Restauration rapide

CAA de LYON

N° 17LY02948

Inédit au recueil Lebon

4ème chambre - formation à 3

Mme MICHEL, président

Mme Sophie LESIEUX, rapporteur

Mme GONDOUIN, rapporteur public

VEDESI - SCP SCHMIDT VERGNON PELISSIER THIERRY EARD-AMINTHAS & TISSOT, avocat(s)

lecture du jeudi 4 avril 2019

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société NK Terreaux a demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler l’arrêté du 26 novembre 2015 par lequel le préfet du Rhône a ordonné la fermeture administrative, pour une durée d’un mois, de l’établissement de restauration rapide qu’elle exploite à Lyon.

Par un jugement n° 1601103 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2017, la société NK Terreaux, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2017 ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet du Rhône du 26 novembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, le site internet “ service-public.fr “ indique que les salariés disposant d’un titre de séjour “ longue durée” délivré par l’un des pays membres de l’Union européenne sont dispensés d’autorisation de travail en France ; or trois des quatre salariés embauchés étaient titulaires de titres de séjour “ longue durée “ délivrés par l’Italie ou l’Espagne ;

 elle s’est conformée à son obligation de déclarer ses salariés préalablement à leur embauche ;

 les faits reprochés ne sont pas établis et en tout état de cause ils n’étaient pas de nature à justifier la mesure de fermeture ;

 en fixant la durée de cette fermeture à un mois, le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par la société appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 le code du travail ;

 le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

 le rapport de Mme Lesieux,

 et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société NK Terreaux relève appel du jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 26 novembre 2015 par lequel le préfet du Rhône a prononcé, pour une durée d’un mois, la fermeture de l’établissement de restauration rapide de type “ kebab “ qu’elle exploite à Lyon.

2. Aux termes de l’article L. 8211-1 du code du travail : “ Sont constitutives de travail illégal, dans les conditions prévues par le présent livre, les infractions suivantes : / 1° Travail dissimulé ; (...) 4° Emploi d’étranger sans titre de travail ; (...) “. Aux termes de l’article L. 8272-2 de ce code : “ Lorsque l’autorité administrative a connaissance d’un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l’article L. 8211-1 ou d’un rapport établi par l’un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 constatant un manquement prévu aux mêmes 1° à 4°, elle peut, si la proportion de salariés concernés le justifie, eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés, ordonner par décision motivée la fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction, à titre temporaire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. (...) “. Il résulte de ces dispositions combinées que le travail dissimulé et l’emploi d’un étranger non autorisé à travailler constituent des infractions de nature à justifier le prononcé de la sanction administrative de fermeture provisoire de l’établissement où l’une de ces infractions a été relevée et que la durée maximale de fermeture à ce titre est de trois mois.

3. Le 5 août 2015, les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) de Rhône-Alpes, associés à des inspecteurs de l’URSSAF, ont effectué un contrôle dans un établissement exploité à Lyon par la société NK Terreaux qui exerce une activité de restauration rapide sous le concept “ Nabab Kebab “. Au cours de ce contrôle, et d’un contrôle ultérieur sur pièces réalisé dans les locaux de la DIRECCTE le 11 août 2015, il a été constaté l’embauche de six salariés sans déclaration préalable à l’embauche conforme, le défaut d’inscription des mentions de nationalité et d’autorisation de travail des salariés sur le registre unique du personnel ainsi que l’emploi de quatre étrangers dépourvus d’autorisation de travail valable en France. Par un arrêté du 26 novembre 2015, notifié le 9 décembre 2015, le préfet du Rhône a prononcé la sanction administrative de fermeture de cet établissement pour une durée d’un mois à compter de la notification de cet arrêté.

4. En premier lieu, il résulte de l’instruction que la société NK Terreaux a employé deux personnes de nationalité marocaine et deux personnes de nationalité pakistanaise, titulaires de permis de séjour délivrés par les autorités italiennes ou espagnoles. La société appelante soutient que trois d’entre eux justifiaient être en possession de titres de séjour européens de longue durée les dispensant, selon les informations qu’elle avait recueillies sur le site internet “ service-public.fr “, d’obtenir une autorisation de travail en France. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n’autorise les étrangers, non ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’espace économique européen ou de la Confédération suisse, à exercer une activité professionnelle salariée en France sans détenir une autorisation de travail. Un titre de séjour délivré par les autorités d’un des pays membres de l’Union européenne, autre que la France, quelle que soit sa durée, ne vaut pas autorisation de travail délivrée conformément aux dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail. Par ailleurs, la société NK Terreaux ne saurait utilement se prévaloir d’une information erronée sur un site internet alors même qu’il lui appartenait, conformément aux dispositions des articles L. 5221-8 et R. 5221-41 et suivants du code du travail, de s’assurer auprès du préfet, avant de procéder à l’embauche des personnes concernées, de l’existence d’un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France.

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 1221-10 du code du travail : “ L’embauche d’un salarié ne peut intervenir qu’après déclaration nominative accomplie par l’employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet (...). “. L’article R. 1221-4 du même code prévoit que : “ La déclaration préalable à l’embauche est adressée au plus tôt dans les huit jours précédant la date prévisible de l’embauche. “.

6. Les services de la DIRECCTE ont relevé, lors de leur contrôle, que six des salariés de la société NK Terreaux avaient fait l’objet de la déclaration nominative auprès des organismes de protection sociale prévue par l’article L. 1221-10 du code du travail précité postérieurement à leur prise de poste effective. Si la société NK Terreaux soutient que ces faits de déclaration tardive ne sont pas établis, les contrats de travail qu’elle produit ne permettent pas de contredire les dates et heures d’embauche déclarés par le gérant de cette société lui-même aux organismes concernés.

7. En troisième lieu, eu égard à la proportion de salariés concernés par les infractions relevées et à la gravité des faits retenus, notamment en ce qui concerne l’infraction de travail illégal par l’emploi de quatre salariés étrangers sans titre de travail, à laquelle s’ajoutent des déclarations nominatives postérieurement à l’embauche de six salariés et l’omission de tenir un registre unique du personnel conforme aux dispositions des articles L. 1221-12 et D. 1221-23 du code du travail, la société NK Terreaux n’est pas fondée à soutenir que la sanction administrative de fermeture de son établissement pour une durée d’un mois qui lui a été infligée à raison de ces manquements, bien qu’isolés, présenterait un caractère disproportionné, dès lors que sa situation correspondait à l’un des critères alternatifs de gravité et de répétition des faits fixés par l’article L. 8272-2 du code du travail précité. Est en outre sans incidence sur la légalité de la mesure en litige la circonstance que le ministère public n’a pas engagé de poursuites pénales à l’encontre de la requérante qui a seulement fait l’objet d’un rappel à la loi par officier de police judiciaire le 17 décembre 2015.

8. Il résulte de ce qui précède que la société NK Terreaux n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par conséquent, les conclusions qu’elle présente sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société NK Terreaux est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société NK Terreaux et à la ministre du travail. Copie en sera adressée pour information au préfet du Rhône.

Délibéré après l’audience du 14 mars 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, président,

M. Chassagne, premier conseiller,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2019.

Le rapporteur,

S. LesieuxLe président,

C. Michel

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier