Preuve incombe à employeur

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 21 octobre 2014

N° de pourvoi : 13-17736

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01819

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Frouin (président), président

Me Bouthors, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l’article L. 3241-1 du code du travail, ensemble l’article 1315, alinéa 2, du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X..., prétendant avoir été engagée à compter du 2 octobre 2006 en qualité d’assistante par la société Cashmere of the World avant d’être congédiée, le 27 juillet 2007, a saisi la juridiction prud’homale pour demander le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, indemnités de rupture, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour travail dissimulé ;
Attendu que, pour rejeter la demande en paiement d’un rappel de salaire, l’arrêt retient que l’avis d’impôt sur les revenus de la salariée au titre de 2007 fait apparaître d’« autres revenus salariaux » pour un montant de 13 730 euros, que l’appelante indique que ce montant est le total des espèces qui lui ont été remises à titre de salaires, qu’ayant travaillé dix mois moyennant une rémunération mensuelle convenue de 2 500 euros, elle réclame le solde manquant de 11 270 euros ainsi que les congés payés correspondants aux dix mois travaillés, qu’elle ne produit cependant pas la copie de sa déclaration de revenus qui, seule, justifierait l’origine des autres revenus salariaux déclarés pour 13 730 euros, qu’il est également observé que, d’octobre 2006 à juillet 2007, elle n’a jamais réclamé par écrit le solde restant dû sur ses salaires, que sa créance salariale n’est donc pas justifiée ;
Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire conformément aux règles de droit commun, notamment par la production de pièces comptables, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la demande en paiement d’un rappel de salaire, l’arrêt rendu le 3 mai 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Cashmere of the World aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cashmere of the World à payer à Me Bouthors la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Madame X...de sa demande en paiement d’un rappel de salaires à l’encontre de la Société Cashmere of the world ;
aux motifs propres que : « (¿)- Jean-Louis Y..., lié à la société Pierre Invest, gestionnaire des immeubles dont dépendent les locaux occupés par la société Cashmere of the World, atteste que se trouvant en relation professionnelle avec Alexandre Z..., celui-ci lui a fait savoir, en septembre 2006, qu’il recherchait une assistante à temps complet pour s’occuper de la mise en place d’un business plan, que c’est dans ces circonstances qu’il lui a présenté Valérie-Anne X...qu’il connaissait, que par la suite, il a pu constater en se rendant au bureau de la société qu’elle y travaillait effectivement et qu’il avait connaissance que son salaire mensuel était de 2500 ¿. Gaëlle A..., photo-journaliste indépendante, témoigne qu’elle s’est souvent rendue dans les locaux de la société Cashmere of the World où Valérie-Anne X...travaillait pour aller déjeuner avec elle ou la chercher le soir après son travail et qu’elle y a rencontré Alexandre Z...qui lui avait demandé de rechercher un photographe pour réaliser les photos de sa collection. Au vu de ces attestations, la preuve est apportée que l’appelante a effectivement travaillé pendant plusieurs mois à partir d’octobre 2006 dans les locaux de la société Cashmere of the World sous la direction d’Alexandre Z.... La gérante de la société, Jacqueline Fonson, étant âgée de 78 ans à la fin de l’année 2006, il est admis qu’Alexandre Z...qui avait été précédemment gérant de la société Cashmere House dans les mêmes locaux avant d’être déclarée en liquidation judiciaire, intervenait en qualité de « conseil ponctuel » “ de la société. À l’occasion du constat des lieux autorisé par ordonnance sur requête du 28 février 2007 et effectué par Me Denis B..., huissier de justice à Paris VIIIe, la gardienne de l’immeuble du 9 rue d’Aguesseau a téléphoné au « responsable » “ de la société Cashmere of the World, Alexandre Z..., qui, présent dans le local commercial de la même rue, c’est immédiatement présenté à l’huissier. Par ailleurs, les différents courriels échangés entre Valérie-Anne X...et les divers prestataires sollicités montrent que l’appelante travaillait sous l’autorité d’Alexandre Z...puisqu’elle indique à plusieurs reprises qu’elle doit lui en référer et lui soumettre les propositions ; elle écrit notamment :- le 6 juin 2007, « Monsieur Z...cherche d’autres plans plus détaillés... »,- le 22 juin 2007, « Mr Z...n’a pas encore vu ces maquettes, il va être surpris du manque de créativité... ». Plusieurs courriels comportent à la suite des coordonnées de la société Cashmere of the World le numéro de téléphone mobile d’Alexandre Z...pour le contacter directement et une proposition de diaporama de la collection dispose, en avril 2007, d’une page d’accueil portant la mention « Bienvenue dans l’univers du cachemire d’Alexandre Z..., Maître C... » ainsi qu’un lien permettant de consulter sa biographie. L’ensemble de ces éléments établit qu’Alexandre Z...se comportait en gérant de fait de la société Cashmere of the World et que Valérie-Anne X..., recrutée par lui, a travaillé sous sa direction et son contrôle. Le lien de subordination caractérisant la relation salariale est ainsi suffisamment démontré. La rémunération mensuelle de 2. 500 ¿ de la salariée est confirmée par Jean-Louis Y.... Il convient de considérer qu’il s’agit d’un montant brut.

