Urssaf - procédure régulière - solidarité financière validée

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 28 mai 2020

N° de pourvoi : 19-13199

ECLI:FR:CCASS:2020:C200451

Non publié au bulletin

Rejet

M. Pireyre (président), président

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION


Audience publique du 28 mai 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 451 F-D

Pourvoi n° Q 19-13.199

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

La société Orange, anciennement dénommée France Télécom, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-13.199 contre l’arrêt rendu le 18 janvier 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l’opposant :

1°/ à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de l’Ile-de-France, dont le siège est division des recours amiables et judiciaires D 123, [...] ,

2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Taillandier-Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Orange, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de l’Ile-de-France, et l’avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l’audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Taillandier-Thomas, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Orange du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Paris,18 janvier 2019), à la suite d’un contrôle de la société Envergure opéré dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, portant sur l’année 2011, l’URSSAF de Paris et région parisienne, aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Ile-de-France (l’URSSAF), a adressé à la société France Télécom, aux droits de laquelle vient la société Orange (la société), une lettre d’observations en date du 15 octobre 2012 mettant en oeuvre la solidarité financière prévue par les articles L. 8222-1 et suivants du code du travail, suivie d’une mise en demeure du 19 novembre 2012.

3. La société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatre premières branches

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l’arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que selon l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, issu du décret 2007-546 du 11 avril 2007, l’employeur dispose d’un délai de trente jours pour répondre à la lettre d’observations ; que ce délai court à compter de la remise en main propre des observations ou à compter du jour de la première présentation de la lettre en cas d’envoi par lettre recommandée avec accusé de réception ; que selon ce texte, lorsque l’employeur a répondu à la lettre d’observations avant la fin de ce délai, « la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement ne peut intervenir (

) avant qu’il ait été répondu par l’inspecteur du recouvrement aux observations de l’employeur ou du travailleur indépendant » ; qu’en l’espèce, il ressort des constatations de l’arrêt que la société France Télécom a réceptionné la lettre d’observations de l’URSSAF le 18 octobre 2012, de sorte qu’elle disposait au moins jusqu’au 17 novembre 2012 à minuit pour y répondre ; que pour juger néanmoins que la société n’établissait pas avoir adressé des observations dans le délai de réponse de trente jours et en déduire que la lettre de mise en demeure avait pu être envoyée sans réponse préalable de l’URSSAF aux observations de la société, la cour d’appel a considéré que le délai légal de trente jours avait expiré le 16 novembre 2012 à minuit ; qu’en statuant ainsi sans vérifier si les observations écrites de la société France Télécom en réponse à la lettre d’observations n’avaient pas été adressées à l’URSSAF d’Ile-de-France dans le délai légal de trente jours qui a expiré au plus tôt le 17 novembre 2012, date butoir minimale conférée par la loi, et non le 16 novembre 2012 comme retenu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 243-59, L. 244-2 et L. 243-7 du code de la sécurité sociale dans leur version alors applicable.

2°/ qu’en retenant que « faute d’établir un envoi dans le délai de trente jours, la société ne peut pas considérer non plus que l’URSSAF était tenue de répondre à sa lettre d’observations et de différer d’autant l’envoi de la mise en demeure », sans s’expliquer sur l’historique complet de La Poste produit aux débats par l’exposante duquel il ressort que le courrier de réponse de la société France Télécom daté du 16 novembre 2012 avait fait l’objet d’une première présentation à l’URSSAF le 17 novembre 2012, par lettre recommandée avec accusé de réception n° 2C04022453516, soit avant l’expiration du délai de trente jours courant à compter de la réception par la cotisante le 18 octobre 2012 de la lettre d’observations, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

3/ à titre subsidiaire, qu’à supposer qu’elle ait entendu en cela se référer à la page deux de l’historique de La Poste portant mentions afférentes à l’envoi des observations de France Télécom par lettre recommandée 2C04022453516, en retenant que la date de dépôt mentionnée sur cette pièce était « illisible » cependant que les dates de présentation de cette lettre le « 17/11/2012 » et de distribution le « 19/11/2012 », visées sur cette pièce, sont parfaitement lisibles, la cour d’appel a dénaturé la pièce susvisée, ensemble le principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu’il examine.

