Réquisitions sur commission rogatoire

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 18 avril 2000

N° de pourvoi : 00-80402

Publié au bulletin

Rejet

Président : M. Gomez, président

Rapporteur : M. Beyer., conseiller apporteur

Avocat général : M. de Gouttes., avocat général

Avocat : M. Bouthors., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par :
 X...,
contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Rouen, en date du 29 décembre 1999, qui, dans l’information suivie contre lui pour travail clandestin par dissimulation de salariés, a dit n’y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure.

LA COUR,

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 3 février 2000, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 56, 60, 76, 151, 153, 206, 591 et 593, ensemble l’article 802 du Code de procédure pénale :

” en ce que la chambre d’accusation a dit n’y avoir lieu à annulation de la procédure et a ordonné le renvoi du dossier au juge d’instruction ;

” aux motifs, sur la régularité de la commission rogatoire, qu’aux termes de l’article 151 du Code de procédure pénale, le juge d’instruction peut requérir par commission rogatoire tout juge de son tribunal, tout juge d’instruction ou tout officier de police judiciaire, qui en avise dans ce cas le procureur de la République, de procéder aux actes d’information qu’il estime nécessaires dans les lieux où chacun d’eux est territorialement compétent ; que la commission rogatoire indique la nature de l’infraction, objet des poursuites ; qu’elle est datée et signée par le magistrat qui la délivre et revêtue de son sceau ; que saisi par réquisitoire introductif pris le 5 mai 1997 visant “X... et tous autres”, le magistrat instructeur a délivré une commission rogatoire mentionnant expressément X... au commandant du groupement de gendarmerie de l’Eure, afin de poursuivre les investigations ; que, si cette pièce de la procédure n’est effectivement pas datée, il ressort cependant de son examen qu’elle porte les références de son enregistrement le 5 mai 1997 (sous le n° 498/2) au groupement de gendarmerie départementale de Louviers, outre la référence à une mention “1684/3 du 5 mai 1997” ; que ces mentions permettent de suppléer l’omission de la date et d’établir qu’elle a été délivrée alors que l’information était ouverte au cabinet du magistrat instructeur contre, notamment, X..., ce qui avait pour conséquence que ce dernier ne pouvait pas être entendu par les services de police, mais uniquement par le juge d’instruction et en qualité de mis en examen ou de témoin assisté ; que ce n’est qu’antérieurement à la réforme de l’article 802 du Code de procédure pénale opérée par la loi du 24 août 1993 qu’il était jugé que la mention de la date était d’ordre public et que son absence entraînait la nullité de la commission rogatoire ; qu’en effet, il est depuis admis qu’il soit recherché dans le dossier les éléments permettant d’établir la date à laquelle cette délégation avait été rédigée ; que, par ailleurs, le mis en examen n’établit en rien en quoi la nullité par lui alléguée a eu pour effet de porter atteinte à ses intérêts, ses droits n’ayant été lésés en rien, puisqu’il a bénéficié des garanties accordées aux mis en examen, avant même que la notification lui en ait été faite ; que, sur la régularité de l’enquête préliminaire, en ce qui concerne l’audition des témoins, aux termes de l’article 153 du Code de procédure pénale, tout témoin cité pour être entendu au cours de l’exécution d’une commission rogatoire est tenu de comparaître, de prêter serment et de déposer ; qu’aucune autre modalité ne figure dans le Code de procédure pénale notamment quant aux heures et lieux où cette déposition peut être accueillie ; que l’audition de neuf des membres du personnel de la discothèque a eu lieu entre 4 h 30 et 9 h ; que, bien que l’examen des procès-verbaux d’audition ne le mentionne pas, il est vraisemblable que ces personnes, qui ont toutes déclaré qu’elles se trouvaient sur place au moment de l’intervention des gendarmes, ont été invitées à se présenter à la brigade de gendarmerie locale aux fins d’audition ; qu’il n’est ni allégué de façon circonstanciée, ni prouvé, que leur convocation et leur audition aient pu avoir lieu dans des conditions illégales et, en particulier, aucune de ces personnes n’a fait de remarque en ce sens ;

