Refus injustifié délivrance attestation compte à jour - après relaxe oui

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 4 avril 2019

N° de pourvoi : 18-14143

ECLI:FR:CCASS:2019:C200467

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Flise (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 23 janvier 2018), que l’URSSAF de Rhône-Alpes (l’URSSAF) a notifié un redressement pour travail dissimulé à la société XPO Transport solutions Rhône-Alpes France (la société) à la suite d’une procédure pénale diligentée à son encontre ; que la société a saisi d’une réclamation la commission de recours amiable ; que l’URSSAF lui ayant, par lettre du 29 janvier 2016, fait connaître que l’attestation prévue par l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale lui avait été délivrée à tort et qu’elle ne pourrait pas s’en prévaloir pour obtenir une nouvelle attestation lorsque sa validité serait expirée, la société a saisi en référé une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que l’URSSAF fait grief à l’arrêt de lui ordonner de délivrer à la société l’attestation de vigilance jusqu’à ce que la juridiction pénale se soit définitivement prononcée sur sa culpabilité du chef de travail dissimulé, de donner acte à la société qu’à défaut de délivrance de l’attestation de vigilance, elle solliciterait devant la juridiction compétente l’entière réparation du préjudice représentant la totalité des pertes de marchés dues à l’impossibilité de présenter à ses donneurs d’ordre l’attestation de vigilance et de la condamner à payer à la société une certaine somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ que l’attestation de vigilance ne peut être délivrée à la personne qui conteste par recours contentieux, sans les acquitter, les cotisations et contributions qui lui sont réclamées à la suite d’une verbalisation pour travail dissimulé ; que l’impossibilité de contracter dans laquelle se trouve cette personne est une conséquence de l’application de la loi ; qu’il s’ensuit que le juge des référés ne peut ordonner à l’URSSAF de délivrer à l’employeur une attestation de vigilance que si ce dernier conteste utilement le redressement pour travail dissimulé dont il a fait l’objet et établit que celui-ci est manifestement infondé ; que la relaxe prononcée au pénal ne permet pas de faire exception à ce principe dès lors que l’URSSAF a procédé à une verbalisation et à un tel redressement sur le fondement d’un contrôle mené de manière classique en marge des procédures administrative et pénale ; qu’en l’espèce, l’URSSAF Rhône-Alpes a procédé à un redressement pour travail dissimulé non en se bornant à exploiter les données provenant de l’enquête menée par d’autres autorités administratives mais, informée de cette enquête, en menant un contrôle classique sur le fondement des articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale ; que c’est en vertu de ce contrôle que l’URSSAF a conclu à un travail dissimulé et a décidé le redressement ; qu’afin d’obtenir du juge des référés qu’il contraigne l’URSSAF à lui délivrer l’attestation de vigilance, la société XPO Transport solutions Rhône-Alpes s’est bornée à soutenir que, par jugement du 26 mai 2016, le tribunal correctionnel de Valence l’a relaxée du chef des poursuites de travail dissimulé par dissimulation d’emploi sans pour autant contester le redressement décidé par l’URSSAF ; qu’en se bornant à considérer cette relaxe au pénal sans rechercher si le redressement décidé par l’URSSAF, qui en soi valait verbalisation, était manifestement infondé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ qu’en tout état de cause l’autorité de chose jugée, en matière pénale, n’intervient que lorsque les voies de recours sont épuisées ; qu’aussi, seule la relaxe devenue irrévocable, par épuisement des voies de recours, peut justifier que l’URSSAF soit condamnée en référé à délivrer l’attestation de vigilance en dépit d’une verbalisation pour travail dissimulé ; qu’en l’espèce, la cour a considéré que la société XPO pouvait obtenir du juge des référés qu’il ordonne à l’URSSAF de lui délivrer ladite attestation dès lors que, par jugement du 26 mai 2016, le tribunal correctionnel de Valence a prononcé la relaxe du chef de travail dissimulé, l’appel interjeté par le parquet ne remettant pas en cause cette décision du fait de son effet suspensif (sic !) ; qu’en statuant ainsi, tandis que le jugement de relaxe n’avait pas acquis autorité de chose jugée tant qu’il n’avait pas été confirmé par la cour d’appel de Grenoble et était de ce fait devenu irrévocable, la cour a violé les articles R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale et 1351 devenu 1355 du code civil ;

