Cycliste oui artiste

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 28 mars 2013

N° de pourvoi : 12-13527

ECLI:FR:CCASS:2013:C200507

Publié au bulletin

Cassation

Mme Flise (président), président

Me Foussard, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l’article L. 311-3, 15° du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation d’affiliation aux assurances sociales du régime général, les artistes du spectacle et les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L. 762-1 et suivants, devenus L. 7121 et suivants, L. 763-1, devenu L. 7123-2 et suivants, et L. 763-2 devenu L. 7123-6 du code du travail, lesquels, n’excluant pas les exhibitions sportives sans compétition, s’appliquent aux coureurs cyclistes participant à titre individuel à ce type de manifestation ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, qu’à la suite d’un contrôle, l’URSSAF du Cantal, aux droits de laquelle est venue l’URSSAF d’Auvergne, a notifié à l’association “ Critérium cycliste professionnel international La Châtaigneraie “ (l’association) un redressement portant sur les sommes versées aux cyclistes ayant participé en 2006, 2007 et 2008 à une manifestation organisée par cette association ; que, contestant l’existence d’un lien de subordination entre elle-même et ces cyclistes, l’association a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour annuler la mise en demeure, l’arrêt, après avoir constaté qu’aucun contrat de travail n’avait été signé, que le cachet avait été payé à chaque cycliste sur facture dite “ prestation de service “, que les intéressés se présentaient avec leur propre matériel, qu’ils étaient libres dans l’exécution de leur prestation, qu’ils effectuaient le nombre de tours qu’ils désiraient, et qu’aucune performance n’était demandée, retient que ces coureurs cyclistes ne réalisaient pas un travail commandé par l’association,

