Détermination de la prescription pertinente : triennale ou quinquennale

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 23 janvier 2020

N° de pourvoi : 18-26340

ECLI:FR:CCASS:2020:C200074

Non publié au bulletin

Cassation

M. Pireyre (président), président

SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 2

IK

COUR DE CASSATION


Audience publique du 23 janvier 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 74 F-D

Pourvoi n° C 18-26.340

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2020

La caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) de Franche Comté, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 18-26.340 contre l’arrêt rendu le 23 octobre 2018 par la cour d’appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Faivre, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La société Faivre a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole Franche Comté, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Faivre, et l’avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la caisse de la mutualité sociale agricole de Franche Comté (la caisse) a notifié, le 13 octobre 2015, à la société Faivre (la société) un redressement de cotisations sociales portant sur les années 1997 à 2013, fondé sur le procès-verbal d’un inspecteur du travail établi le 4 février 2013 constatant le travail dissimulé par dissimulation d’heures de travail d’un salarié embauché à temps partiel ; que la société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour dire la caisse recevable à agir pour les cotisations postérieures au 1er janvier 2008 et condamner la société au paiement des cotisations dues entre 2008 et 2013, l’arrêt retient qu’il résulte de l’application combinée des articles L. 725-7 du code rural et de la pêche maritime et L. 244-3 du code de la sécurité sociale que les actions résultant du recouvrement de cotisations dues en cas de fraude ou de fausses déclarations se prescrivent par cinq ans à compter de la mise en demeure et que le délai de prescription court à compter du jour où l’organisme social a eu connaissance du travail dissimulé ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société qui faisait valoir qu’il lui était uniquement reproché d’avoir conclu avec le salarié un contrat de travail ne comportant aucune indication horaire et aucune mention obligatoire spécifique au contrat de travail à temps partiel et que le parquet de Vesoul ne l’avait pas poursuivie pour le délit de travail dissimulé et avait classé la procédure sans suite après notification d’un simple rappel à la loi pour la seule période du 1er juillet au 18 juillet 2012, pour en déduire que la fraude ou la fausse déclaration n’étant pas caractérisée à son encontre, il ne pouvait être fait application d’une prescription autre que la prescription triennale des cotisations sociales prévue à l’article L. 725-7 du code rural et de la pêche maritime, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Dijon ;

Condamne la caisse de mutualité sociale agricole de Franche Comté aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de mutualité sociale agricole de Franche Comté et la condamne à payer à la société Faivre la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la caisse de mutualité sociale agricole de Franche Comté

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé la décision de la commission de recours amiable du 16 mars 2016 en ce qu’elle avait maintenu l’intégralité du redressement opéré à l’encontre de la société Faivre, et d’avoir condamné la société Faivre à payer à la CMSA de Franche-Comté la seule somme de 45.951,97 euros, au titre des cotisations dues entre 2008 et le premier trimestre 2013 ;

AUX MOTIFS QUE, sur la prescription, il résulte de l’application combinée des article L. 725-5 du code rural et de la pêche maritime et de l’article L.244-3 du code de la sécurité sociale que les actions résultant du recouvrement de cotisations dues suite à un cas de fraude ou de fausses déclarations se prescrivent par cinq ans à compter de la mise en demeure ; qu’il est de jurisprudence constante que le délai de prescription court à compter du jour où l’organisme social a eu connaissance du travail dissimulé ; que contrairement à ce que prétend la mutualité sociale agricole de Franche-Comté, celle-ci ne peut, dès lors qu’elle n’a eu connaissance de la fraude reprochée à la société Faivre que par procès-verbal du 4 février 2013 et à défaut de dispositions spéciales prévoiraient un autre délai de prescription en cas de fraude pour les cotisations de nature agricole, procéder au redressement des cotisations exigibles qu’au cours des cinq années civiles précédant l’année du redressement ainsi que les cotisations exigibles au cours de l’année de ce dernier conformément à l’article L. 244-3 susvisé ; qu’il convient en conséquence de déclarer l’action de la mutualité sociale agricole de Franche-Comté prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2008 et de dire que l’action n’est recevable que pour les cotisations exigibles au cours des années 2008 à 2013 ;

