Six mois forfaitaires malgré relaxe oui

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 15 décembre 2016

N° de pourvoi : 15-28214

ECLI:FR:CCASS:2016:C201819

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Flise (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’à la suite d’un contrôle ayant conduit au constat, le 26 septembre 2009, de travail dissimulé par dissimulation de deux travailleurs salariés, MM. X... et Y..., des poursuites ont été engagées contre M. Z... (l’employeur), de ce chef, devant le tribunal correctionnel, lequel a reçu notification par l’URSSAF d’Isère, aux droits de laquelle vient l’URSSAF Rhône-Alpes (l’URSSAF), d’un redressement de cotisations et contributions, calculées sur une rémunération évaluée forfaitairement en application des dispositions de l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale ; que l’URSSAF lui ayant notifié une mise en demeure puis lui ayant fait signifier une contrainte pour le recouvrement des sommes litigieuses, l’employeur a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu que l’URSSAF fait grief à l’arrêt de ne pas valider la contrainte en ce qui concerne les sommes dues en raison de l’emploi de M. X... ;

Attendu que la cour d’appel, qui a relevé que M. Z... était prévenu de travail dissimulé pour avoir employé sur son stand de vente à emporter M. X... sans avoir procédé à la déclaration préalable à l’embauche ni délivré un bulletin de paie et qu’il avait été relaxé de ce chef, n’a pas méconnu l’autorité de la chose jugée attachée à cette décision ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le même moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon ce texte, que pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale, les rémunérations versées ou dues à un salarié en contrepartie d’un travail dissimulé sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement ;

Attendu que pour accueillir pour partie la demande de l’employeur et juger que les cotisations et contributions de sécurité sociale dues par ce dernier, pour le travail dissimulé de M. Y..., devaient être calculées sur la base d’une durée moyenne de vingt heures de travail, l’arrêt retient qu’il résulte des pièces versées aux débats que le contrôle a été effectué sur une foire qui n’a duré que deux jours ;

Qu’en statuant ainsi, alors que pour faire obstacle à l’application de l’évaluation forfaitaire de la rémunération servant de base au calcul du redressement, l’employeur doit apporter la preuve non seulement de la durée réelle d’emploi du travailleur dissimulé, mais encore du montant exact de la rémunération versée à ce dernier pendant cette période, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il valide à hauteur de 1 058,35 euros la contrainte signifiée le 24 mai 2012 à M. Z... et en ce qu’elle porte sur les cotisations et contributions éludées concernant l’emploi salarié de M. Julien Y..., l’arrêt rendu le 8 octobre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... à payer à l’URSSAF Rhônes-Alpes la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Rhône-Alpes

Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR validé à hauteur de 1.058,35 euros seulement la contrainte signifiée le 24 mai 2012 à Monsieur Youssef Z... ;

AUX MOTIFS QUE Youssef Z... était prévenu de travail dissimulé pour avoir employé sur son stand de vente à emporter, Julien Y... et Aïssa X..., sans avoir procédé à la déclaration préalable à l’embauche ni délivré un bulletin de paie ;

que par jugement du 18 mai 2011, le tribunal correctionnel de Grenoble l’a relaxé des faits de travail dissimulé à l’encontre d’Aïssa X... ; qu’il a considéré que la preuve d’une relation de travail salarié entre Youssef Z... et Aïssa X... n’était pas rapportée ; que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité de la chose jugée à l’égard de tous ; que le tribunal correctionnel ayant jugé que la qualité d’employeur de Youssef Z... à l’égard d’Aïssa X... n’était pas établie, le redressement de cotisations effectué par l’URSSAF concernant l’emploi d’Aïssa X... n’est pas justifié et doit être annulé ; qu’en revanche, même si Julien Y... n’a pu être identifié, il n’est pas contesté qu’une personne ayant prétendu se nommer ainsi, a travaillé sur le stand de Youssef Z... pendant la foire de Longwy qui s’est tenue les 26 et 27 septembre 2009 ; que ce dernier a été d’ailleurs condamné pour ces faits ; qu’aux termes de l’article L 242-1-2 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale, les rémunérations qui ont été versées à un salarié en contrepartie d’un travail dissimulé, sont, à défaut de preuves contraires, évaluées forfaitairement à 6 fois le SMIC ; qu’elles sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté ; que ce texte établit, lorsque l’URSSAF ne possède pas d’éléments lui permettant de déterminer le salaire versé et la durée du travail pendant lequel a été employé le travailleur dissimulé, une double présomption, la première relative au montant du salaire et la seconde concernant la durée du travail pendant le mois au cours duquel le délit a été constaté ; que si en l’occurrence, la présomption sur le montant du salaire versé est applicable, celle relative à la durée du travail doit être écartée puisqu’il résulte des pièces versées aux débats que le contrôle a été effectué sur une foire et que cette foire n’a duré que 2 jours ; que le montant du redressement sera donc calculé sur la base d’une durée moyenne de 20 heures de travail et évalué à 1.058,35 euros ; qu’il convient donc de valider à hauteur de 1.058,35 euros la contrainte signifiée le 24 mai 2012 à Youssef Z... ;

1) ALORS QUE pour éviter qu’en application de l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d’un travail dissimulé soient évaluées forfaitairement à six fois le SMIC mensuel pour le calcul des cotisations, l’employeur doit apporter des éléments permettant le chiffrage réel des cotisations à recouvrer en prouvant à la fois la durée réelle d’emploi du travailleur dissimulé et le montant exact de la rémunération versée pendant cette période ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que l’employeur ne rapportait pas la preuve du montant du salaire effectivement versé pendant la durée d’emploi du salarié ; qu’en conséquence, sur la base de cette seule constatation, le redressement de cotisations sociales devait être prononcé sur la base forfaitaire de 6 fois le SMIC mensuel ; qu’en limitant cependant le redressement à la somme de 1.058,35 euros calculée sur la base d’une durée moyenne de 20 heures de travail, la cour d’appel a violé l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale ;

2) ALORS QU’en toute hypothèse, pour faire obstacle à l’application de l’évaluation forfaitaire de la rémunération servant de base au calcul du redressement, l’employeur doit notamment apporter la preuve de la durée réelle d’emploi du travailleur dissimulé ; qu’en estimant elle-même la durée d’emploi du salarié au vu « des pièces versées aux débats », quand il appartenait à l’employeur d’en rapporter la preuve, pour ensuite limiter le redressement à la somme de 1.058,35 euros calculée sur la base d’une durée moyenne de 20 heures de travail, la cour d’appel qui a suppléé la défaillance de l’employeur dans l’administration de la preuve lui incombant, a violé l’article 1315 du code civil, ensemble l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale ;

3) ALORS QUE l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s’attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge répressif sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action publique, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé ; qu’aux termes du jugement de Bourgoin Jallieu du 18 mai 2011, le tribunal correctionnel a relaxé M. Z... pour les faits commis à l’encontre de M. X..., sans préciser dans ses motifs les raisons de cette relaxe ; qu’en se fondant sur ce jugement pour annuler le redressement de cotisations effectué par l’URSSAF concernant l’emploi de M. X..., la cour d’appel a violé l’article 1351 du code civil et l’article 4 du code de procédure pénale.

Décision attaquée : Cour d’appel de Grenoble , du 8 octobre 2015