qu’ils n’agissaient pas sous son autorité, et qu’il n’y a pas lieu dès lors à leur assujettissement ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il se déduisait de ses constatations que le travail avait été exécuté à la demande de l’association, moyennant le versement direct aux cyclistes d’une somme d’argent, lors d’une exhibition à caractère sportif sans compétition, assimilable à un spectacle, et que leur présence sur les lieux, ainsi que l’exhibition qui leur était demandée contre rémunération, caractérisaient le lien de subordination, peu important la liberté qui leur était laissée et le fait que ces coureurs cyclistes utilisaient leur propre matériel, la cour d’appel qui, en outre, avait constaté que ces personnes n’étaient pas affiliées à une caisse de travailleurs indépendants, ce qui ne permettait pas d’écarter la présomption de salariat, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 décembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;
Condamne l’Association Critérium cycliste professionnel international La Châtaigneraie aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’Association Critérium cycliste professionnel international La Châtaigneraie ; la condamne à payer à l’URSSAF de l’Auvergne la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de l’Auvergne
L’arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU’il a annulé la mise en demeure notifiée par l’URSSAF du CANTAL le 13 octobre 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « l’article L. 7123-3 du code du travail dispose en effet, que “ tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans les conditions impliquant son inscription au registre du commerce “ ; qu’en l’espèce, il résulte des éléments versés aux débats que l’association CRITERIUM CYCLISTE PROFESSIONNEL INTERNATIONAL LA CHATAIGNERAIE organise à Marcoles (15), chaque année au mois d’août, un critérium cycliste auquel participent des coureurs cyclistes professionnels pressentis au cours du Tour de France et que ces coureurs perçoivent de l’organisateur une somme en contrepartie de leur participation ; que l’URSSAF estime que ces sommes doivent donner lieu à cotisations et que les coureurs cyclistes doivent être assujettis au régime général sur le fondement de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, considérant que l’article L. 7121-3 du code du travail n’exclut pas de son champ d’application les manifestations ou exhibitions sportives, que la qualité d’artiste du spectacle peut être attribuée aux sportifs participant à un spectacle sportif sans qu’il y ait lieu de rechercher l’existence d’un lien de subordination ; que cependant, si la qualité d’artiste du spectacle peut être attribuée aux sportifs participant à un spectacle à caractère sportif et à supposer que la qualification de spectacle sportif puisse être attribuée au critérium de Marcoles, la présomption de salariat instituée par L. 7121-. 3 du-code du travail ne constitue qu’une présomption simple qui peut être renversée par la preuve de l’absence d’un lien de subordination avec l’organisateur ; qu’or, en l’espèce, aucun contrat de travail n’est signé entre l’organisateur et les coureurs cyclistes engagés dans le critérium et ceux-ci sont rémunérés par un cachet payé sur facture dite de “ prestation de service “ ; que l’association fait valoir sans être contestée que les coureurs cyclistes se présentent avec leur propre matériel sans que leur soit imposé un quelconque équipement, qu’ils sont totalement libres dans les conditions d’exécution de leur prestation, l’association ne leur donnant aucune directive ni quant à l’heure de leur arrivée ni quant aux modalités du déroulement de la course ; que les coureurs effectuent le nombre de tours qu’ils désirent sans que l’association ne leur ordonne d’effectuer le nombre de kilomètres initialement prévu ; qu’aucune performance ne leur est demandée ; que les coureurs ont la liberté de doser leur effort, voire d’abandonner ; que l’association verse aux débats l’attestation de M. Pascal X...qui se présente comme étant sans lien de subordination, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec les parties ; qu’il déclare venir “ depuis de nombreuses années (2004), au critérium et attester que les coureurs viennent avec le propre équipement de leur équipe, avec leurs vélo, maillot, lunettes, bidons etc. (propriété de leur équipe) et avec un mécano qui s’occupe du montage, démontage, nettoyage et entretien du vélo “ ; qu’il ajoute avoir “ pu constaté que certains coureurs pouvaient s’arrêter sur certaines parties du circuit peu fréquentées par les spectateurs pour récupérer et pour subvenir à des besoins naturels, pour quelques tours et qu’ils n’étaient pas sanctionnés par l’organisation “ ; que de même, M. Y... atteste que “ les coureurs restent libres de doser leur rythme et leurs efforts s’ils le souhaitent, de (illisible) ou d’abandonner la course ; qu’il dit avoir pu constater “ que certains coureurs s’arrêtent pendant cette source quelques tours “ ; qu’il apparaît, dans ces conditions, que les coureurs cyclistes ne réalisent pas une prestation de travail commandée par l’organisateur, qu’ils n’agissent pas sous l’autorité et suivant les directives de celui-ci et que les modalités de leur participation ne font l’objet d’aucun contrôle ni d’aucune sanction ; qu’ils ne se trouvent pas donc dans des conditions caractérisant un lien de subordination » (arrêt, p. 4 dernier §, p. 5 et p. 6) ;
ALORS QUE, premièrement, la présomption posée par l’article L. 7121-3 du code du travail trouve à s’appliquer peu important, aux termes de l’article L. 7121-4 du même code, que l’artiste soit propriétaire de tout ou partie du matériel qu’il utilise ; qu’en énonçant que « l’association fait valoir sans être contestée que les coureurs cyclistes se présentent avec leur propre matériel sans que leur soit imposé un quelconque équipement », quand cette circonstance était indifférente du point de vue du renversement de la présomption, les juges du fond ont violé les articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail, ensemble les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, deuxièmement, la présomption n’est renversée que s’il est établi que les circonstances de fait et de droit excluent tout lien de subordination ; qu’en s’abstenant de rechercher si, s’agissant de leur participation à la manifestation, les coureurs cyclistes n’étaient pas tenus par le lieu de la manifestation, par les horaires de la manifestation, par le règlement de la manifestation, tels qu’arrêtés par l’association organisatrice, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail, ensemble les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, troisièmement, la présomption peut être maintenue, dès lors que le coureur cycliste participant à la manifestation évolue sur le lieu choisi par l’association organisatrice, dans le cadre des horaires qu’elle a arrêtés et conformément au règlement qu’elle a également mis sur pied ; qu’il importait peu qu’au cours de l’épreuve proprement dite, les coureurs cyclistes puissent rester maître de leur prestation, notamment quant au nombre de tours effectués, ou quant aux performances ou encore quant à un éventuel abandon ; qu’en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail, ensemble les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale ;
Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Riom , du 6 décembre 2011