Joueur espoir - décision CJUE - question préjudicielle

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

16 mars 2010 (*)

« Article 39 CE – Libre circulation des travailleurs – Restriction – Joueurs de football professionnels – Obligation de signer le premier contrat de joueur professionnel avec le club formateur – Condamnation du joueur à des dommages‑intérêts en raison de la violation de cette obligation – Justification – Objectif consistant à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs »

Dans l’affaire C‑325/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 9 juillet 2008, parvenue à la Cour le 17 juillet 2008, dans la procédure

Olympique Lyonnais SASP

contre

Olivier Bernard,

Newcastle UFC,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts et Mme P. Lindh, présidents de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, P. Kūris, E. Juhász, A. Borg Barthet et M. Ilešič (rapporteur), juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 mai 2009,

considérant les observations présentées :

– pour Olympique Lyonnais SASP, par Me J.-J. Gatineau, avocat,

– pour Newcastle UFC, par la SCP Celice-Blancpain-Soltner, avocats,

– pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme A. Czubinski, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement italien, par Mme I. Bruni, en qualité d’agent, assistée de M. D. Del Gaizo, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. M. Wissels et M. M. de Grave, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent, assisté de Mme D. J. Rhee, barrister,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. Van Hoof et G. Rozet, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 juillet 2009,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 39 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Olympique Lyonnais SASP (ci-après « Olympique Lyonnais ») à M. Bernard, joueur de football professionnel, ainsi qu’à Newcastle UFC, club de droit anglais, au sujet du versement par ces derniers de dommages-intérêts en raison du fait que M. Bernard aurait unilatéralement rompu ses engagements découlant de l’article 23 de la charte du football professionnel pour la saison 1997-1998 de la Fédération française de football (ci-après la « charte »).

Le cadre juridique

Le droit national

3 L’emploi des joueurs de football était, à la date des faits au principal, régi, en France, par la charte qui présentait le caractère d’une convention collective. Le titre III, chapitre IV, de celle-ci concernait la catégorie des joueurs « espoir », à savoir les joueurs dont l’âge était situé entre 16 et 22 ans et qui étaient, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, employés en qualité de joueurs en formation par un club professionnel.

4 La charte obligeait le joueur « espoir », lorsque le club qui l’avait formé le lui imposait, à signer, à l’issue de la formation, son premier contrat de joueur professionnel avec ce club. À cet égard, l’article 23 de la charte, dans sa version applicable aux faits au principal, prévoyait :

« […]

À l’expiration normale du contrat [de joueur ‘espoir’], le club est alors en droit d’exiger de l’autre partie la signature d’un contrat de joueur professionnel.

[…] »

5 La charte ne contenait pas de régime d’indemnisation du club formateur dans le cas où un joueur en fin de formation refusait de signer un contrat de joueur professionnel avec ce club.

6 Dans un tel cas, le club formateur disposait cependant de la possibilité d’introduire une action à l’encontre du joueur « espoir », sur le fondement de l’article L. 122-3-8 du code du travail français, pour rupture des engagements contractuels découlant de l’article 23 de la charte, en vue d’obtenir la condamnation dudit joueur à lui verser des dommages-intérêts. Cet article L. 122-3-8, dans sa version applicable aux faits au principal, disposait :

« Sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure.

[…]

La méconnaissance de ces dispositions par le salarié ouvre droit pour l’employeur à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7 Au cours de l’année 1997, M. Bernard a conclu, pour une durée de trois saisons et avec effet au 1er juillet de ladite année, un contrat de joueur « espoir » avec Olympique Lyonnais.

8 Avant la date d’expiration de ce contrat, Olympique Lyonnais a proposé à M. Bernard la signature d’un contrat de joueur professionnel pour une durée d’une année à compter du 1er juillet 2000.

9 M. Bernard a refusé de signer ledit contrat et a conclu, au mois d’août 2000, un contrat de joueur professionnel avec Newcastle UFC.

