Organisation de spectacles vivants oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 22 juin 1999

N° de pourvoi : 98-84023

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 Y... Danielle, épouse Z...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DOUAI, 6ème chambre, du 19 février 1998, qui, pour infraction à la législation relative aux spectacles et travail clandestin, l’a condamnée à 5 000 francs d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 et 10 de l’ordonnance du 13 octobre 1945, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Danielle Z... coupable de défaut de licence de spectacles ;

”aux motifs que “l’association “Les Body’s” a développé à côté de l’activité de gymnastique volontaire une activité de spectacles ; que Danielle Z... a indiqué que deux spectacles avaient été donnés en décembre 1996 et qu’outre le gala qui devait avoir lieu en mars 1997, d’autres spectacles étaient déjà prévus au cours des mois d’avril, juin, septembre et octobre 1997 ; que la fréquence de ces manifestations fait que l’association se comportait en véritable entreprise de spectacles au sens de l’article 1, 6 , de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 et ne peut se prévaloir de la dérogation prévue à l’article 10 de l’ordonnance dont les dispositions doivent être interprétées restrictivement ; que, de même, il n’est pas possible de suivre l’argumentation des prévenues selon laquelle l’association n’organisait pas ces spectacles. Même si l’association était sollicitée par des établissements publics, c’est elle qui fixait le contenu de la manifestation et apportait un spectacle “fini”, avec interprètes et accessoires ; qu’il est constant que l’association n’est pas titulaire de la licence exigée” ;

”alors que les spectacles organisés par des collectivités publiques, des particuliers ou des associations en vue de dégager des ressources à des fins de bienfaisance ou culturelles, ne sont pas assujettis aux prescriptions de l’ordonnance du 13 octobre 1945 en matière de licence dès lors que le même spectacle ne comporte pas plus de deux représentations ; qu’ayant constaté que, sous la présidence de Danielle Z..., les seuls spectacles ayant eu effectivement lieu n’étaient qu’au nombre de deux, et que les fonds recueillis étaient destinés à couvrir les frais de déplacement de l’association ainsi que les frais des formateurs bénévoles en gymnastique, d’où il résultait qu’il s’agissait de spectacles occasionnels pour lesquels une licence n’est pas nécessaire, la cour d’appel aurait dû relaxer Danielle Z... ; qu’en statuant comme elle l’a fait, elle a violé les articles 4 et 10 de l’ordonnance du 13 octobre 1945 ;

”alors, d’autre part, et en tout état de cause, qu’en se bornant à constater que des spectacles avaient eu lieu et que d’autres étaient prévus sans constater que ces représentations concernaient le même spectacle, la cour d’appel a entaché sa décision de défaut de motifs et violé les textes visés au moyen” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Danielle Z... est poursuivie, sur le fondement de l’article 4 de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, pour avoir, comme présidente de l’association Les Body’s, exercé une activité d’entrepreneur de spectacles de chant et de danse, sans être titulaire de la licence exigée par cet article ;

Attendu que, pour écarter l’argumentation de la prévenue selon laquelle une telle licence n’était pas exigée dès lors que l’association organisait des spectacles occasionnels entrant dans les prévisions des dispositions dérogatoires de l’article 10 de l’ordonnance précitée, la cour d’appel retient que, durant les années 1993 à 1996, l’association avait organisé soixante-sept spectacles, dont deux après la prise de fonction de Danielle Z... à sa présidence, et que plusieurs spectacles étaient prévus pour l’année 1997 ; que les juges en déduisent qu’en raison de la fréquence de ces “manifestations”, l’association dirigée par la prévenue constituait une entreprise de spectacles au sens de l’article 1er, alinéa 1er, 6 , de l’ordonnance du 13 octobre 1945, soumise, comme telle, aux prescriptions de l’article 4 de ce texte ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L 143-3, L. 143-5, L. 324-11, L. 362-3 à L. 362-5, L. 620-3 du Code du travail, 131-27, 132-30 et 131-35 du Code pénal, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Danielle Z... coupable du délit de travail clandestin ;

”aux motifs que les prévenues contestent le caractère lucratif de leurs activités ; que ce caractère ne se confond pas avec l’exercice bénéficiaire de l’activité concernée ; qu’en l’espèce, l’importance de l’activité, les moyens mis en oeuvre, la publicité diffusée démontrent qu’il y avait bien une activité de prestation de services à titre lucratif ; que ces prestations donnaient lieu à une facturation (D 19) - certes modique puisqu’en moyenne de 2 000 francs - à la perception de droit d’entrée et à des entrées de fonds diverses (tombola, vente de programmes, de gâteaux, de boissons...), sommes comptabilisées au titre des recettes comme rappelé ci-dessus ; que l’enquête n’a pas permis d’entendre les artistes “bénévoles” et de préciser leur statut. Cependant, il résulte de diverses dépositions que les fonds ainsi perçus servaient pour partie à indemniser les frais de déplacement ou de recyclage - notamment deux des formatrices, Edith X... précisait que sa formation avait été financée par l’association (D 12) - et à payer les repas lors des déplacements. L’ensemble de ces frais figurant dans les comptes comme frais de personnel. Il ne peut être contesté que les cours, répétitions, spectacles contraignaient les membres de l’association ainsi rémunérés et, en particulier, les animatrices, au respect des règles horaires ; que les formalités sociales n’ayant pas été remplies, le délit de travail clandestin est constitué et que Danielle Z... a reconnu avoir poursuivi l’activité contestée ;

”et aux motifs adoptés du jugement que les prévenues ont intentionnellement omis d’effectuer les déclarations exigées par les organismes de protection sociale et par l’administration fiscale ;

”alors que, seule l’inobservation intentionnelle des formalités énumérées à l’article L. 324-10 du Code du travail caractérise le délit de travail clandestin prévu à l’article L. 324-9 du même Code ; que la cour d’appel s’est contentée de constater l’élément matériel du délit de travail clandestin sans rechercher ni constater que Danielle Z... avait sciemment omis d’accomplir les formalités sociales requises ;

”et alors, d’autre part, et en tout état de cause, que l’intention coupable de Danielle Z... dans l’omission d’effectuer les déclarations exigées par les organismes de protection sociale et par l’administration fiscale ne peut résulter que d’une simple affirmation concernant globalement les deux prévenues ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a entaché sa décision d’une insuffisance de motifs” ;

Attendu que le moyen revient à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du second degré, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont ils ont déduit, sans insuffisance, ni contradiction, que la prévenue avait intentionnellement omis d’effectuer les formalités prévues par l’article L. 324-10 du Code du travail ;

Qu’un tel moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de DOUAI, 6ème chambre du 19 février 1998