Boucherie - incompétence juge des référés - pas d’urgence

Conseil d’État

N° 425101

ECLI:FR:CEORD:2018:425101.20181102

Inédit au recueil Lebon

lecture du vendredi 2 novembre 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La SARL Boucherie de l’avenir, dont le siège est situé au 35, rue Paul Bert à Lyon (69003), a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, à titre principal, la suspension immédiate de l’exécution de l’arrêté du 8 octobre 2018 par lequel le préfet du Rhône a ordonné la fermeture administrative temporaire pour une durée d’un mois de son établissement et, à titre subsidiaire, la réduction de la durée de cette fermeture. Par une ordonnance n° 1807719 du

25 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SARL Boucherie de l’avenir demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à la demande qu’elle a présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 la condition d’urgence est remplie dès lors que la fermeture de son établissement pendant un mois va lui faire perdre une partie importante de sa clientèle, ainsi qu’il l’avait soutenu en première instance sans que le premier juge ne se prononce sur ce point, conduisant à une perte supérieure à la somme de 31 500 euros qu’il a retenue et qui correspond déjà à 4 % de son chiffre d’affaire annuel ;

 la fermeture litigieuse est entachée d’une illégalité manifeste dès lors que l’infraction de travail dissimulée sur laquelle elle est fondée n’est pas constituée au regard des dispositions de l’article L. 8272-2 du code du travail et ne justifiait, en tout état de cause, pas la mesure prise à son encontre.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 le code du travail ;

 le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : “ Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) “. En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée. A cet égard, il appartient au juge d’appel de prendre en compte les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu’il a diligentée.

2. Il résulte de l’instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon que, par un arrêté du 8 octobre 2018, le préfet du Rhône a prononcé la fermeture administrative temporaire pour une durée d’un mois, sur le fondement de l’article

L. 8272-2 du code du travail, de l’établissement que la Sarl Boucherie de l’avenir, exploite au 35, rue Paul Bert à Lyon au motif, d’une part, que cette société avait manqué à son obligation de déclaration préalable à l’embauche d’une personne en situation de travail et, d’autre part, que la personne en cause travaillait sans détenir un titre de séjour et une autorisation de travail. La société relève appel de l’ordonnance du 25 octobre 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, à titre principal, la suspension immédiate de l’exécution de cet arrêté et, à titre subsidiaire, à la réduction de la durée de fermeture prononcée.

3. Pour estimer que la condition d’urgence prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative n’était pas remplie, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a estimé que la fermeture litigieuse d’un mois n’aura pas comme conséquence immédiate et directe de menacer l’équilibre financier de la société requérante, en dépit de la perte de chiffre d’affaires en résultant, des charges fixes qu’elle doit assumer durant cette période avec l’obligation de rémunérer trois salariés et de la perte d’exploitation ainsi attendue, dans un environnement concurrentiel difficile lié à la présence de plusieurs établissements du même type dans sa zone. Il a admis que la perte d’exploitation pourrait s’élever à la somme de 31 500 euros évaluée par l’expert comptable de la société mais il a relevé que ce montant était inférieur aux bénéfices nets comptables constatés entre 2015 et 2017, à hauteur respectivement de 48 106, 47 208 et 45 870 euros, dans un contexte de progression du chiffre d’affaires et d’absence de dégradation des conditions d’exploitation au cours de l’année 2018.

4. La société requérante, qui soutient pour la première fois en appel, que la perte d’exploitation sera supérieure à 31 500 euros compte tenu de la perte définitive de clientèle que la fermeture litigieuse produira selon elle, ne chiffre, toutefois, pas la perte complémentaire qu’elle est susceptible de subir à ce titre et n’établit pas son existence en se bornant à renvoyer à l’environnement local très concurrentiel que le premier juge a déjà pris en compte, ainsi qu’il a été dit et contrairement à ce qu’elle soutient. Par suite, il est manifeste que, pour les motifs retenus par le juge des référés de première instance, son appel ne peut être accueilli.

5. Il résulte de ce qui précède que la requête de la SARL Boucherie de l’avenir doit être rejetée selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 de ce code.

O R D O N N E :


Article 1er : La requête de la SARL Boucherie de l’avenir est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Boucherie de l’avenir.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au ministre de l’intérieur