4°/ à titre plus subsidiaire, qu’en admettant que, tel que l’a retenu la cour d’appel, le délai de réponse de la société France Télécom à la lettre d’observations ait expiré le 16 novembre 2012, en décidant que « faute d’établir un envoi dans le délai de trente jours, la société ne peut pas considérer non plus que l’URSSAF était tenue de répondre à sa lettre d’observations et de différer d’autant l’envoi de la mise en demeure », sans s’expliquer sur l’historique complet de La Poste produit aux débats par l’exposante duquel il ressort que le courrier de réponse de la société, daté du 16 novembre 2012, avait fait l’objet d’une présentation par les services postaux à l’URSSAF d’Ile-de-France le 17 novembre 2012, par lettre recommandée avec accusé de réception n° 2C04022453516, ce dont il s’induisait que ce courrier avait fait l’objet d’un envoi postal au plus tard le 16 novembre 2012, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La mise en demeure ne peut être adressée par l’organisme de recouvrement au cotisant en l’absence de réponse de ce dernier qu’une fois expiré le délai de trente jours qui lui est imparti pour répondre à la lettre d’observations notifiée au terme des opérations de contrôle en application de l’article R. 243-59, alinéa 5, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable au litige.

6. Pour rejeter le recours de la société, l’arrêt retient que la lettre d’observations du 15 octobre 2012 a été réceptionnée par la société le 18 octobre 2012, que le délai de trente jours commençait à courir le jour de la réception pour expirer le 16 novembre 2012 à minuit, que s’agissant d’une période pré-contentieuse, le contentieux ne s’ouvrant que par l’envoi de la mise en demeure, il ne saurait être fait application des articles 640 et suivants du code de procédure civile, que si la société produit le justificatif d’un dépôt de lettre recommandée avec accusé de réception, force est de constater que la date de dépôt est illisible et que l’historique complet établi par La Poste ne commence que le 17 novembre 2012 et que faute d’établir un envoi dans le délai de trente jours, il ne peut être considéré que la mise en demeure adressée le 19 novembre 2012 l’a été avant l’expiration du délai.

7. De ces constatations, dont elle a fait ressortir que la société n’avait pas répondu à la lettre d’observations avant l’expiration du délai de trente jours qui lui était imparti pour y répondre, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a, sans dénaturation, exactement déduit que la mise en demeure était régulière.

8. Le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable en sa quatrième branche, n’est pas fondé pour le surplus.

Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

9. La société fait le même grief à l’arrêt, alors, « que selon la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel par décision du 31 juillet 2015 (n° 2015-[...] juillet 2015), les dispositions de l’article L. 8222-2 du code du travail « ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent de l’article 16 de la Déclaration de 1789, interdire au donneur d’ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l’exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu » ; qu’il s’en induit, tel que soutenait l’exposante, que pour assurer sa défense le donneur d’ordre qui se voit redresser à titre solidaire au titre du travail dissimulé de son sous traitant doit se voir remettre un écrit précisant le mode de calcul du redressement infligé à l’entreprise dont elle est solidaire ; qu’en validant le redressement en retenant au contraire que l’absence de précision dans la lettre d’observations adressée à la société France Télécom du détail et du mode de calcul du redressement envisagé ne portait pas atteinte à ses droits de la défense, la cour d’appel a violé l’article L. 8222-2 du code du travail et les articles R. 243-59 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale en leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

10. Pour rejeter le recours de la société, l’arrêt retient que le montant de 1 039 886 euros réclamé pour l’année 2011 et détaillé dans un tableau reprenant les bases plafonnées et déplafonnées, les taux et les montants des différentes cotisations redressées, a été fixé par référence au chiffre d’affaires hors taxes réalisé par la société Envergure pour son client la société France Télécom et communiqué par cette dernière elle-même à l’URSSAF dans le cadre de la procédure de contrôle.

11. De ces constatations, dont elle a fait ressortir que la lettre d’observations satisfaisait aux exigences de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, la cour d’appel a exactement déduit que la procédure de recouvrement était régulière.

12. Le moyen n’est dès lors pas fondé.

Sur le même moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

13. La société fait le même grief à l’arrêt, alors, « que selon l’article L. 8222-3 du code du travail « les sommes dont le paiement est exigible en application de l’article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession » ; qu’en retenant que le redressement infligé à la société France Télécom était proportionnel au chiffre d’affaires qu’elle réalisait avec la société Envergure, sans s’expliquer sur les dispositions de la lettre d’observations énonçant au contraire, tel que le soutenait l’exposante, que France Télécom avait été redressée à hauteur de l’intégralité du redressement infligé à la société Envergure en violation de l’article L. 8222-3 du code du travail, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14. La cour d’appel, qui a retenu que le montant réclamé à la société avait été fixé par référence au chiffre d’affaires hors taxes réalisé pour son compte par la société Envergure, a répondu aux conclusions dont elle était saisie.

