Pas de proratisation

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 9 mars 2017

N° de pourvoi : 16-10117

ECLI:FR:CCASS:2017:C200325

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Flise (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Zribi et Texier, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’à la suite d’un contrôle ayant permis le constat, le 1er aout 2010, d’un travail dissimulé par dissimulation de travailleurs salariés, M. X... a reçu notification par l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de la Dordogne aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Aquitaine (l’URSSAF), d’un redressement de cotisations et contributions, calculées sur une rémunération évaluée forfaitairement ; que l’URSSAF lui ayant notifié une mise en demeure pour le recouvrement des sommes litigieuses, l’employeur a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel, qui est préalable :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de rejeter son recours en annulation du redressement, alors selon le moyen, que le travail dissimulé pour dissimulation d’emploi salarié implique l’existence d’un lien de subordination ; que la cour d’appel a relevé que le 11 août 2010, lors d’une « fête du melon », organisée dans le lot, jour du contrôle opéré par l’URSSAF, M. X... était aidé par cinq personnes, qui étaient des proches, parents ou amis ; qu’elle a retenu que ces dernières avaient déclaré ne pas être rémunérées et qu’elles disposaient d’une « certaine liberté » ; qu’en se bornant à énoncer, pour valider en son principe le redressement de cotisations sociales au titre de travail dissimulé pour dissimulation d’emploi salarié, que l’intervention des proches de M. X... le 11 août 2010 était nécessaire au fonctionnement de l’entreprise, et en statuant ainsi par des motifs insusceptibles de caractériser l’existence du pouvoir de M. X... de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements des intéressés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.8221-5 du code du travail ;

Mais attendu qu’appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel qui a fait ressortir que les intéressés exerçaient leur activité au sein du commerce de pizza dans un rapport de subordination à l’égard de M. X..., en a exactement déduit que le redressement était justifié ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon ce texte, que pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale, les rémunérations versées ou dues à un salarié en contrepartie d’un travail dissimulé sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement ;

Attendu que pour accueillir partiellement le recours de l’employeur, l’arrêt retient, que l’infraction de travail dissimulé apparaissant occasionnelle et liée à la présence sur une fête où les personnes ayant aidé M. X... sur son stand pouvaient également se trouver à titre personnel, il en résulte que cette infraction n’était établie que pour une journée impliquant de ramener le redressement à la somme de 104,50 euros, soit la taxation forfaitaire divisée par 180 jours (six mois) ;

Qu’en statuant ainsi, alors que pour faire obstacle à l’application de l’évaluation forfaitaire de la rémunération servant de base au calcul du redressement, l’employeur doit apporter la preuve non seulement de la durée réelle d’emploi du travailleur dissimulé, mais encore du montant exact de la rémunération versée à ce dernier pendant cette période, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 novembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Agen ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à l’URSSAF d’Aquitaine la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la demanderesse au pourvoi principal, l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales d’Aquitaine,