10 Ayant eu connaissance de ce contrat, Olympique Lyonnais a assigné M. Bernard devant le conseil de prud’hommes de Lyon afin de faire condamner solidairement l’intéressé et Newcastle UFC à lui verser des dommages-intérêts. La somme réclamée s’élevait à 53 357,16 euros, soit, selon la décision de renvoi, un montant équivalent à la rémunération que M. Bernard aurait perçue pendant une année s’il avait signé le contrat proposé par Olympique Lyonnais.

11 Le conseil de prud’hommes de Lyon a considéré que M. Bernard avait rompu unilatéralement son contrat et l’a condamné, solidairement avec Newcastle UFC, à verser à Olympique Lyonnais des dommages‑intérêts d’un montant de 22 867,35 euros.

12 La cour d’appel de Lyon a infirmé ce jugement. Elle a considéré, en substance, que l’obligation, pour un joueur en fin de formation, de signer un contrat de joueur professionnel avec le club formateur comportait également l’interdiction corrélative pour ce joueur de signer un tel contrat avec un club d’un autre État membre, ce qui constituait une violation de l’article 39 CE.

13 Olympique Lyonnais a formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon.

14 La Cour de cassation considère que, si l’article 23 de la charte n’interdisait pas formellement à un jeune joueur de conclure un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre, cette disposition avait pour effet d’empêcher ou de dissuader celui-ci de signer un tel contrat, dans la mesure où la violation de cette disposition était susceptible d’entraîner une condamnation à des dommages-intérêts.

15 La Cour de cassation souligne que le litige au principal soulève une difficulté d’interprétation de l’article 39 CE, dès lors qu’il pose la question de savoir si une telle restriction peut être justifiée par l’objectif consistant à encourager le recrutement et la formation de jeunes joueurs de football professionnel qui ressort de l’arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, Rec. p. I-4921).

16 Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) […] [L]e principe de libre circulation des travailleurs posé par [l]’article [39 CE] s’oppose[-t-il] à une disposition de droit national en application de laquelle un joueur ‘espoir’ qui signe à l’issue de sa période de formation un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre de l’Union européenne s’expose à une condamnation à des dommages‑intérêts ?

2) [D]ans l’affirmative, […] la nécessité d’encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs professionnels constitue[-t-elle] un objectif légitime ou une raison impérieuse d’intérêt général de nature à justifier une telle restriction ? »

Sur les questions préjudicielles

17 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un régime, selon lequel un joueur « espoir » s’expose à une condamnation à des dommages-intérêts lorsqu’il signe, à l’issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel non pas avec le club qui l’a formé mais avec un club d’un autre État membre, constitue une restriction au sens de l’article 45 TFUE et, le cas échéant, si celle-ci est justifiée par la nécessité d’encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs.

Observations soumises à la Cour

18 Selon Olympique Lyonnais, l’article 23 de la charte ne constitue pas un obstacle à la libre circulation effective du joueur « espoir » dès lors que ce dernier peut, à la seule condition de verser une indemnité à son ancien club, librement signer un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre.

19 Newcastle UFC, les gouvernements français, italien, néerlandais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission des Communautés européennes font valoir, par contre, qu’un régime tel que celui en cause au principal constitue une restriction à la libre circulation des travailleurs qui est, en principe, interdite.

20 Dans le cas où il serait jugé que l’article 23 de la charte constitue un obstacle à la libre circulation du joueur « espoir », Olympique Lyonnais estime, en s’appuyant sur l’arrêt Bosman, précité, que cette disposition se justifie par la nécessité d’encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs, dans la mesure où elle a pour seul objet de permettre au club formateur de récupérer les frais de formation qu’il a engagés.

