont pas à la disposition des parties ; que la seule volonté des parties est impuissante à soustraire un travailleur au statut social qui découle nécessairement des conditions d’accomplissement de son travail ; que le contrat de portage étant un contrat de travail, l’ensemble des règles régissant le contrat de travail s’appliquent au contrat liant l’entreprise de portage au salarié ; que la clause contraignant Monsieur X... à conclure avant la fin de ses missions, “une ou des nouvelles missions nouvelles équivalentes à cinq jours” est sans effet ; qu’en effet, le contrat de travail comporte pour l’employeur l’obligation première ¿ en laquelle il trouve son essence ¿ de fournir du travail au salarié ; que lorsque l’entreprise de portage embauche ¿ comme en l’espèce ¿ le salarié pour une durée indéterminée, elle s’engage nécessairement à lui fournir elle-même du travail après l’expiration de la prestation apportée ; que la fin de la mission confiée à Monsieur X... du fait de la non-reconduction du contrat liant la société Yahoo à la société Uppress ne justifiait pas le licenciement du salarié au motif qu’il était resté sans travail faute d’avoir cherché et en tout cas trouvé d’autres missions à effectuer ; que la société JAM Communication a manqué à son obligation à l’égard de Monsieur X... ; que le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que dès lors que la société JAM Communication se devait de fournir du travail à son salarié, la société JAM Communication ne pouvait se contenter de lui verser, après la rupture des relations avec son client Uppress, le minimum mensuel résultant de l’application en faveur des salariés portés n’ayant pas de mission en cours de l’accord du 15 novembre 2007 de la convention collective des bureaux d’études techniques, soit une somme de 112,20 ¿ brut correspondant à sept heures de travail par mois (101,88 ¿), augmentée de l’indemnité compensatrice de congés payés et de la prime de vacances (11,12 ¿) ; qu’il résulte du contrat de travail du salarié que la rémunération mensuelle brute de Monsieur X... se composait d’une partie fixe et d’une partie variable calculée à partir “du résultat du centre d’activité du “salarié” selon les normes de calcul précisé dans le guide de gestion du centre d’activité” ; que Monsieur X... est bien fondé à solliciter le paiement d’une somme de 26 607,96 ¿ à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à juin 2010, en fonction d’une rémunération moyenne de 4 546,86 ¿ au cours des douze derniers mois effectivement travaillés, outre 2 660,79 ¿ de congés payés afférents ; que, compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise (plus de dix salariés), des circonstances de la rupture, du salaire de référence de 4 546,86 ¿ par mois servi au salarié, de son âge (trente-sept ans au moment du licenciement), de son ancienneté (plus de trois ans), des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer une somme de 30 000 ¿ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail ; que Monsieur X... est encore fondé à réclamer un rappel d’indemnité de licenciement, laquelle doit être calculée, par application de l’article 10 de la convention collective SYNTEC, sur la base de la moyenne des douze derniers mois précédant la rupture, en tenant compte d’une ancienneté de trois ans et huit mois ; que, n’ayant perçu qu’une somme de 3 200 ¿, Monsieur X... est fondé à réclamer un rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement de 2 357,27 ¿ 5 557,27 - 3 200 , le jugement étant infirmé encore sur ce point » ;

ALORS QUE l’économie du portage salarial repose sur le fait que c’est au salarié porté qu’il appartient de trouver des missions auprès d’entreprises clientes ; qu’en conséquence, si le salarié porté est soumis au régime du salariat pour ce qui concerne sa rémunération et ses accessoires, l’entreprise de portage salarial ne saurait être tenue de lui fournir du travail ; qu’en énonçant, pour condamner la société JAM Communication à payer diverses sommes à Monsieur Stéphan X... à titre d’indemnités et de rappel de salaire, que le contrat de portage comporte pour l’employeur l’obligation de fournir du travail au salarié, la Cour d’appel a violé l’article L 1251-64 du Code du travail.
Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 10 septembre 2013