Salarié dissimulé oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 26 mai 2009

N° de pourvoi : 08-87585

Non publié au bulletin

Rejet

M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Me Luc-Thaler, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-"

L’ASSOCIATION SUD NIVERNAIS IMPHY-DECIZE

(SNID),

contre l’arrêt de la cour d’appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 23 octobre 2008, qui, pour travail dissimulé, l’a condamnée à 50 000 euros d’amende dont 35 000 euros avec sursis, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2 du code pénal, L. 320, L. 362-6, L. 362-3, L. 324-9, L. 324-10 (devenus L. 1221-10, L. 8224-5, L. 8224-1, L. 8221-1, L. 8221-2, L. 8221-3, L. 8221-5) du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné le SNID du chef de travail dissimulé ;

”aux motifs qu’à l’audience, M. X... reprend ses premières explications, en ce que selon lui, aucun lien de subordination n’existe entre le club et les joueurs amateurs, lesquels ne participent aux entraînements ou aux matchs qu’à titre de loisir ; selon lui la “charte du joueur” qui prévoit certaines sanctions en cas de manquements des joueurs, n’est qu’un instrument symbolique dépourvu de toute autorité juridique ; qu’il indique que le principe pour les joueurs était celui de la liberté, tant à l’égard des entraînements que des matchs ; que l’enquête a toutefois révélé que “la charte du joueur” était appliquée assez strictement avec diverses pénalités, dont des retenues financières à l’encontre des joueurs sanctionnés ; que les premiers juges ont, sur ce point, avec des motifs pertinents que la cour adopte, exactement caractérisé le lien de subordination existant entre le club et ses joueurs ; que l’enquête a révélé également que les déplacements ne représentaient que des frais minimes pour les joueurs, lesquels se déplaçaient en général au moyen de cars loués par le club ou par co-voiturage ; qu’il apparaît dans ces conditions, comme l’ont exactement analysé les premiers juges, que les joueurs recevaient une véritable rémunération en contrepartie de leurs prestations ;

”alors que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s’il est établi qu’une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

qu’en s’abstenant de rechercher si l’un des organes du SNID avait commis les faits qualifiés de travail dissimulé, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 320, L. 362-6, L. 362-3, L. 324-9, L. 324-10 (devenus L. 1221-10, L. 8224-5, L. 8224-1, L. 8221-1, L. 8221-2, L. 8221-3, L. 8221-5) du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné le SNID du chef de travail dissimulé ;

”aux motifs qu’à l’audience, M. X... reprend ses premières explications, en ce que selon lui, aucun lien de subordination n’existe entre le club et les joueurs amateurs, lesquels ne participent aux entraînements ou aux matchs qu’à titre de loisir ; selon lui la “charte du joueur” qui prévoit certaines sanctions en cas de manquements des joueurs, n’est qu’un instrument symbolique dépourvu de toute autorité juridique ; il indique que le principe pour les joueurs était celui de la liberté, tant à l’égard des entraînements que des matchs ; que l’enquête a toutefois révélé que “la charte du joueur” était appliquée assez strictement avec diverses pénalités, dont des retenues financières à l’encontre des joueurs sanctionnés ; les premiers juges ont, sur ce point, avec des motifs pertinents que la cour adopte, exactement caractérisé le lien de subordination existant entre le club et ses joueurs ; que l’enquête a révélé également que les déplacements ne représentaient que des frais minimes pour les joueurs, lesquels se déplaçaient en général au moyen de cars loués par le club ou par co-voiturage ; il apparaît dans ces conditions, comme l’ont exactement analysé les premiers juges, que les joueurs recevaient une véritable rémunération en contrepartie de leurs prestations (arrêt, p. 7) ;

”1/ alors que le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié suppose le versement d’une rémunération par l’employeur au salarié ; qu’en s’abstenant de préciser le montant des sommes versées par le SNID à ses joueurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