15. Le moyen n’est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Donne acte à la société Orange du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Orange aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Orange et la condamne à payer à l’URSSAF d’Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, et par Mme Caratini, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l’arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Orange.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit la Société ORANGE, venant aux droits de la société FRANCE TÉLÉCOM, non-fondée en son recours, d’AVOIR débouté la Société ORANGE de l’ensemble de ses demandes, et d’AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable et condamné la Société ORANGE au paiement de la somme de 1.039.886 € ;

AUX MOTIFS QUE « 1°) Sur la régularité de la procédure. Concernant la mise en demeure. L’article R.243-59 du code de sécurité sociale dispose : A l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l’employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d’absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu’il dispose d’un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu’il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix. En l’absence de réponse de l’employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l’organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement. Lorsque que l’employeur a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement... ne peut intervenir avant l’expiration de ce délai et avant qu’il ait été répondu par l’inspecteur aux observations de l’employeur. L’inspecteur de recouvrement transmet à l’organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations accompagné s’il y a lieu, de la réponse de l’intéressé et de celle de l’inspecteur. En l’espèce, il est établi que la lettre d’observations du 15 octobre 2012 a été réceptionnée par la société le 18 octobre 2012. Le délai de 30 jours commençait donc à courir le jour de réception pour expirer le 16 novembre 2012 à minuit. S’agissant d’une période précontentieuse, le contentieux ne s’ouvrant que par l’envoi de la mise en demeure, il ne saurait être fait application des articles 640 et suivants du code de procédure civile invoqués par la société Orange. Si la société produit le justificatif d’un dépôt de lettre recommandée avec accusé de réception, force est de constater que la date de dépôt est illisible et que l’historique complet établi par la Poste ne commence que le 17 novembre 2012, de sorte qu’il ne peut être considéré que la mise en demeure adressée le 19 novembre 2012 l’a été avant l’expiration du délai. Faute d’établir un envoi dans le délai de 30 jours, la société ne peut pas considérer non plus que l’URSSAF était tenue de répondre à sa lettre d’observations et de différer d’autant l’envoi de la mise en demeure. Enfin, s’il est prévu une communication du procès-verbal de contrôle et des réponses, c’est à destination de l’URSSAF et non de l’employeur. Les moyens tirés de l’irrégularité de la mise en demeure seront donc rejetés. Concernant la lettre d’observations. L’article R.243-59 du code de sécurité sociale en son alinéa 5 dispose qu’ « à l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés. L’article L.8222-2 du code du travail prévoit quant à lui : Toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ; 2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ; 3° Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l’emploi de salariés n’ayant pas fait l’objet de l’une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie. En conséquence, si l’employeur doit recevoir le mode de calcul du redressement envisagé à son encontre, tel n’est pas le cas du donneur d’ordre pourtant solidaire notamment du paiement des cotisations obligatoires augmentées des éventuelles pénalités et majorations. Il sera rappelé que l’URSSAF satisfaisait aux exigences de l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale dans le cadre de la solidarité financière, en se fondant sur la lettre d’observations laquelle, après avoir rappelé les règles applicables et mentionné le montant global des cotisations dues par le sous-traitant, énonçait que les cotisations mises à la charge de la société correspondaient à la valeur des prestations effectuées par le sous-traitant au bénéfice de la société, et précisait année par année le montant des sommes dues. Tel est bien le cas en l’espèce. En effet, le montant de 1 039 886 € réclamé pour l’année 2011 a été fixé par référence au chiffre d’affaires hors taxes réalisé par la société Envergure pour son client la société France Telecom que cette dernière a elle-même communiqué à l’URSSAF dans le cadre de la procédure de contrôle, et détaillé dans un tableau reprenant les bases plafonnées et déplafonnées, les taux et les montants des différentes cotisations redressées. La somme réclamée, si elle est effectivement importante, ne peut être qualifiée de disproportionnée, comme l’invoque la société Orange, dès lors qu’elle est proportionnelle au chiffre d’affaires liant les deux sociétés. Ce moyen étant lui aussi écarté, aucun élément n’établit la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense invoquée, de sorte que la procédure doit être déclarée régulière ».

