Refus délivrance attestation compte à jour - incompétence référé

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 9 février 2017

N° de pourvoi : 16-11297

ECLI:FR:CCASS:2017:C200168

Publié au bulletin

Rejet

Mme Flise (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ortscheidt, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 27 novembre 2015) qu’à la suite d’un contrôle, l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l’URSSAF) a notifié divers chefs de redressement, dont l’un pour travail dissimulé, à la société SGC (la société), qui a saisi d’une réclamation la commission de recours amiable ; que l’URSSAF ayant, par décisions des 28 août et 8 septembre 2015, refusé de lui délivrer l’attestation prévue par l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale, la société a saisi en référé le président d’une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes tendant à la suspension des refus de délivrance et à la délivrance de l’attestation alors, selon le moyen :

1°/ Que le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ; que l’impossibilité pour une société de poursuivre son activité est constitutive d’un dommage imminent ; qu’en jugeant que « la seule impossibilité de contracter en raison du refus, en vertu des dispositions de l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale et de l’article D. 243-15 du même code, de délivrance de l’attestation de vigilance faute de paiement des sommes appelées au titre du travail dissimulé, infraction contestée devant la commission de recours amiable, ne suffit pas à caractériser le dommage imminent ou le trouble illicite au sens des articles 808 et 809 du code de procédure civile », après avoir constaté « que selon l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale, toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat, dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimal en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de service et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son co-contractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale », la cour d’appel a violé les dispositions de l’article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ Que le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ; que l’existence d’un dommage imminent est indiffèrent au caractère illicite de ce qui en est à l’origine ; qu’en statuant comme elle l’a fait, motifs pris que « les dispositions litigieuses n’ayant pas été déclarées contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, le juge des référés n’est pas fondé à constater un dommage imminent ou bien un trouble manifestement illicite du seul fait de leur mise en œuvre. C’est seulement si l’URSSAF avait commis une erreur manifeste d’appréciation qu’un tel trouble serait susceptible de devoir faire l’objet d’une mesure de cessation ordonnée en référé », la cour d’appel a violé les dispositions de l’article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale que l’attestation de vigilance, qui permet au cocontractant de vérifier que la personne qui exécute ou doit exécuter un contrat portant sur l’exécution d’un travail, la fourniture d’une prestation de services ou un acte de commerce, est à jour de ses obligations auprès des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales, ne peut être délivrée à la personne qui conteste par recours contentieux, sans les acquitter, les cotisations et contributions qui lui sont réclamées à la suite d’une verbalisation pour travail dissimulé ; que l’impossibilité de contracter dans laquelle se trouve cette personne est une conséquence de l’application de la loi et que le juge du référé du contentieux général de la sécurité sociale, saisi d’une contestation du refus de délivrance de ladite attestation par un employeur faisant l’objet d’un redressement pour travail dissimulé, n’a le pouvoir de prendre les mesures propres à prévenir l’imminence du dommage qu’il constate que si la décision de redressement lui paraît manifestement infondée ;

Et attendu qu’il résulte de l’arrêt que l’employeur ne contestait devant le juge des référés ni la régularité de la procédure ayant abouti à la notification du redressement, ni le redressement lui-même ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société SGC aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société SGC et la condamne à payer à l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société SGC