”2/ alors que le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié suppose également l’existence d’un lien de subordination ; qu’en se bornant à faire état de contraintes inhérentes à la pratique d’un sport en compétition pour caractériser la subordination d’un joueur à son club, sans rechercher en quoi le club disposait d’une autorité autre que celle imposée par la pratique du sport, la cour d’appel a privé sa décision de base légale” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure, que l’association Sud Nivernais Imphy-Decize (SNID), club de football amateur, a été cité par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel pour avoir, de juin 2003 à juin 2005, étant employeur de 27 joueurs, omis de leur remettre un bulletin de paye et omis de procéder à la déclaration nominative préalable à l’embauche, et pour avoir mentionné sur le bulletin de paie de Christian Y... un nombre d’heures de travail inférieur à celui réalisé ; que l’association SNID a également été citée par les Assedic de Franche-Comté Bourgogne pour n’avoir pas, dans les mêmes circonstances et concernant les mêmes personnes, procédé aux déclarations obligatoires auprès des organismes sociaux ;

Attendu qu’après jonction des deux procédures, pour déclarer le SNID, représenté par son président, coupable des faits reprochés, l’arrêt et le jugement qu’il confirme retiennent que ce club est composé de joueurs sous contrat fédéral percevant un salaire et de joueurs amateurs, ces derniers recevant une somme en franchise exonérée de charges sociales ; que les juges ajoutent que le SNID a versé, en outre, à chacun des joueurs, une somme fixe destinée à couvrir les frais de déplacement, laquelle n’a pas fait l’objet de déclaration aux organismes de protection sociale ; que les juges relèvent que la somme censée rembourser des frais de déplacement et variable selon le joueur, est en réalité une véritable rémunération négociée lors du recrutement par le président du club avec chaque joueur, ce dernier étant avec le SNID dans un lien de subordination caractérisé par la soumission à la charte du joueur, l’obligation d’être présent aux entraînements, la possibilité de faire l’objet d’une retenue sur sa rémunération et l’existence d’une commission de discipline ; que les juges retiennent, en outre, en ce qui concerne Christian Y..., que le président du club savait que l’intéressé cumulait une rémunération du SNID et des indemnités de chômage ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations dont il résulte que l’infraction a été commise par le président de l’association pour le compte de la personne morale, et qui caractérisent un lien de subordination entre les parties, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné le SNID à verser des dommages-intérêts à l’Urssaf de la Nièvre, à l’Assedic de Franche-Comté Bourgogne, ainsi qu’à M. Z... ;

”aux motifs que l’Urssaf de la Nièvre a procédé à une reconstitution minutieuse des sommes perçues par chaque joueur et entraîneur ; que les résultats obtenus sont en cohérence avec ceux recueillis par l’enquête de gendarmerie ; (…) que les premiers juges avaient alloué à l’Urssaf de la Nièvre, une somme de 141 166 euros, excluant la majoration de retard aux taux de 10 % ; que cette exclusion est justifiée, dès lors qu’il y avait discussion sur l’existence ou non d’un lien de subordination entre les parties, aucune décision judiciaire n’ayant alors tranché la question ; (…) qu’ainsi que l’ont relevé les premiers juges, l’Assedic de Franche-Comté Bourgogne a fourni un état précis des décomptes sur la période retenue ; (…) que M. Z... sollicite la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral, faisant valoir qu’il ne lui est dorénavant plus possible de s’adonner au football au sein d’un club de la région, sport pour lequel il avait des dispositions ; que le préjudice de M. Z... est réel ; en réparation, le SNID sera condamné à lui verser la somme de 2 000 euros (arrêt, p. 8) ;

”alors que si le juge pénal peut se prononcer sur le montant du préjudice dont les parties civiles ont demandé réparation, c’est à condition de vérifier que lesdits montants correspondent à la réalité du dommage allégué ; qu’en condamnant le SNID au paiement de dommages-intérêts et en s’abstenant de rechercher quelle est le montant exact du préjudice subi par l’Assedic de Franche-Comté Bourgogne et l’Urssaf de la Nièvre, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision” ;

Attendu qu’en évaluant, comme elle l’a fait, la réparation du préjudice résultant pour l’Assedic Franche-Comté Bourgogne et pour l’Urssaf de la Nièvre du défaut de déclaration obligatoire auprès des organismes sociaux, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l’indemnité propre à réparer le dommage né de l’infraction ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Palisse conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Bourges du 23 octobre 2008