3°/ que de même seule la remise en cause de la verbalisation pour travail dissimulé est de nature à justifier la délivrance de l’attestation de vigilance nonobstant le non-paiement des cotisations dues et l’absence de contestation du redressement ; que, ne portant que sur la condamnation, la relaxe au pénal du chef de l’infraction de travail dissimulé ne vaut pas remise en cause de la verbalisation proprement dite ; qu’en l’espèce, l’urssaf exposait en cause d’appel que le tribunal correctionnel, dans sa décision du 5 mai 2015, n’avait pas déclaré nulle et non avenue toute la procédure pénale n° 1580/2011 mais avait au contraire listé avec précision les éléments de procédure frappés de nullité ; qu’ainsi, seuls les procès-verbaux découlant des perquisitions diligentées sur autorisation du président du tribunal de grande instance délivrée à compter du 30 mai 2012 étaient annulés ; qu’il en résultait que les procès-verbaux antérieurs à cette date, notamment ceux établis par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et la police aux frontières (PAF), ainsi que ceux de certaines auditions demeuraient valides ; qu’en considérant cependant que cette relaxe, en soi, suffisait à justifier le référé, sans faire le départ entre cette relaxe et la verbalisation non remise en cause, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que l’URSSAF est en droit, sans causer un trouble manifestement illicite ni être la cause d’un dommage imminent, de refuser de délivrer l’attestation de vigilance à la société qui a été verbalisée pour travail dissimulé et s’est vue, parallèlement, notifier un redressement à ce titre tout en refusant de payer les sommes lui étant réclamées et tout en s’abstenant de le contester de manière utile ; qu’en considérant que le refus de délivrance de l’URSSAF constituait un trouble manifestement illicite et était à l’origine d’un dommage imminent en ce qu’elle porterait une atteinte disproportionnée à la présomption d’innocence, tandis que la société XPO Transports solutions avait été verbalisée et faisait l’objet d’un redressement décidé par l’URSSAF en marge des procédures pénale et administrative sans utilement contester celui-ci ni acquitter les sommes réclamées dans ce cadre, la cour d’appel a violé l’article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu’ayant énoncé que la décision relaxant la société des fins de la poursuite du chef de travail dissimulé devait continuer à être tenue pour acquise tant qu’elle n’avait pas été infirmée ou annulée, la cour d’appel statuant en référé en a exactement déduit, sans avoir à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, que le refus de l’URSSAF de délivrer à cette société l’attestation de délivrance portait une atteinte disproportionnée à la présomption d’innocence, de sorte qu’il existait un trouble manifestement illicite auquel il convenait de mettre fin ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l’URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l’URSSAF de Rhône-Alpes

