Date effet d’immatriculation personne morale

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 28 septembre 2016

N° de pourvoi : 14-28959

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01562

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 1842 et 1843 du code civil, L. 210-6 et R. 210-5 du code de commerce ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation et qu’en l’absence de mandat donné par les associés, d’état annexé aux statuts ou de reprise d’un acte lors d’une assemblée générale, la société n’est pas engagée par les actes effectués pour son compte par les fondateurs ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Arbos films dans le cadre d’un contrat à durée déterminée portant sur la période du 29 mars 2010 au 15 mai 2010 ; qu’ayant par la suite, pour la préparation du même film, entretenu des relations contractuelles avec la société Massane production, laquelle a été immatriculée le 16 juin 2010, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en requalification de cette relation en contrat à durée indéterminée, en constatation de ce qu’il avait travaillé du 15 au 31 mai 2010 sans avoir été ni déclaré ni rémunéré et en paiement de diverses sommes dont au titre d’un travail dissimulé et de la rupture ;

Attendu que pour condamner la société Massane production à verser à l’intéressé une indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt retient qu’elle reconnaît l’avoir fait travailler entre le 15 et le 31 mai 2010 sans le déclarer ni lui remettre de bulletins de salaire, mais en lui réglant ses heures de travail sous forme d’une prime exceptionnelle de 1 700 euros figurant sur son bulletin de salaire du mois de juin 2010, le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi apparaissant ainsi caractérisé ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’extrait Kbis de la société mentionnait le 16 juin 2010 comme date d’immatriculation, ce dont il résultait l’absence d’acquisition de la personnalité morale avant cette date, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Massane production à verser à M. X... la somme de 18 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 8 octobre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, président et par Mme Becker, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l’arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Massane production.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société Massane Production à verser à M. X... la somme de 18 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE l’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié. L’article L. 8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Toutefois la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle. Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatif au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. M. X... soutient que la société Massane Production l’a fait travailler du 15 mai au 31 mai en s’abstenant sciemment de le déclarer et a dissimulé une partie importante de ses horaires effectifs, notamment en lui versant au mois de juin 2010 une prime exceptionnelle de 1 700 euros. Il ajoute que la société Massane Production a mentionné sur son bulletin de paie du mois d’août 2010 un nombre d’heures de travail inférieur à celui qu’il a effectivement réalisé. A l’appui de ses allégations, M. X... produit son bulletin de paie de juin 2010 comportant une prime exceptionnelle de 1 700 euros, ainsi que son bulletin de paie du mois d’août 2010, mentionnant 81,67 heures payées, après déduction de 70 heures, correspondant à une absence non rémunérée pour la période du 1er au 15 août 2010. La société Massane Production fait valoir qu’elle ne pouvait déclarer ni payer M. X... avant le 2 juin 2010, date à laquelle elle a été créée. Elle conteste avoir déclaré pour le mois d’août 2010 un nombre d’heures de travail inférieur à celui effectivement réalisé par M. X..., et réfute toute intention de dissimulation d’emploi. La société Massane Production verse aux débats son extrait Kbis mentionnant le 2 juin 2010 comme date de début d’exploitation et la date du 16 juin comme date d’immatriculation. M. X... ne verse aux débats aucun élément laissant présumer qu’il a effectué un nombre d’heures de travail supérieur à celui mentionné sur son bulletin de salaire pour le mois d’août 2010. En revanche, il convient de relever que la société Massane Production reconnaît avoir fait travailler M. X... entre le 15 mai et le 31 mai 2010 sans le déclarer ni lui remettre de bulletins de salaire, mais en lui réglant ses heures de travail sous forme d’une prime exceptionnelle de 1 700 euros, laquelle figure sur son bulletin de salaire du mois de juin 2010. Le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi apparaît donc caractérisé. En conséquence, le jugement sera infirmé sur ce point et la société Massane Production condamnée à verser à M. X... la somme de 18 000 euros ;

1°) ALORS QUE les juges ne peuvent modifier l’objet du litige tel que déterminé par les prétentions formulées dans les conclusions des parties, ni donc dénaturer les termes des conclusions qui leur sont soumises ; qu’en l’espèce, la société Massane Production insistait dans ses conclusions oralement soutenues sur le fait qu’elle n’avait été créée que le 2 juin 2010, et immatriculée le 16 juin 2010, et qu’elle ne pouvait donc par hypothèse établir avant cette date de déclarations ni de contrats de travail, puisqu’elle n’existait pas (cf. conclusions d’appel de l’exposante, p. 7) ; qu’en affirmant, pour lui imputer une intention de dissimulation d’emploi, qu’elle aurait reconnu avoir fait travailler M. X... entre le 15 et le 31 mai 2010 sans le déclarer ni lui remettre de bulletins de salaire, quand la société exposante soutenait au contraire explicitement qu’elle n’existait pas avant le 2 juin 2010, ce qui excluait par hypothèse qu’elle avait sciemment fait travailler l’intéressé sans le déclarer, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de la société Massane productions, et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, commis les infractions visées par l’article L. 8221-5 du code du travail ; qu’en l’espèce, la société Massane Production invoquait, sans être utilement contesté, le fait qu’elle n’avait été créée qu’à compter du 2 juin 2010, de sorte qu’elle ne pouvait par hypothèse, avant cette date, établir de déclarations sociales ni payer le salarié, ce qu’elle avait fait toutefois dès qu’elle avait été créée et immatriculée ; qu’elle en déduisait qu’on ne pouvait aucunement lui prêter une intention de dissimulation d’emploi pour la période allant du 15 au 31 mai 2010, à laquelle elle n’existait pas ; qu’en retenant pourtant une telle intention de dissimulation, au motif erroné que la société Massane production aurait fait travailler le salarié sur la période du 15 au 31 mai 2010, après avoir elle-même constaté que l’exposante produisait un extrait Kbis mentionnant un début d’exploitation à la date du 2 juin 2010, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail ;

3°) ALORS QUE la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, commis les infractions visées par l’article L. 8221-5 du code du travail ; qu’en l’espèce, la société Massane Production invoquait, sans être utilement contesté, le fait qu’elle n’avait été créée qu’à compter du 2 juin 2010, de sorte qu’elle ne pouvait par hypothèse, avant cette date, établir de déclarations sociales ni payer le salarié, ce qu’elle avait fait toutefois dès qu’elle avait été créée et immatriculée ; qu’elle en déduisait qu’on ne pouvait aucunement lui prêter une intention de dissimulation d’emploi pour la période allant du 15 au 31 mai 2010, à laquelle elle n’existait pas ; qu’en retenant pourtant une telle intention de dissimulation, au motif inopérant que la société Massane production avait réglé à l’intéressé des heures de travail sous forme d’une prime exceptionnelle figurant sur son bulletin de paie pour le mois de juin, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 8 octobre 2014