21 En revanche, Newcastle UFC fait valoir que l’arrêt Bosman, précité, a clairement assimilé toute « indemnité de formation » à une restriction incompatible avec le principe de libre circulation des travailleurs, étant donné que le recrutement et la formation des jeunes joueurs ne constitue pas une raison impérieuse d’intérêt général de nature à justifier une telle restriction. Newcastle UFC soutient par ailleurs que, sous le régime en cause au principal, les dommages-intérêts sont déterminés selon des critères arbitraires, qui ne sont pas connus d’avance.

22 Les gouvernements français, italien, néerlandais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission soutiennent que le fait d’encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs de football constitue, selon l’arrêt Bosman, précité, un objectif légitime.

23 Le gouvernement français fait cependant valoir que, sous le régime en cause au principal, les dommages-intérêts que pouvait réclamer le club formateur étaient calculés non pas par rapport aux coûts de formation supportés, mais par rapport au préjudice subi par ce club. Un tel régime ne répond pas, selon ledit gouvernement ainsi que selon le gouvernement du Royaume-Uni, aux exigences de proportionnalité.

24 Le gouvernement italien estime qu’un système d’indemnisation peut être considéré comme constituant une mesure proportionnée pour atteindre l’objectif consistant à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs pour autant que l’indemnité est déterminée sur la base de paramètres bien définis et calculée en fonction de la charge supportée par le club formateur. Ce gouvernement souligne que la possibilité de réclamer une « indemnité de formation » revêt une importance particulière notamment pour les petits clubs, qui disposent d’une structure ainsi que d’un budget restreints.

25 Les gouvernements français, italien et du Royaume-Uni ainsi que la Commission se réfèrent, par ailleurs, au règlement concernant le statut et le transfert des joueurs de la Fédération internationale de football association (FIFA), entré en vigueur au cours de l’année 2001, à savoir à une date postérieure à celle des faits au principal. Ce règlement prévoit des dispositions relatives au calcul des « indemnités de formation », qui s’appliquent aux situations dans lesquelles un joueur en fin de formation dans un club d’un État membre signe un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre. Ces dispositions sont, selon les gouvernements français et du Royaume-Uni ainsi que selon la Commission, conformes au principe de proportionnalité.

26 Le gouvernement néerlandais relève, de manière plus générale, qu’il existe des raisons d’intérêt général, liées à des objectifs de formation, qui peuvent justifier une réglementation en vertu de laquelle un employeur qui dispense une formation à un travailleur est fondé à exiger de ce travailleur qu’il demeure à son service ou que, à défaut, il lui verse des dommages-intérêts. Ce gouvernement considère que, pour être proportionné, un dédommagement doit répondre à deux conditions, imposant, d’une part, que le montant à payer soit calculé en fonction des dépenses effectuées par l’employeur en vue de la formation du joueur et, d’autre part, que soit prises en considération la mesure dans laquelle l’employeur a pu tirer profit de cette formation ainsi que de la période pendant laquelle il a pu bénéficier de celle-ci.

Appréciation de la Cour

Sur l’existence d’une restriction à la libre circulation des travailleurs

27 Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, compte tenu des objectifs de l’Union, l’exercice des sports relève du droit de l’Union dans la mesure où il constitue une activité économique (voir, notamment, arrêts Bosman, précité, point 73, ainsi que du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, Rec. p. I‑6991, point 22).

28 C’est ainsi que, lorsqu’une activité sportive a le caractère d’une activité salariée ou d’une prestation de services rémunérée, ce qui est le cas de celle des sportifs semi-professionnels ou professionnels, elle tombe, plus particulièrement, dans le champ d’application des articles 45 TFUE et suivants, ou des articles 56 TFUE et suivants (voir, notamment, arrêt Meca-Medina et Majcen/Commission, précité, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

29 En l’occurrence, il est constant que l’activité salariée de M. Bernard relève du champ d’application de l’article 45 TFUE.

30 Ensuite, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’article 45 TFUE ne régit pas seulement l’action des autorités publiques, mais s’étend également aux réglementations d’une autre nature qui visent à régler, de façon collective, le travail salarié (voir arrêt Bosman, précité, point 82 et jurisprudence citée).