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir ordonné à l’URSSAF Rhône-Alpes de délivrer à la société XPO Transport Solutions Rhône-Alpes l’attestation de vigilance jusqu’à ce que la juridiction pénale se soit définitivement prononcée sur la culpabilité de la société du chef de travail dissimulé, d’avoir donné acte à la société XPO Transport Solutions Rhône-Alpes qu’à défaut de délivrance de l’attestation de vigilance, elle solliciterait devant la juridiction compétente l’entière réparation du préjudice représentant la totalité des pertes de marchés dues à l’impossibilité de présenter à ses donneurs d’ordre l’attestation de vigilance et d’avoir condamné l’URSSAF Rhône-Alpes à payer à la société XPO Transport Solutions Rhône-Alpes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « conformément à l’article R. 142-21-1, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal des affaires de sécurité sociale peut, dans les limites de la compétence dudit tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Il peut, dans les mêmes limites, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. En l’espèce, la société XPO Transport Solutions Rhône-Alpes a saisi le président du tribunal des affaires de sécurité sociale en référé, aux fins que soit ordonnée la délivrance par l’URSSAF de l’attestation de vigilance prévue à l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale, lequel dispose que « toute personne vérifie, lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimal en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code et L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime. Cette attestation est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d’exigibilité et, le cas échéant, qu’elle a souscrit et respecte un plan d’apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l’exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé. » Elle expose que, nonobstant la décision de relaxe intervenue, l’URSSAF refuse de lui délivrer l’attestation, et ce en invoquant les dispositions de l’article D 243-15 du même code qui précise : « La contestation des cotisations et contributions dues devant les juridictions de l’ordre judiciaire ne fait pas obstacle à la délivrance de l’attestation. Toutefois, l’attestation ne peut pas être délivrée quand la contestation fait suite à une verbalisation pour travail dissimulé. » Elle estime en effet que le refus opposé par l’URSSAF constitue ici une sanction punitive relevant de la matière pénale et que, au regard de la décision de relaxe, l’URSSAF doit démontrer l’existence du travail dissimulé. Or, non seulement l’URSSAF ne peut invoquer les pièces annulées, mais encore elle ne produit aucune pièce, de sorte que la présomption d’innocence s’oppose dès lors à ce qu’elle invoque la verbalisation pour s’opposer à la délivrance de l’attestation. Elle indique ensuite que la présomption légale de non-salariat doit lui bénéficier concernant les salariés conducteurs employés par les sociétés sous-traitantes, dont il est démontré qu’elles respectent les règles du cabotage sur le territoire français. Elle estime donc qu’aucune contestation sérieuse ne peut faire obstacle dans ces conditions à la délivrance de l’attestation, peu important en effet que le jugement du tribunal de Valence l’ayant relaxée du chef des poursuites de travail dissimulé par dissimulation d’emploi ne soit pas définitif, rien n’empêchant en effet l’URSSAF de la délivrer jusqu’à décision définitive sur le travail dissimulé. Elle ajoute au surplus que l’article 506 du code de procédure pénale ne saurait neutraliser ou même minorer la portée d’une décision de relaxe, celle-ci devant, au contraire, continuer à être tenue pour acquise tant qu’elle n’a pas été infirmée ou annulée, de sorte que l’effet suspensif de l’appel n’affecte pas la décision de relaxe lui ayant bénéficié. Elle ajoute encore que l’URSSAF ne verse aux débats aucun élément de nature à renverser la présomption de non-salariat. Elle estime ensuite que la question de la conventionnalité de l’article R. 243-15 du code de la sécurité sociale se pose au regard des dispositions de l’article 6 de la cedh. En effet, si la Cour de cassation a refusé de transmettre une qpc sur ce point au Conseil constitutionnel, elle a précisé que ce texte ne constituait pas une atteinte disproportionné à la présomption d’innocence dès lors qu’un recours, y compris en référé, pouvait, vu l’urgence, permettre de soumettre la question de la proportionnalité aux juridictions. Elle estime donc que ce texte porte atteinte à la présomption d’innocence, en ce qu’il ne répond pas aux exigences posées par la cedh et que le premier juge aurait dû répondre à la question de la proportionnalité qu’elle lui a posée. Enfin, elle soutient que l’application de ce texte lui cause un dommage imminent en ce que la non-remise de l’attestation de vigilance l’empêche de conclure des contrats. Elle soutient qu’en 2014/2015, son chiffre d’affaires a baissé et qu’elle a perdu des marchés. L’URSSAF s’oppose à cette argumentation et soutient : - qu’il y a bien eu verbalisation, les procès-verbaux n’ayant pas en outre été annulés en ce qui concerne la constatation du lien de subordination entre XPO et les chauffeurs employés par des sociétés sous-traitantes qui sont des coquilles vides, - que les chauffeurs visés par la procédure sont identifiés, - que les actes annulés sont antérieurs au 1er janvier 2015 de sorte qu’ils n’auraient pas dû être annulés, - que la décision pénale n’est pas définitive puisqu’un appel est pendant. L’URSSAF soutient donc que, en vertu de l’article R. 243-15 sus-mentionné, la délivrance de l’attestation de vigilance ne peut intervenir, la verbalisation pour travail dissimulé étant bien intervenue. Elle estime donc qu’une contestation sérieuse s’oppose à cette délivrance. Elle estime ensuite qu’il n’existe ni trouble manifestement illicite ni dommage imminent, d’une part, car la non-délivrance peut être contestée en référé, d’autre part car, sans illégalité, la société XPO pouvait conclure des contrats. En l’espèce, et d’abord, il apparaît que la société XPO Transport Solutions Rhône-Alpes estime que le refus de l’URSSAF de délivrer l’attestation de vigilance est abusif dès lors qu’ayant été relaxée des chefs de la poursuite de travail dissimulé, il n’existe aucune contestation sérieuse tirée de l’existence de la procédure pénale pendante devant la cour d’appel de Grenoble permettant de s’opposer à cette délivrance. Il apparaît en effet que la décision ayant relaxé la société XPO Transport Solutions Rhône-Alpes, du chef des poursuites de travail dissimulé par dissimulation d’emploi, ne permet pas de fonder la contestation sérieuse alléguée par l’URSSAF dès lors que l’effet suspensif de l’appel ne peut affecter cette décision, celle-ci devant, au contraire, continuer à être tenue pour acquise tant qu’elle n’a pas été infirmée ou annulée. Cette décision intervenue sur la partie de la procédure non annulée doit donc permettre à la société requérante de solliciter la délivrance de l’attestation de [vigilance] sans que puisse lui être opposée une contestation sérieuse tirée de l’appel interjeté à son encontre. Ensuite, sur le trouble illicite et le dommage imminent, il convient de rappeler que la Cour de cassation, saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale, a refusé de transmettre cette question, l’estimant non sérieuse, au Conseil constitutionnel et a rappelé que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; que la disposition contestée, qui a pour objet de lutter contre le travail clandestin, ne méconnaît pas ce principe en distinguant entre les entreprises, selon qu’elles n’ont pas été verbalisées pour travail dissimulé ; qu’au regard du but d’intérêt général poursuivi par le législateur, elle ne porte pas davantage atteinte disproportionnée à la présomption d’innocence, à la liberté d’entreprendre ainsi qu’au principe de sécurité juridique, dès lors que le refus de délivrance peut être contesté, y compris par voie de référé, devant le juge du contentieux général de la sécurité sociale ». Dès lors qu’une décision de relaxe est intervenue dans les conditions rappelées ci-dessus, le refus de l’urssaf de délivrer à la société XPO Transport Solutions Rhône-Alpes l’attestation de [vigilance], porte une atteinte disproportionnée à la présomption d’innocence. Ce refus constitue bien pour la société appelante un trouble manifestement illicite. Enfin, sur l’existence d’un dommage imminent et sur l’urgence alléguée par la société XPO Transport Solutions Rhône-Alpes pour obtenir l’attestation, il apparaît que, au regard de cette décision de relaxe, cette société est bien fondée à alléguer non seulement l’urgence pour elle à se voir délivrer l’attestation mais encore le dommage imminent résultant de sa non-délivrance, en terme économique. Il convient en conséquence d’infirmer la décision déférée et d’ordonner à l’URSSAF Rhône-Alpes de délivrer à la société XPO Transport Solutions Rhône-Alpes l’attestation de vigilance jusqu’à ce que la juridiction pénale se soit définitivement prononcée sur la culpabilité de la société du chef de travail dissimulé et de lui donner acte qu’à défaut de délivrance de l’attestation de vigilance, elle sollicitera devant la juridiction compétente l’entière réparation du préjudice représentant la totalité des pertes de marchés dues à l’impossibilité de présenter à ses donneurs d’ordre l’attestation de vigilance » ;

