Saisie produit blanchiment et cession à un service de l’Etat

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 5 décembre 2018

N° de pourvoi : 18-81110

ECLI:FR:CCASS:2018:CR02842

Non publié au bulletin

Rejet

M. Soulard (président), président

SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

 La société Entib,

 M. Z... X...,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de VERSAILLES, en date du 6 février 2018, qui, dans l’information suivie contre, la première des chefs de blanchiment en bande organisée, travail dissimulé et recours aux services d’un travailleur dissimulé, le second des chefs d’abus de biens sociaux, faux et usage, travail dissimulé, recours aux services d’un travailleur dissimulé et blanchiment en bande organisée, a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction prescrivant la remise au service des domaines de biens saisis ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 24 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général MORACCHINI ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, 6 de cette Convention, 131-21, 324-9 du code pénal, préliminaire, 99-2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a ordonné la remise au service des domaines en vue de leur affectation à titre gratuit par l’autorité administrative à des services de gendarmerie, en l’espèce le groupement de gendarmerie départementale du Val d’Oise, d’un véhicule Peugeot 508 SW immatriculé [...] et des clefs de ce véhicule ;

”aux motifs que le véhicule Peugeot 508 SW immatriculé [...] et les clefs de ce véhicule ont été placés sous main de justice ; qu’il n’est pas contesté que ces biens sont la propriété de la société Entib ; que la société Entib, par l’intermédiaire de son gérant M. Z... X..., a été, mise en examen pour : - avoir entre le 14 mars 2013 et le 10 mars 2017, à Argenteuil, et dans le Val-d’Oise, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit intentionnellement exercé une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, ou accompli des actes de commerce, en ne procédant pas aux déclarations devant être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale, - avoir entre le 14 mars 2013 et le 10 mars 2017, à Argenteuil, et dans le Val-d’Oise, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit directement ou par personne interposée, eu recours sciemment aux services de sociétés employeurs dissimulant l’emploi de salariés, - avoir entre le 14 mars 2013 et le 10 mars 2017, à Argenteuil, Nanterre, et dans le Val-d’Oise apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct d’un crime ou d’un délit en l’espèce le délit de travail dissimulé, avec cette circonstance que les faits ont été commis en bande organisée ; qu’aux termes de l’article 99-2 alinéa 3 du code de procédure pénale : “Lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien, le juge d’instruction peut également ordonner, sous réserve des droits des tiers, de remettre au service des domaines, en vue de leur affectation à titre gratuit par l’autorité administrative et après que leur valeur a été estimée, à des services de police, des unités de gendarmerie ou des services de l’administration des douanes qui effectuent des missions de police judiciaire, des biens meubles placés sous main de justice, dont la conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et dont la confiscation est prévue par la loi.” ; que la confiscation du véhicule Peugeot 508 SW immatriculé [...] et de la clef de ce véhicule est encourue par la société Entib à titre de peine complémentaire prévue par les articles 131-21 alinéa 6 et 324-7 6° et 12° du code pénal pour l’infraction de blanchiment qui lui est reprochée ; que le maintien de la saisie dudit véhicule ne paraît plus utile à la manifestation de la vérité, qu’il serait de nature à en diminuer la valeur, par l’écoulement du temps ou l’absence d’utilisation ; que le Groupement de Gendarmerie du Val d’Oise qui a procédé à sa saisie, effectue des missions de police judiciaire ; qu’il convient en conséquence de confirmer l’ordonnance entreprise ;

”1°) alors que l’annulation par le Conseil Constitutionnel des dispositions de l’article 99-2, troisième alinéa, du code de procédure pénale, entraînera, par voie de conséquence, l’annulation de l’arrêt attaqué ;

”2°) alors que, l’affectation en vue de son utilisation à titre gratuit au service de gendarmerie qui l’a saisi lors d’une perquisition, d’un véhicule automobile appartenant à une personne qui ne fait l’objet d’aucune condamnation, est contraire à l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

”3°) alors que l’affectation en vue de son utilisation à titre gratuit au service de gendarmerie qui l’a saisi lors d’une perquisition, d’un véhicule automobile appartenant à une personne qui ne fait l’objet d’aucune condamnation, est contraire à l’article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Attendu que, pour refuser aux demandeurs la restitution du véhicule saisi et des clés de contact, et confirmer leur remise au service des domaines en vue de leur affectation à un service effectuant des missions de police judiciaire, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations dépourvues d’insuffisance, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application du 3ème alinéa de l’article 99-2 du code de procédure pénale, qui n’est pas contraire aux dispositions conventionnelles invoquées, dès lors que la confiscation des biens qui sont l’objet ou le produit direct de l’infraction est prévue par la loi, que le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien, qu’il résulte de l’absence de transfert de propriété que le bien saisi, dont l’affectation est ordonnée par le juge compétent, ne doit subir aucune modification, les frais d’entretien et de remise en état étant à la charge du service utilisateur et qu’il peut faire l’objet d’une restitution en cas de non-lieu, relaxe, acquittement ou lorsque la confiscation n’est pas prononcée, assortie, s’il y a lieu, d’une indemnité compensant la perte de valeur qui a pu résulter de l’usage du bien ;

D’où il suit que le moyen, qui pris en sa première branche, est devenu sans objet à la suite de la décision de la Cour de cassation du 12 septembre 2018 disant n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par les demandeurs, ne peut qu’être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq décembre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles , du 6 février 2018