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « La société fait valoir que le principe du contradictoire et les droits de la défense n’ont pas été respectés. Sur le premier point, se prévalant des réglés de computation des délais du code de procédure civile, elle soutient que l’Urssaf n’a pas respecté le délai de 30 jours prévu par l’article R.243-59 du Css entre la réception de la lettre d’observations et la mise en recouvrement. Sur le second point, elle fait valoir que l’Urssaf n’a pas répondu à ses observations. Elle conclut à la nullité de la mise en demeure. La société remet aussi en cause la validité de la lettre d’observations. Elle se prévaut sur ce point de l’article L.243-59 en ce qu’il prévoit que la lettre d’observations “mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés”. S’agissant de la validité de la lettre d’observations, l’Urssaf soutient que celle-ci contenait toutes les mentions permettant à la société de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation. Pour le surplus, elle s’appuie sur la lettre d’observations. Le tribunal a posé la question de l’applicabilité des règles de procédure civile à ce stade. Sur ce, Aux termes des alinéas 5, 6, 7 et 8 de l’article L.243-59 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable, la lettre d’observations “indique (...) au cotisant qu’il dispose d’un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception (...)” et qu’en “l’absence de réponse de l’employeur ou du travailleur indépendant, dans le délai de trente jours, l’organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement. Lorsque l’employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement ne peut intervenir avant l’expiration de ce délai et avant qu’il ait été répondu par l’inspecteur du recouvrement aux observations de l’employeur ou du travailleur indépendant. L’inspecteur du recouvrement transmet à l’organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné s’il y a lieu, de la réponse de l’intéressé et de celle de l’inspecteur du recouvrement”. Les règles de computation des délais du code de procédure civile ne sont pas applicables, s’agissant d’une phase non judiciaire. Le décompte se fait de manière arithmétique. Par ailleurs, il résulte de la façon dont le texte ci-dessus rappelé est rédigé que ce n’est pas la date d’envoi du courrier de réponse qui compte mais la date de réception dudit courrier par l’URSSAF ce qui est logique car, dans le cas contraire, I’URSSAF serait tributaire des délais d’acheminement du courrier et ne saurait jamais à quelle date elle peut considérer qu’il n’y a pas eu de réponse du cotisant. Dans le cas présent, il est constant que la lettre d’observations a été reçue par la SA France Télécom le 18 octobre 2012. Le délai pour répondre expirait donc le vendredi 16 novembre 2012.à minuit. La société admettant n’avoir envoyé sa réponse que le 16 novembre, cette réponse ne pouvait pas parvenir à l’Urssaf le 16 novembre (sauf à être déposée par porteur, ce qui n’est pas le cas). L’inspecteur n’avait donc aucune obligation de répondre et la mise en demeure, datée du lundi 19 novembre et délivrée à la société le 20 novembre 2012, est donc parfaitement régulière. Enfin, la lettre d’observations reçue par la société détaille très précisément la chronologie des faits pris en considération par l’Urssaf ainsi que la nature et le montant des cotisations éludées. S’agissant du mode de calcul des cotisations éludées, la société est mal fondée à prétendre qu’elle ignorait/ignore la base de calcul puisque l’Urssaf a exercé son droit de communication auprès d’elle lors d’une réunion du 16 décembre 2011 pour déterminer le chiffre d’affaires hors taxes réalisé par la Sari Envergure pour France Télécom. Les moyens de procédure développés par la société seront, dès lors, rejetés » ;

1/ ALORS QUE selon l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, issu du décret 2007-546 du 11 avril 2007, l’employeur dispose d’un délai de trente jours pour répondre à la lettre d’observations ; que ce délai court à compter de la remise en main propre des observations ou à compter du jour de la première présentation de la lettre en cas d’envoi par lettre recommandée avec accusé de réception ; que selon ce texte, lorsque l’employeur a répondu à la lettre d’observations avant la fin de ce délai, « la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement ne peut intervenir (

) avant qu’il ait été répondu par l’inspecteur du recouvrement aux observations de l’employeur ou du travailleur indépendant » ; qu’en l’espèce, il ressort des constatations de l’arrêt que la Société FRANCE TÉLÉCOM a réceptionné la lettre d’observations de l’URSSAF le 18 octobre 2012, de sorte qu’elle disposait au moins jusqu’au 17 novembre 2012 à minuit pour y répondre ; que pour juger néanmoins que la société n’établissait pas avoir adressé des observations dans le délai de réponse de 30 jours et en déduire que la lettre de mise en demeure avait pu être envoyée sans réponse préalable de l’URSSAF aux observations de la société, la cour d’appel a considéré que le délai légal de 30 jours avait expiré le 16 novembre 2012 à minuit (arrêt p. 4 § 3) ; qu’en statuant ainsi sans vérifier si les observations écrites de la Société FRANCE TÉLÉCOM en réponse à la lettre d’observations n’avaient pas été adressées à l’URSSAF Ile de France dans le délai légal de 30 jours qui a expiré au plus tôt le 17 novembre 2012, date butoir minimale conférée par la loi, et non le 16 novembre 2012 comme retenu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 243-59, L. 244-2 et L. 243-7 du code de la sécurité sociale dans leur version alors applicable ;