1°) ALORS QUE l’attestation de vigilance ne peut être délivrée à la personne qui conteste par recours contentieux, sans les acquitter, les cotisations et contributions qui lui sont réclamées à la suite d’une verbalisation pour travail dissimulé ; que l’impossibilité de contracter dans laquelle se trouve cette personne est une conséquence de l’application de la loi ; qu’il s’ensuit que le juge des référés ne peut ordonner à l’URSSAF de délivrer à l’employeur une attestation de vigilance que si ce dernier conteste utilement le redressement pour travail dissimulé dont il a fait l’objet et établit que celui-ci est manifestement infondé ; que la relaxe prononcée au pénal ne permet pas de faire exception à ce principe dès lors que l’URSSAF a procédé à une verbalisation et à un tel redressement sur le fondement d’un contrôle mené de manière classique en marge des procédures administrative et pénale ; qu’en l’espèce, l’URSSAF Rhône-Alpes a procédé à un redressement pour travail dissimulé non en se bornant à exploiter les données provenant de l’enquête menée par d’autres autorités administratives mais, informée de cette enquête, en menant un contrôle classique sur le fondement des articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale ; que c’est en vertu de ce contrôle que l’URSSAF a conclu à un travail dissimulé et a décidé le redressement ; qu’afin d’obtenir du juge des référés qu’il contraigne l’URSSAF à lui délivrer l’attestation de vigilance, la société XPO Transport Solutions Rhône-Alpes s’est bornée à soutenir que, par jugement du 26 mai 2016, le tribunal correctionnel de Valence l’a relaxée du chef des poursuites de travail dissimulé par dissimulation d’emploi sans pour autant contester le redressement décidé par l’URSSAF ; qu’en se bornant à considérer cette relaxe au pénal sans rechercher si le redressement décidé par l’URSSAF, qui en soi valait verbalisation, était manifestement infondé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE l’autorité de chose jugée, en matière pénale, n’intervient que lorsque les voies de recours sont épuisées ; qu’aussi, seule la relaxe devenue irrévocable, par épuisement des voies de recours, peut justifier que l’URSSAF soit condamnée en référé à délivrer l’attestation de vigilance en dépit d’une verbalisation pour travail dissimulé ; qu’en l’espèce, la cour a considéré que la société XPO pouvait obtenir du juge des référés qu’il ordonne à l’URSSAF de lui délivrer ladite attestation dès lors que, par jugement du 26 mai 2016, le tribunal correctionnel de Valence a prononcé la relaxe du chef de travail dissimulé, l’appel interjeté par le Parquet ne remettant pas en cause cette décision du fait de son effet suspensif (sic !) ; qu’en statuant ainsi, tandis que le jugement de relaxe n’avait pas acquis autorité de chose jugée tant qu’il n’avait pas été confirmé par la cour d’appel de Grenoble et était de ce fait devenue irrévocable, la cour a violé les articles R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale et 1351 devenu 1355 du code civil ;