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR réformé la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF du 7 décembre 2011 et d’AVOIR annulé en conséquence le redressement opéré le 22 octobre 2010 et la mise en demeure du 4 avril 2011 et d’AVOIR dit que le redressement ne pouvait concerner que le seul 11 août 2010 pour 104,50 € ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, c’est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le premier juge a considéré que le travail dissimulé était établi le jour des constatations de l’URSSAF du Lot, dans la mesure où M. X..., pour le fonctionnement de son activité en ce jour d’affluence, n’avait engagé aucun salarié et n’était en conséquence pas en mesure d’assurer seul la préparation et la cuisson des pizzas et le service à la clientèle, soit la commande, la remise des pizzas et des produits annexes (boissons) et l’encaissement, alors que le volume et la surface de son camion permettaient, comme l’a constaté l’inspecteur ayant procédé au contrôle, la présence de quatre personnes sur le stand et qu’une cinquième a quitté le stand au moment du contrôle, ces personnes ayant reconnu « donner un coup de main » à M. X..., quoiqu’il s’agisse de parents et d’amis de M. X... et qu’ils aient déclaré ne pas être rémunérés, leur intervention était nécessaire ce jour-là au fonctionnement de l’entreprise ; que le jugement sera donc confirmé en son principe sur l’appel incident de M. X... ; qu’en revanche l’appel principal de l’URSSAF ne sera pas accueilli et le jugement sera confirmé en ce qu’il considère qu’il n’y avait pas lieu à application de la taxation forfaitaire sur la base de six mois prévue par l’article L.242-1-2 du code de la sécurité sociale, l’infraction de travail dissimulé apparaissant occasionnelle et liée à la présence sur une fête où les personnes ayant aidé M. X... sur son stand pouvaient également se trouver à titre personnel, et où, étant précisé que l’URSSAF n’a pas cru devoir produire son procès-verbal et qu’il n’y a pas eu de poursuites pénales, les personnes ayant aidé M. X... (belle-soeur, beau-frère, amis) sont pour partie d’entre eux domiciliés loin du siège de l’entreprise de M. X..., se trouvaient en vacances chez son épouse ou ont une activité professionnelle et où M. X... affirme, sans être utilement démenti, qu’hors cette présence sur cette fête, son activité consiste en temps ordinaire à se trouver sur des places de village avec son camion et qu’il pourvoit seul dans ce cas à la charge de travail ; que c’est en conséquence de façon pertinente que le tribunal a considéré que le travail dissimulé n’était établi que pour une journée et a ramené le redressement à la somme de 104,50 € soit la taxation forfaitaire divisée par 180 jours (six mois) ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’ il apparaît que le stand de Olivier X... a été contrôlé le 11 août 2010 vers 11h30 puis 14h30 et que les 5 personnes susnommées s’y trouvaient en action d’aider Olivier X... lequel n’a pas de compte employeur et ne les a pas déclarés ; qu’il a considéré qu’il n’avait pas à le faire s’agissant d’un simple coup de main qui lui a été donné sans contrepartie financière ; que le fait qu’il soit 5 dans une entreprise commerciale, sur un stand surdimensionné pour une personne seule et même s’ils gardaient une certaine liberté, permet de considérer qu’il y a un emploi de ces personnes qui aurait dû être déclaré ; que le fait qu’il n’y ait pas eu de poursuites pénales pour travail dissimulé n’exclut pas la matérialité de celui-ci mais est surement révélateur d’un défaut d’élément intentionnel ; qu’en revanche, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L.242-1-2 du code de la sécurité sociale qui prévoit qu’à défaut de déterminer avec exactitude la durée de l’emploi et la rémunération, il est procédé à une évaluation forfaitaire sur 6 mois à la rémunération mensuelle minimale ; qu’en effet, les 5 personnes en cause ont toutes établi des attestations desquelles il ressort qu’elles ont des liens familiaux (belle-soeur, beau-frère) et amicaux avec Olivier X..., que certaines sont domiciliées fort loin ou ont une activité professionnelle indépendante sans lien avec la restauration ; que la preuve contraire qui permet d’écarter l’évaluation forfaitaire est ainsi suffisamment rapportée de sorte que le redressement doit être calculée sur la seule journée du 11 août 2010 et non sur 6 mois, soit pour un montant de 104,50 € ;

1. ALORS QUE, pour faire obstacle à l’application de l’évaluation forfaitaire de la rémunération servant de base au calcul du redressement prononcé pour travail dissimulé, l’employeur doit apporter la preuve non seulement de la durée réelle d’emploi du travailleur dissimulé, mais encore du montant exact de la rémunération versée à ce dernier pendant cette période ; qu’en l’espèce, l’employeur ne rapportait la preuve ni du nombre d’heures effectuées par les salariés, ni du salaire qui leur avait été effectivement versé ; qu’en conséquence, le redressement de cotisations sociales devait être prononcé sur la base forfaitaire de 6 fois le SMIC mensuel ; que, la Cour d’appel, pour juger qu’il n’y avait pas lieu de faire application de cette taxation forfaitaire, a relevé que l’infraction de travail dissimulé apparaissait occasionnelle, que les personnes présentes sur le stand de M. X... avaient avec lui des liens amicaux ou familiaux, qu’ils habitaient loin ou avaient une activité professionnelle et que, selon les affirmations de M. X..., en temps ordinaire il pourvoit seul à la charge de travail ; qu’en limitant, par ces motifs inopérants, le redressement à la somme de 104,50 €, correspondant à l’emploi de cinq personnes pour une seule journée, la Cour d’appel a violé l’article L. 242-1-2 du Code de la sécurité sociale ;

2. ALORS QUE l’URSSAF n’est pas tenu de communiquer à l’employeur le procès-verbal de travail dissimulé et qu’il appartient au juge s’il s’estime insuffisamment informé par la lettre d’observations d’ordonner, le cas échéant, la production de ce procès-verbal ; qu’en retenant, pour écarter la taxation forfaitaire des cotisations, que l’URSSAF n’a pas cru devoir produire son procès-verbal, la Cour d’appel a violé l’article L. 242-1-2 du Code de la sécurité sociale ;

3. ALORS QUE l’exercice de poursuites pénales pour travail dissimulé n’est pas une condition ni au prononcé d’un redressement de cotisations sociales pour travail dissimulé ni à l’application de la taxation forfaitaire ; qu’en retenant, pour écarter la taxation forfaitaire des cotisations, qu’ « il n’y a pas eu de poursuites pénales », la Cour d’appel a violé l’article L. 242-1-2 du Code de la sécurité sociale ;

Moyen produit par la de la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour le demandeur au pourvoi incident éventuel, M. X...,

Il est fait grief à l’arrêt attaqué

d’Avoir admis le principe du redressement de cotisations sociales opéré par l’URSSAF à l’encontre de M. X... sur le fondement du travail dissimulé par dissimulation de travail salarié et dit qu’un tel redressement concernera la journée du 11 août 2010 pour 104,50 euros,