31 Les conditions de travail dans les différents États membres étant régies tantôt par la voie de dispositions d’ordre législatif ou réglementaire, tantôt par des conventions collectives et d’autres actes conclus ou adoptés par des personnes privées, une limitation des interdictions prévues à l’article 45 TFUE aux actes de l’autorité publique risquerait de créer des inégalités quant à son application (voir arrêt Bosman, précité, point 84).

32 En l’espèce, il découle de la demande de décision préjudicielle que la charte présente le caractère d’une convention collective nationale, de sorte qu’elle relève du champ d’application de l’article 45 TFUE.

33 Enfin, en ce qui concerne la question de savoir si une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, constitue une restriction au sens de l’article 45 TFUE, il convient de rappeler que l’ensemble des dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des personnes visent à faciliter, pour les ressortissants des États membres, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l’Union et s’opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d’un autre État membre (voir, notamment, arrêts Bosman, précité, point 94 ; du 17 mars 2005, Kranemann, C-109/04, Rec. p. I-2421, point 25, et du 11 janvier 2007, ITC, C-208/05, Rec. p. I-181, point 31).

34 Des dispositions nationales qui empêchent ou dissuadent un travailleur ressortissant d’un État membre de quitter son État d’origine pour exercer son droit à la libre circulation constituent, dès lors, des restrictions à cette liberté, même si elles s’appliquent indépendamment de la nationalité des travailleurs concernés (voir, notamment, arrêts précités Bosman, point 96 ; Kranemann, point 26, et ITC, point 33).

35 Force est de constater qu’un régime tel que celui en cause au principal, selon lequel un joueur « espoir », à l’issue de sa période de formation, est obligé de conclure, sous peine de dommages-intérêts, son premier contrat de joueur professionnel avec le club qui l’a formé, est susceptible de dissuader ce joueur d’exercer son droit à la libre circulation.

36 Même s’il est vrai qu’un tel régime n’empêche pas formellement ce joueur de signer, ainsi que le relève Olympique Lyonnais, un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre, il rend néanmoins moins attrayant l’exercice dudit droit.

37 En conséquence, ledit régime constitue une restriction à la libre circulation des travailleurs assurée à l’intérieur de l’Union en vertu de l’article 45 TFUE.

Sur la justification de la restriction à la libre circulation des travailleurs

38 Une mesure qui entrave la libre circulation des travailleurs ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il, en pareil cas, que l’application d’une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir, notamment, arrêt du 31 mars 1993, Kraus, C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32, ainsi que arrêts précités Bosman, point 104 ; Kranemann, point 33, et ITC, point 37).

39 S’agissant du sport professionnel, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que, compte tenu de l’importance sociale considérable que revêtent l’activité sportive et, plus particulièrement, le football dans l’Union, il convient de reconnaître comme légitime l’objectif consistant à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs (voir arrêt Bosman, précité, point 106).

40 Afin d’examiner si un système qui restreint le droit à la libre circulation de ces joueurs est apte à garantir la réalisation dudit objectif et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci, il convient de tenir compte, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 30 et 47 de ses conclusions, des spécificités du sport en général et du football en particulier ainsi que de la fonction sociale et éducative de ces derniers. La pertinence de ces éléments est, en outre, corroborée par leur mention à l’article 165, paragraphe 1, second alinéa, TFUE.

41 À cet égard, il convient d’admettre que, comme la Cour l’a déjà jugé, la perspective de percevoir des indemnités de formation est de nature à encourager les clubs de football à rechercher des talents et à assurer la formation des jeunes joueurs (voir arrêt Bosman, précité, point 108).

42 En effet, les profits tirés des investissements réalisés par les clubs formateurs à cette fin se caractérisent par leur nature aléatoire dès lors que ces clubs supportent les dépenses afférentes à l’ensemble des jeunes joueurs qu’ils recrutent et forment, le cas échéant, pendant plusieurs années, alors que ces joueurs, à l’issue de leur formation, effectuent, pour une partie d’entre eux seulement, une carrière professionnelle, soit au sein du club formateur, soit dans un autre club (voir, en ce sens, arrêt Bosman, précité, point 109).

