Suite contrôle - article L.8271-1 du code du travail dérogatoire à article R.243-59 du css

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 31 mai 2018

N° de pourvoi : 17-18584

ECLI:FR:CCASS:2018:C200756

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Flise (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l’article R. 243-59, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu que les dispositions de ce texte ne sont pas applicables aux opérations ayant pour objet la recherche et la constatation d’infractions constitutives de travail illégal, engagées sur le fondement des articles L. 8271-1 et suivants du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt et les productions, qu’à la suite d’un rapport dressé par un contrôleur des transports terrestres concernant une entreprise « Transports Bernard », le procureur de la République de Strasbourg a ordonné une enquête confiée à la gendarmerie de [...], mettant en cause la société Bick BH (la société), dans l’exécution d’un travail dissimulé ; que l’URSSAF d’Alsace (l’URSSAF), qui a reçu communication de la procédure, a procédé à un contrôle de la société, suivi de la notification d’un redressement ; que cette société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour annuler le redressement, après avoir rappelé que dans le cadre de la recherche et de la constatation des infractions de travail dissimulé, l’URSSAF n’est pas tenue de respecter la procédure prévue à l’article R. 243-59, l’arrêt retient que le contrôleur des transports terrestres est intervenu auprès de l’entreprise Transports Bernard ; qu’à l’occasion de ce contrôle et de l’audition de M. Z..., la société a été mise en cause au titre d’un travail dissimulé et entendue par les gendarmes à la demande du procureur de la République ; que les dispositions dérogatoires de l’article R. 243-59 précité n’étaient pas applicables à la société en l’absence de contrôle inopiné effectué à son encontre ; qu’au jour de la lettre d’observations datée du 19 juillet 2012, cela faisait plus d’un an que la société savait qu’un travail dissimulé était susceptible de lui être reproché, le procès-verbal de la gendarmerie étant du 11 mai 2011 ; que rien ne s’opposait à ce que l’URSSAF effectue un contrôle contradictoire à l’encontre de la société ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que l’URSSAF avait reçu communication d’un procès-verbal dressé par un contrôleur du travail, ce dont il résultait que le redressement litigieux procédait d’opérations de constatation d’infractions constitutives de travail illégal, la cour d’appel a violé par fausse application le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 mars 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Metz ;

Condamne la société Bick BH aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bick BH et la condamne à payer à l’URSSAF d’Alsace la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) d’Alsace.

Le pourvoi fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR annulé le redressement notifié par l’URSSAF d’Alsace à la société BICK BH selon lettre d’observations du 19 juillet 2012 pour un montant total de 112.373 € ;

AUX MOTIFS QUE le contrôleur des transports terrestres a adressé le 28 août 2009 au Procureur de la République de Strasbourg un rapport de constatations relatif à son contrôle sur pièces de l’entreprise Transports Bernard à [...], avec procès-verbal d’audition de M. Z... du 15 juillet 2009 ; qu’il en résulte que l’entreprise Bernard a établi un certain nombre de factures au nom des Etablissements Z... qui est inscrite au RCS mais non au registre des transporteurs marchandises, voyageurs et commissionnaires ; que selon le procès-verbal, M. Z... intervient comme « faux travailleur indépendant » pour le compte de l’entreprise Bernard qui a été contrôlée et également pour quatre autres entreprises ; qu’une enquête complémentaire a été diligentée par la gendarmerie, selon procès-verbal de synthèse du 11 mai 2011, avec auditions des gérants des sociétés Transports Bernard, Bick, Wendling, Naegely et le directeur de la coopérative agricole du Piémont ; que l’URSSAF a adressé une lettre d’observations datée du 19 juillet 2012 à la SARL Bick BH qui l’a contestée le 26 juillet 2012 avec réponse de l’URSSAF du 24 août 2012 ; que les parties admettent que la SARL Bick BH a fait l’objet d’un rappel à la loi sans qu’aucun document ne soit transmis à ce titre ; que la SARL Bick BH conteste la régularité du redressement aux motifs que le procès-verbal ne vaut à son égard que comme renseignement judiciaire sans autre portée juridique, que la lettre d’observations lui a été adressée sans respect des dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale et de l’article L. 8221-6-II du code du travail et en l’absence de condamnation pénale ; que l’URSSAF oppose les dispositions de l’article L. 8271-8-1 du code du travail permettant l’échange d’informations entre les différents corps de contrôle, le rappel à la loi et la possible reconnaissance de l’infraction par une juridiction civile, le respect par elle de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale compte tenu de l’exclusion qui y est faite pour le contrôle effectué en vue de rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l’article L. 324-9 du code du travail ; que l’article L. 8271-8-1 du code du travail en l’espèce, stipule que : « Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 communiquent leurs procès-verbaux de travail dissimulé aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime, qui procèdent à la mise en recouvrement des cotisations et contributions qui leur sont dues sur la base des informations contenues dans lesdits procès-verbaux » ; que l’article L. 8271-1-2 fait référence dans son 4° aux agents des organismes de sécurité sociale agréés à cet effet et assermentés ; que dès lors, l’URSSAF pouvait utiliser le procès-verbal de l’enquêteur du contrôleur du travail ; qu’aux termes de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date de la lettre d’observations, le contrôle de l’URSSAF doit être précédé de l’envoi d’un avis, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l’article L. 324-9 du code du travail, soit celles relatives au travail dissimulé ; que cet avis mentionne notamment qu’un document présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue ; que ce n’est que dans le cadre de la recherche et de la contestation des infractions de travail dissimulé que l’URSSAF n’est pas tenue de respecter (