AUX MOTIFS QUE, c’est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le premier juge a considéré que le travail dissimulé était établi le jour des constatations de l’URSSAF du Lot, dans la mesure où M. X..., pour le fonctionnement de son activité en ce jour d’affluence, n’avait engagé aucun salarié et n’était en conséquence pas en mesure d’assurer seul la préparation et la cuisson des pizzas et le service à la clientèle, soit la commande, la remise des pizzas et des produits annexes (boissons) et l’encaissement, alors que le volume et la surface de son camion permettaient, comme l’a constaté l’inspecteur ayant procédé au contrôle, la présence de quatre personnes sur le stand et qu’une cinquième a quitté le stand au moment du contrôle, ces personnes ayant reconnu « donner un coup de main » à M. X..., quoiqu’il s’agisse de parents et d’amis de M. X... et qu’ils aient déclaré ne pas être rémunérés, leur intervention était nécessaire ce jour-là au fonctionnement de l’entreprise ; que le jugement sera donc confirmé en son principe sur l’appel incident de M. X... ; qu’en revanche l’appel principal de l’URSSAF ne sera pas accueilli et le jugement sera confirmé en ce qu’il considère qu’il n’y avait pas lieu à application de la taxation forfaitaire sur la base de six mois prévue par l’article L.242-1-2 du code de la sécurité sociale, l’infraction de travail dissimulé apparaissant occasionnelle et liée à la présence sur une fête où les personnes ayant aidé M. X... sur son stand pouvaient également se trouver à titre personnel, et où, étant précisé que l’URSSAF n’a pas cru devoir produire son procès-verbal et qu’il n’y a pas eu de poursuites pénales, les personnes ayant aidé M. X... (belle-soeur, beau-frère, amis) sont pour partie d’entre eux domiciliés loin du siège de l’entreprise de M. X..., se trouvaient en vacances chez son épouse ou ont une activité professionnelle et où M. X... affirme, sans être utilement démenti, qu’hors cette présence sur cette fête, son activité consiste en temps ordinaire à se trouver sur des places de village avec son camion et qu’il pourvoit seul dans ce cas à la charge de travail ; que c’est en conséquence de façon pertinente que le tribunal a considéré que le travail dissimulé n’était établi que pour une journée et a ramené le redressement à la somme de 104,50 € soit la taxation forfaitaire divisée par 180 jours (six mois) ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’ il apparaît que le stand de Olivier X... a été contrôlé le 11 août 2010 vers 11h30 puis 14h30 et que les 5 personnes susnommées s’y trouvaient en action d’aider Olivier X... lequel n’a pas de compte employeur et ne les a pas déclarés ; qu’il a considéré qu’il n’avait pas à le faire s’agissant d’un simple coup de main qui lui a été donné sans contrepartie financière ; que le fait qu’il soit 5 dans une entreprise commerciale, sur un stand surdimensionné pour une personne seule et même s’ils gardaient une certaine liberté, permet de considérer qu’il y a un emploi de ces personnes qui aurait dû être déclaré ; que le fait qu’il n’y ait pas eu de poursuites pénales pour travail dissimulé n’exclut pas la matérialité de celui-ci mais est surement révélateur d’un défaut d’élément intentionnel ; qu’en revanche, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L.242-1-2 du code de la sécurité sociale qui prévoit qu’à défaut de déterminer avec exactitude la durée de l’emploi et la rémunération, il est procédé à une évaluation forfaitaire sur 6 mois à la rémunération mensuelle minimale ; qu’en effet, les 5 personnes en cause ont toutes établi des attestations desquelles il ressort qu’elles ont des liens familiaux (belle-soeur, beau-frère) et amicaux avec Olivier X..., que certaines sont domiciliées fort loin ou ont une activité professionnelle indépendante sans lien avec la restauration ; que la preuve contraire qui permet d’écarter l’évaluation forfaitaire est ainsi suffisamment rapportée de sorte que le redressement doit être calculée sur la seule journée du 11 août 2010 et non sur 6 mois, soit pour un montant de 104,50 € ;

ALORS QUE le travail dissimulé pour dissimulation d’emploi salarié implique l’existence d’un lien de subordination ; que la cour d’appel a relevé que le 11 août 2010, lors d’une « fête du melon », organisée dans le lot, jour du contrôle opéré par l’URSSAF, M. X... était aidé par cinq personnes, qui étaient des proches, parents ou amis ; qu’elle a retenu que ces dernières avaient déclaré ne pas être rémunérées et qu’elles disposaient d’une « certaine liberté » ; qu’en se bornant à énoncer, pour valider en son principe le redressement de cotisations sociales au titre de travail dissimulé pour dissimulation d’emploi salarié, que l’intervention des proches de M. X... le 11 août 2010 était nécessaire au fonctionnement de l’entreprise, et en statuant ainsi par des motifs insusceptibles de caractériser l’existence du pouvoir de M. X... de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements des intéressés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.8221-5 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux , du 5 novembre 2015