qu’en ce qui concerne la prestation de serment des membres du personnel de l’URSSAF, de l’inspection du Travail et de la brigade de contrôle et de recherche d’Evreux, il ressort de la procédure que, le 7 juin 1997, après leur avoir adressé des réquisitions aux fins d’assistance aux opérations de perquisition envisagées dans la discothèque “le Templier”, les enquêteurs, agissant dans le cadre de la commission rogatoire, ont effectué une perquisition dans les locaux de cet établissement en compagnie d’agents de l’URSSAF, des services fiscaux et de l’inspection du Travail, tous habilités à constater des infractions et à en dresser procès-verbal et en conséquence assermentés à cette fin ; qu’ils n’avaient donc pas à prêter un autre serment, leur mission consistant à assister les enquêteurs dans la constatation d’éventuelles infractions à l’intérieur de la discothèque, entrant dans le cadre de leur statut ; qu’en ce qui concerne la régularité des perquisitions, exécutées dans le cadre d’une commission rogatoire régulièrement délivrée, les prescriptions de l’article 76 du Code de procédure pénale n’avaient pas à recevoir application ; que X..., sous le régime de la garde à vue, était effectivement présent aux opérations de perquisition, mesure qui est donc régulière (arrêt p. 3, 4 et 5) ;

” 1° alors, d’une part, qu’une commission rogatoire non datée est non avenue en ce que le vice qui l’affecte est relatif à ses conditions d’existence légale et non à la détermination de ses effets ;

” 2° alors, d’autre part, que la date d’une commission rogatoire doit être précise et dénuée d’équivoque ; que la chambre d’accusation ne pouvait dès lors “situer” approximativement dans le temps la commission rogatoire litigieuse par référence à des dates d’enregistrement différentes auprès de divers services ; qu’en l’absence de date certaine, la délégation était nulle sans qu’il soit nécessaire d’établir un grief distinct de l’irrégularité en cause ;

” 3° alors que, de troisième part, la chambre d’accusation s’est déterminée à la faveur de motifs hypothétiques sur la régularité des auditions arguées de nullité ;

” 4° alors que, de quatrième part, hormis les cas de flagrance, toute perquisition doit être précédée de l’acceptation éclairée du maître des lieux ;

” 5° alors, en tout état de cause, que l’habilitation générale d’un agent appartenant aux services de l’URSSAF, de l’inspection du Travail et des Impôts, ne dispense pas les intéressés de prêter un serment particulier quand ils sont requis d’apporter leur concours à une opération de police judiciaire “ ;

Sur le moyen pris en ses première et deuxième branches ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure, qu’à la suite d’une enquête préliminaire de la gendarmerie, le procureur de la République a, le 5 mai 1997, requis l’ouverture d’une information contre X..., pour travail clandestin par dissimulation de salariés ;

Attendu que le juge d’instruction a délivré une commission rogatoire dépourvue de date qui a été enregistrée le 5 mai 1997, au groupement de gendarmerie destinataire ;

Attendu que, pour rejeter la requête en annulation d’actes de la procédure, la chambre d’accusation se prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, et dès lors qu’il résulte des énonciations de l’arrêt, que le réquisitoire introductif a précédé la commission rogatoire dont les actes d’exécution ont été tous postérieurs à celle-ci, la chambre d’accusation a justifié sa décision ;

Sur le moyen pris en ses autres branches ;

Attendu d’une part, que le demandeur n’a pas qualité pour critiquer les modalités pratiques de convocation et d’audition d’un témoin par un officier de police judiciaire, d’autre part, que l’assentiment exprès d’une personne chez laquelle une perquisition est effectuée au cours de l’exécution d’une commission rogatoire n’est pas requis ; qu’enfin le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que les agents de l’URSSAF, de l’inspection du Travail et des Impôts n’ont pas prêté le serment exigé par l’article 60 du Code de procédure pénale, dès lors que la Cour de Cassation est en mesure de s’assurer qu’il ne résulte d’aucune pièce de la procédure, que ces agents ont procédé à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, sur réquisitions des officiers de police judiciaire chargés de l’exécution de la commission rogatoire ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin criminel 2000 N° 148 p. 441

Décision attaquée : Cour d’appel de Rouen (chambre d’accusation) , du 29 décembre 1999

Titrages et résumés : CHAMBRE D’ACCUSATION - Nullités de l’instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d’actes - Commission rogatoire - Mentions - Absence de date - Effet. Une chambre d’accusation a pu, à bon droit, rejeter le moyen de nullité pris de l’absence de date sur une commission rogatoire, dès lors qu’il est établi par d’autres actes de la procédure que le réquisitoire introductif a précédé la commission rogatoire et que tous les actes d’exécution de celle-ci sont postérieurs à cette dernière. (1).

INSTRUCTION - Commisssion rogatoire - Forme - Mentions - Date - Omission - Effet

Précédents jurisprudentiels : CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1995-01-30, pourvoi n° T 94-84.825 (diffusé Légifrance).

Textes appliqués :
• Code de procédure pénale 56, 60, 76, 151, 153, 206