ALORS QUE si les cotisations dues au titre des régimes de protection sociale agricole, et les pénalités de retard y afférentes, se prescrivent en principe par trois ans à compter de l’expiration de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues, il n’en va pas de même en cas de fraude ou de fausse déclaration ; que les cas de fraude ou de fausse déclaration ont été expressément exclus par le législateur du champ de la prescription triennale, sans renvoi vers les dispositions du code de la sécurité sociale ; qu’ainsi, en cas de fraude ou de fausse déclaration, il y a lieu d’appliquer la prescription civile de droit commun pour le recouvrement des cotisations sociales agricoles ; qu’en l’espèce, pour déclarer l’action de la CMSA de Franche-Comté prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2008, la cour d’appel a jugé qu’à défaut de dispositions spéciales qui prévoiraient un autre délai de prescription en cas de fraude pour les cotisations de nature agricole, la caisse ne pouvait procéder au redressement que des cotisations exigibles au cours des cinq années civiles précédant l’année du redressement ainsi que les cotisations exigibles au cours de l’année de ce dernier conformément à l’article L. 244-3 du code de la sécurité sociale ; que l’application des règles de la prescription civile de droit commun permettait pourtant à la caisse de recouvrer les cotisations dues dans la limite de vingt ans à compter de la naissance du droit ; qu’ainsi, la cour d’appel a violé ce texte, l’article L. 725-7 du code rural et de la pêche maritime dans sa version en vigueur au moment du litige, et les articles 2224 et 2232 du code civil.

Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Faivre

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir d’avoir condamné la société Faivre à payer à la CMSA de Franche-Comté la seule somme de 45.951,97 euros, au titre des cotisations dues entre 2008 et le premier trimestre 2013 ;

AUX MOTIFS QU’il résulte de l’application combinée des articles L. 725-7 du code rural et L. 244-3 du code de la sécurité sociale que les actions résultant du recouvrement de cotisations dues suite à un cas de fraude ou de fausses déclarations se prescrivent par cinq ans à compter de la mise en demeure ; qu’il est de jurisprudence constante que le délai de prescription court à compter du jour où l’organisme social a eu connaissance du travail dissimulé ; que contrairement à ce que prétend la Mutualité sociale agricole de Franche-Comté, celle-ci ne peut, dès lors qu’elle n’a eu connaissance de la fraude reprochée à la S.AS. FAIVRE que par procès-verbal du 4 février 2013 et à défaut de dispositions spéciales qui prévoiraient un autre délai de prescription en cas de fraude pour les cotisations de nature agricole. procéder au redressement des cotisations exigibles qu’au cours des cinq années civiles précédant l’année du redressement ainsi que des cotisations exigibles au cours de l’année de ce dernier conformément à l’article L. 244-3 susvisé ; qu’il convient en conséquence de déclarer l’action de la Mutualité sociale agricole de Franche-Comté prescrite pour la période antérieure au 1 er janvier 2008 et de dire que l’action n’est recevable que pour les cotisations exigibles au cours des années 2008 à 2013 ;

ALORS QUE sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, les cotisations dues au titre des régimes de protection sociale agricole, et les pénalités de retard y afférentes, se prescrivent en principe par trois ans à compter de l’expiration de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues ; qu’en l’espèce, la société Faivre faisait valoir qu’il lui était uniquement reproché d’avoir conclu avec M. Y... un contrat de travail ne comportant aucune indication horaire et aucune mention obligatoire spécifique au contrat de travail à temps partiel ; qu’en outre, le Parquet de Vesoul ne l’avait pas poursuivie du délit de travail dissimulé et avait classé la procédure sans suite après notification d’un rappel à la loi pour la seule période du 1er juillet au 18 juillet 2012 ; que la société Faivre en déduisait qu’il ne pouvait lui être reproché la moindre fraude ou fausse déclaration de nature à modifier la prescription triennale applicable ; qu’en faisant péremptoirement application de la prescription quinquennale applicable en cas de fraude ou de fausse déclaration, sans répondre au chef de conclusions de la société Faivre, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Besançon , du 23 octobre 2018