« (¿) L’avis d’impôt sur les revenus de Valérie-Anne X...au titre de 2007 fait apparaître d’« autres revenus salariaux » pour un montant de 13. 730 ¿. L’appelante indique que ce montant est le total des espèces qui lui ont été remises à titre de salaires par Alexandre Z.... Ayant travaillé 10 mois moyennant une rémunération mensuelle convenue de 2. 500 ¿, elle réclame le solde manquant de 11. 270 ¿ ainsi que les congés payés correspondants aux 10 mois travaillés. Elle ne produit cependant pas la copie de sa déclaration de revenus qui, seule, justifierait l’origine des autres revenus salariaux déclarés pour 13. 730 ¿. Il est également observé que, d’octobre 2006 à juillet 2007, elle n’a jamais réclamé par écrit le solde restant dû sur ses salaires. Sa créance salariale n’est donc pas justifiée » (arrêt attaqué p. 3, § 5 au dernier et p. 4, § 1 dernier § et p. 4, § 1 à 5 et § 8 à 10) ;
et aux motifs adoptés des premiers juges que : « (¿) Madame X...qui dit avoir été rémunérée en liquide durant la période du 2 octobre au 27 juillet 2007 pour une somme globale de 13. 730, 00 euros, ne produit aucune fiche de paie, aucun relevé de banque ou postal, aucun reçu signé contradictoirement pour corroborer ses dires » (jugement p. 4, § 9) ;
1°) alors que, d’une part, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve, notamment par la production de pièces comptables, du paiement du salaire ;

qu’après avoir rappelé que Madame X...avait travaillé 10 mois moyennant une rémunération mensuelle convenue de 2. 500 ¿ brute (arrêt attaqué p. 4, § 9), la cour a débouté la salariée de sa demande en paiement d’un rappel de salaires de 11. 270 ¿ aux motifs qu’« elle ne produit cependant pas la copie de sa déclaration de revenus qui, seule, justifierait l’origine des autres revenus salariaux déclarés pour 13. 730 ¿ » (arrêt p. 4 § 10), soit le total des espèces qui lui ont été remises à titre de salaire ; qu’en mettant ainsi à la charge exclusive de la salariée, la preuve du non-paiement de l’intégralité de ses salaires, la cour a méconnu les dispositions de l’article 1315 du code civil, ensemble celles de l’ancien article L. 143-1 (devenu l’article L. 3241-1) du code du travail ;
2°) alors en tout état de cause que la renonciation à un droit ne se déduit pas du silence ou de l’absence de contestation de son titulaire ; qu’en déboutant Madame X...de sa demande en paiement d’un rappel de salaires motifs pris de ce que « d’octobre 2006 à juillet 2007, elle n’a jamais réclamé par écrit le solde restant dû sur ses salaires » (arrêt attaqué p. 4, § 10), la cour a violé les dispositions de l’article 1101 du code civil, ensemble celles de l’ancien article L. 143-1 (devenu l’article L. 3241-1) du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 3 mai 2012