43 Par ailleurs, les frais occasionnés par la formation des jeunes joueurs ne sont, en règle générale, que partiellement compensés par les bénéfices que le club formateur peut tirer, pendant la période de formation, de ces joueurs.

44 Dans ces conditions, les clubs formateurs pourraient être découragés d’investir dans la formation des jeunes joueurs s’ils n’étaient pas susceptibles d’obtenir le remboursement des sommes dépensées à cet effet dans le cas où un joueur conclut, à l’issue de sa formation, un contrat de joueur professionnel avec un autre club. Tel est, en particulier, le cas des petits clubs formateurs dont les investissements réalisés au niveau local dans le recrutement et la formation des jeunes joueurs revêtent une importance considérable pour l’accomplissement de la fonction sociale et éducative du sport.

45 Il s’ensuit qu’un système prévoyant le versement d’une indemnité de formation dans le cas où un jeune joueur signe, à l’issue de sa formation, un contrat de joueur professionnel avec un club autre que celui qui l’a formé est, en principe, susceptible d’être justifié par l’objectif consistant à encourager le recrutement et la formation de jeunes joueurs. Cependant, un tel système doit être effectivement apte à atteindre ledit objectif et proportionné au regard de ce dernier, en tenant compte des frais supportés par les clubs pour former tant les futurs joueurs professionnels que ceux qui ne le deviendront jamais (voir, en ce sens, arrêt Bosman, précité, point 109).

46 S’agissant d’un régime tel que celui en cause au principal, il ressort des points 4 et 6 du présent arrêt que celui-ci se caractérisait par le paiement au club formateur non pas d’une indemnité de formation, mais de dommages-intérêts auxquels s’exposait le joueur concerné en raison de la rupture de ses engagements contractuels et dont le montant était indépendant des coûts réels de formation supportés par ledit club.

47 En effet, ainsi que l’a exposé le gouvernement français, en vertu de l’article L. 122-3-8 du code du travail français, ces dommages-intérêts étaient calculés non pas par rapport aux coûts de formation que le club formateur avait supportés, mais au regard de la totalité du préjudice subi par ce club. En outre, ainsi que l’a relevé Newcastle UFC, le montant de ce préjudice était établi sur la base d’une évaluation fondée sur des critères qui n’étaient pas précisés à l’avance.

48 Dans ces conditions, la perspective de percevoir de tels dommages‑intérêts allait au-delà de ce qui était nécessaire pour encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs ainsi que pour financer ces activités.

49 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 45 TFUE ne s’oppose pas à un système qui, afin de réaliser l’objectif consistant à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs, garantit l’indemnisation du club formateur dans le cas où un jeune joueur signe, à l’issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre, à condition que ce système soit apte à garantir la réalisation dudit objectif et qu’il n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

50 N’est pas nécessaire pour garantir la réalisation dudit objectif un régime, tel que celui en cause au principal, selon lequel un joueur « espoir » qui signe, à l’issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre s’expose à une condamnation à des dommages-intérêts dont le montant est sans rapport avec les coûts réels de formation.

Sur les dépens

51 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

L’article 45 TFUE ne s’oppose pas à un système qui, afin de réaliser l’objectif consistant à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs, garantit l’indemnisation du club formateur dans le cas où un jeune joueur signe, à l’issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre, à condition que ce système soit apte à garantir la réalisation dudit objectif et qu’il n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

N’est pas nécessaire pour garantir la réalisation dudit objectif un régime, tel que celui en cause au principal, selon lequel un joueur « espoir » qui signe, à l’issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre s’expose à une condamnation à des dommages‑intérêts dont le montant est sans rapport avec les coûts réels de formation.

Signatures