) prévue à l’article R. 243-59 ; qu’en l’espèce, c’est auprès de l’entreprise Transports Bernard que le contrôleur des transports terrestres est intervenu et non l’URSSAF ; que ce n’est qu’à l’occasion de ce contrôle et de l’audition de M. Z... que la SARL Bick BH a été mise en cause au titre d’un travail dissimulé ; que la SARL Bick BH a été entendue par les gendarmes à la demande du procureur de la République ; que les dispositions dérogatoires de l’article R. 243-59 précitées n’étaient dès lors pas applicables à la SARL Bick BH en l’absence de contrôle inopiné effectué à son encontre ; qu’au jour de la lettre d’observations datée du 19 juillet 2012, cela faisait plus d’un an que la SARL Bick BH savait qu’un travail dissimulé était susceptible de lui être reproché, le procès-verbal de la gendarmerie étant du 11 mai 2011 ; que rien ne s’opposait à ce que l’URSSAF effectue un contrôle contradictoire à l’encontre de la SARL Bick BH ;

1. – ALORS QUE si la prise en considération des renseignements communiqués par les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-7 du code du travail en vue d’un redressement pour travail dissimulé constitue un contrôle au sens de l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, sa régularité n’est pas subordonnée à l’envoi de l’avis préalable prévu par l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, lequel a pour objet d’informer l’employeur de la date de la première visite de l’inspecteur du recouvrement dans l’entreprise ; qu’en l’espèce, comme cela résulte de la lettre d’observations notifiée à la société Bick BH le 19 juillet 2012, pour procéder au redressement de la société pour travail dissimulé, l’URSSAF s’est fondée sur le procès-verbal de travail dissimulé établi par la gendarmerie de [...] le 18 mai 2011 ; qu’en annulant le redressement notifié faute pour l’URSSAF d’avoir adressé à la société un avis de passage préalable au contrôle, la Cour d’appel a violé l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ensemble l’article L. 8271-8-1 du code du travail ;

2. – ALORS subsidiairement QUE dans sa version applicable au litige, l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dispose que tout contrôle effectué en application de l’article L. 243-7 est précédé de l’envoi par l’organisme chargé du recouvrement des cotisations d’un avis adressé à l’employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l’article L. 324-9 (devenu L. 8221-1 et suivants) du code du travail ; qu’il est constant que le contrôle de la société Bick BH avait pour objet de rechercher l’existence d’un travail dissimulé et a abouti à un redressement à ce titre ; qu’en annulant le redressement notifié faute pour l’URSSAF d’avoir adressé à la société un avis de passage préalable au contrôle, aux motifs inopérants que le contrôle n’était pas inopiné et que la société Bick savait qu’un travail dissimulé était susceptible de lui être reproché, la Cour d’appel a violé l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Colmar , du 23 mars 2017