2/ ALORS QU’en retenant que « faute d’établir un envoi dans le délai de 30 jours, la société ne peut pas considérer non plus que l’URSSAF était tenue de répondre à sa lettre d’observations et de différer d’autant l’envoi de la mise en demeure », sans s’expliquer sur l’historique complet de La Poste produit aux débats par l’exposante (pièce d’appel n° 8 page 2) duquel il ressort que le courrier de réponse de la Société FRANCE TÉLÉCOM daté du 16 novembre 2012 avait fait l’objet d’une première présentation à l’URSSAF le 17 novembre 2012, par lettre recommandée avec accusé de réception n° 2C04022453516, soit avant l’expiration du délai de 30 jours courant à compter de la réception par la cotisante le 18 octobre 2012 de la lettre d’observations, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3/ ALORS A TITRE SUBSIDIAIRE QU’à supposer qu’elle ait entendu en cela se référer à la page deux de l’historique de La Poste portant mentions afférentes à l’envoi des observations de FRANCE TÉLÉCOM par lettre recommandée 2C04022453516 (voir « Suivis La Poste des lettre d’observations, réponse de la Société et mise en demeure de l’Urssaf », pièce d’appel n° 8), en retenant que la date de dépôt mentionnée sur cette pièce était « illisible » cependant que les dates de présentation de cette lettre le « 17/11/2012 » et de distribution le « 19/11/2012 », visées sur cette pièce, sont parfaitement lisibles, la cour d’appel a dénaturé la pièce susvisée, ensemble le principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu’il examine ;

4/ ALORS A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE QU’en admettant que, tel que l’a retenu la cour d’appel, le délai de réponse de la Société FRANCE TÉLÉCOM à la lettre d’observations ait expiré le 16 novembre 2012, en décidant que « faute d’établir un envoi dans le délai de 30 jours, la société ne peut pas considérer non plus que l’URSSAF était tenue de répondre à sa lettre d’observations et de différer d’autant l’envoi de la mise en demeure », sans s’expliquer sur l’historique complet de La Poste produit aux débats par l’exposante (pièce d’appel n° 8 page 2) duquel il ressort que le courrier de réponse de la société, daté du 16 novembre 2012, avait fait l’objet d’une présentation par les services postaux à l’URSSAF Ile de France le 17 novembre 2012, par lettre recommandée avec accusé de réception n° 2C04022453516, ce dont il s’induisait que ce courrier avait fait l’objet d’un envoi postal au plus tard le 16 novembre 2012, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS QUE selon la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel par décision du 31 juillet 2015 (n° 2015-[...] juillet 2015), les dispositions de l’article L. 8222-2 du code du travail « ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent de l’article 16 de la Déclaration de 1789, interdire au donneur d’ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l’exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu » ; qu’il s’en induit, tel que soutenait l’exposante (conclusions p. 16 § 3), que pour assurer sa défense le donneur d’ordre qui se voit redresser à titre solidaire au titre du travail dissimulé de son sous-traitant doit se voir remettre un écrit précisant le mode de calcul du redressement infligé à l’entreprise dont elle est solidaire ; qu’en validant le redressement en retenant au contraire que l’absence de précision dans la lettre d’observations adressée à la société FRANCE TÉLÉCOM du détail et du mode de calcul du redressement envisagé ne portait pas atteinte à ses droits de la défense, la cour d’appel a violé l’article L. 8222-2 du code du travail et les articles R. 243-59 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale en leur version applicable au litige ;

6. ALORS QUE selon l’article L. 8222-3 du code du travail « les sommes dont le paiement est exigible en application de l’article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession » ; qu’en retenant que le redressement infligé à la Société FRANCE TÉLÉCOM était proportionnel au chiffre d’affaires qu’elle réalisait avec la société ENVERGURE, sans s’expliquer sur les dispositions de la lettre d’observations énonçant au contraire, tel que le soutenait l’exposante, que FRANCE TÉLÉCOM avait été redressée à hauteur de l’intégralité du redressement infligé à la société ENVERGURE en violation de l’article L. 8222-3 du code du travail (conclusions p. 16 § 5 à 9), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 18 janvier 2019