3°) ALORS de même QUE seule la remise en cause de la verbalisation pour travail dissimulé est de nature à justifier la délivrance de l’attestation de vigilance nonobstant le non-paiement des cotisations dues et l’absence de contestation du redressement ; que, ne portant que sur la condamnation, la relaxe au pénal du chef de l’infraction de travail dissimulé ne vaut pas remise en cause de la verbalisation proprement dite ; qu’en l’espèce, l’urssaf exposait en cause d’appel que le tribunal correctionnel, dans sa décision du 5 mai 2015, n’avait pas déclaré nulle et non avenue toute la procédure pénale n° 1580/2011 mais avait au contraire listé avec précision les éléments de procédure frappés de nullité ; qu’ainsi, seuls les procès-verbaux découlant des perquisitions diligentées sur autorisation du président du tribunal de grande instance délivrée à compter du 30 mai 2012 étaient annulés ; qu’il en résultait que les procès-verbaux antérieurs à cette date, notamment ceux établis par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et la police aux frontières (PAF), ainsi que ceux de certaines auditions demeuraient valides ; qu’en considérant cependant que cette relaxe, en soi, suffisait à justifier le référé, sans faire le départ entre cette relaxe et la verbalisation non remise en cause, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) ALORS QUE l’URSSAF est en droit, sans causer un trouble manifestement illicite ni être la cause d’un dommage imminent, de refuser de délivrer l’attestation de vigilance à la société qui a été verbalisée pour travail dissimulé et s’est vue, parallèlement, notifier un redressement à ce titre tout en refusant de payer les sommes lui étant réclamées et tout en s’abstenant de le contester de manière utile ; qu’en considérant que le refus de délivrance de l’URSSAF constituait un trouble manifestement illicite et était à l’origine d’un dommage imminent en ce qu’elle porterait une atteinte disproportionnée à la présomption d’innocence, tandis que la société XPO Transports Solutions avait été verbalisée et faisait l’objet d’un redressement décidé par l’urssaf en marge des procédures pénale et administrative sans utilement contester celui-ci ni acquitter les sommes réclamées dans ce cadre, la cour d’appel a violé l’article R. 142-21-1 du code de la sécurité sociale.

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 23 janvier 2018