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir dit la société SGC mal-fondée en sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à l’URSSAF Nord-Pas-de-Calais de délivrer l’attestation de vigilance, sous astreinte, et de suspension des mesures prises par l’URSSAF Nord-Pas-de-Calais de refus de délivrance de cette attestation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le juge des référés peut dans tous les cas d’urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ; qu’il peut également toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que selon l’article L243-15 du Code de la sécurité sociale, toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat, dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimal en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de service et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son co-contractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale ; que cette attestation est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d’exigibilité et, le cas échéant, qu’elle a souscrit et respecte un plan d’apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l’exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé ; que dans ce cadre, l’article D243-15 du même code précise que « la contestation des cotisations et contributions dues devant les juridictions de l’ordre judiciaire ne fait pas obstacle à la délivrance de l’attestation toutefois, l’attestation ne peut pas être délivrée quand la contestation fait suite à une verbalisation pour travail dissimulé » ; que la société indique que le rappel litigieux est consécutif à des opérations de contrôle effectuées le 24 février 2015 sur un chantier de construction de 10 logements à Barlin (62), au cours desquelles quatre salariés ont déclaré être « employés pour la société SGC » tandis que le responsable de la société SAD CONSTRUCTION déclarait être leur employeur ; que rappelant qu’en application des dispositions ci-dessus rappelées de l’article L243-15 du Code de la sécurité sociale, l’attestation de vigilance est délivrée si la personne acquitte les cotisations et contributions à leur date normale d’exigibilité, ce qui est son cas pour les charges normalement appelées, soulignant son caractère dissuasif au regard des sanctions encourues par le co-contractant, elle fait valoir que le refus de délivrance empêche la société de poursuivre son exploitation alors même qu’elle a entrepris de contester l’infraction de travail dissimulé, de sorte que les dispositions législatives litigieuses, de surcroît telles qu’interprétées par la circulaire interministérielle du 16 novembre 2012, portent atteinte à la liberté d’entreprendre et au principe de la présomption d’innocence ; que seule la possibilité de recourir à justice a justifié, ajoute-t-elle, le refus de la Cour de cassation de transmettre au Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité dont elle avait été saisie, relative aux dispositions législatives précitées ; qu’aussi, devant le Juge des référés, elle soutient que le refus de l’organisme de recouvrement est de nature à provoquer un dommage imminent à raison d’une décision prise au visa d’un texte illégal ; que les dispositions litigieuses n’ayant pas été déclarées contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, le juge des référés n’est pas fondé à constater un dommage imminent ou bien un trouble manifestement illicite du seul fait de leur mise en oeuvre ; que c’est seulement si l’URSSAF avait commis une erreur manifeste d’appréciation qu’un tel trouble serait susceptible de devoir faire l’objet d’une mesure de cessation ordonnée en référé ; qu’il résulte de la lettre d’observations que l’Inspecteur du recouvrement, dans le cadre des opérations de contrôle sur le chantier de construction à Barlin, a réuni plusieurs éléments (déclarations spontanées des salariés au moment du contrôle, examen des déclarations annuelles des données sociales, absence de demande d’attestation de vigilance pour l’activité d’un soustraitant SAD CONSTRUCTION, absence d’information du maître d’ouvrage du recours à la sous-traitance, absence de trace d’autre activité de la part de SAD CONSTRUCTIONS que celle de fourniture de main d’oeuvre à la société, société ayant elle-même largement éludé l’obligation de déclaration et de paiement aux organismes sociaux, analyse des mouvements bancaires, des relations effectives entre les sociétés, dirigeants et salariés transitant d’une société à l’autre) propres à démontrer la commission de l’infraction de travail dissimulé ; qu’au regard des usages en vigueur dans le domaine du BTP, l’Inspecteur du recouvrement a évalué à 836.920 € le montant de l’assiette de cotisations dissimulée ; que la Cour constate par ailleurs que la société ne soulève aucun moyen tendant à contester l’existence même de l’infraction ; qu’or, la seule impossibilité de contracter en raison du refus, en vertu des dispositions de l’article L243-15 du Code de la sécurité sociale et de l’article D243-15 du même code, de délivrance de l’attestation de vigilance faute de paiement des sommes appelées au titre du travail dissimulé, infraction contestée devant la commission de recours amiable, ne suffit pas à caractériser le dommage imminent ou le trouble illicite au sens des articles 808 et 809 du Code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’aux termes de l’article R142-21-1 du Code de la Sécurité Sociale, dans tous les cas d’urgence, le Président du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale peut, dans les limites de la compétence dudit tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ; que le Président du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale peut, dans les mêmes limites, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ; qu’il convient en premier lieu de relever que les prétentions respectives des parties, tendant, pour l’une à l’annulation des décisions de refus de délivrance de l’attestation de vigilance et pour l’autre à la confirmation de ces décisions, constituent des demandes au fond qui excèdent les pouvoirs du juge des référés et qu’il convient par conséquent de déclarer irrecevables ; que selon l’article L243-15 alinéas 1 et 2 du Code de la Sécurité Sociale, toute personne est tenue de vérifier, lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimal en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L213-1, L611-8, L752-1 du même code et L723-3 du Code Rural et de la Pêche Maritime ; que cette attestation est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d’exigibilité et, le cas échéant, qu’elle a souscrit et respecte un plan d’apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l’exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé ; qu’en l’espèce, l’URSSAF verse aux débats le procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé dressé le 24 février 2015 et clôturé le 16 juin 2015, qu’elle a remis au parquet de Béthune le 25 juin 2015 ; que dès lors qu’aucune violation par l’organisme social des dispositions légales susmentionnées n’est alléguée, ni a fortiori démontrée par la SARL SGC, il ne peut être fait droit, y compris à titre de mesure provisoire, à sa demande tendant à ce qu’il soit fait injonction à l’URSSAF de lui délivrer l’attestation de vigilance ; que la SARL SGC, qui succombe en ses prétentions, sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de Procédure civile ;

1°) ALORS QUE le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ; que l’impossibilité pour une société de poursuivre son activité est constitutive d’un dommage imminent ; qu’en jugeant que « la seule impossibilité de contracter en raison du refus, en vertu des dispositions de l’article L. 243-15 du Code de la sécurité sociale et de l’article D. 243-15 du même code, de délivrance de l’attestation de vigilance faute de paiement des sommes appelées au titre du travail dissimulé, infraction contestée devant la commission de recours amiable, ne suffit pas à caractériser le dommage imminent ou le trouble illicite au sens des articles 808 et 809 du Code de procédure civile », après avoir constaté « que selon l’article L. 243-15 du Code de la sécurité sociale, toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat, dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimal en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de service et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son co-contractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale », la cour d’appel a violé les dispositions de l’article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QUE le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ; que l’existence d’un dommage imminent est indiffèrent au caractère illicite de ce qui en est à l’origine ; qu’en statuant comme elle l’a fait, motifs pris que « les dispositions litigieuses n’ayant pas été déclarées contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, le juge des référés n’est pas fondé à constater un dommage imminent ou bien un trouble manifestement illicite du seul fait de leur mise en oeuvre. C’est seulement si l’URSSAF avait commis une erreur manifeste d’appréciation qu’un tel trouble serait susceptible de devoir faire l’objet d’une mesure de cessation ordonnée en référé », la cour d’appel a violé les dispositions de l’article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale.

Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Douai , du 27 novembre 2015