Stage d’inserton ANPE - requalification salarié oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 7 juillet 2015

N° de pourvoi : 13-16349

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01191

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Colmar, 19 février 2013), que M. X... a conclu le 14 janvier 2008 avec la société PI Delta et l’agence nationale pour l’emploi une convention tripartite d’action de formation préalable à l’embauche, prévoyant, du 15 janvier au 7 mars 2008, une formation au métier d’analyste programmeur/ formateur ; que l’action de formation a pris fin le 7 mars 2008 ; que l’intéressé a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés PI Delta et Serv’info font grief à l’arrêt de dire que M. X... était lié à elles par un contrat de travail à durée indéterminée, que la rupture des relations contractuelles produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les condamner solidairement à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaires et au titre de la rupture, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en retenant que la société PI Delta ne produit aucun plan de formation, sans examiner le plan de formation versé aux débats par M. X... lui-même et auquel celle-ci se référait expressément dans ses écritures, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
2°/ qu’il appartenait à la cour d’appel d’inviter les parties à présenter leurs observations sur l’absence au dossier du plan de formation, versé aux débats par M. X... et auquel se référait expressément la société PI Delta ; qu’à défaut, elle a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que l’existence d’un contrat de travail suppose un lien de subordination, lequel s’entend, dans un cadre rémunéré, de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en se bornant à relever que M. X... était intervenu pour le compte de la société Serv’Info auprès de plusieurs clients d’Alsace du Nord, motifs insuffisants à caractériser l’exercice tant par la société Serv’Info que par la société PI Delta d’un quelconque pouvoir de contrôle et de sanction à l’égard de M. X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ que deux personnes morales distinctes ne sauraient, sauf fictivité, être l’employeur unique d’un salarié ; qu’en se bornant à relever que M. X... était intervenu pour le compte de la société Serv’Info auprès de plusieurs clients d’Alsace du Nord, sans caractériser une confusion d’intérêts, d’activité et de direction entre la société Serv’Info et la société PI Delta, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel, qui a constaté que M. X... avait accompli pendant toute la durée de la convention des prestations de travail relevant d’un emploi normal sans recevoir la formation que la société s’était engagée à lui fournir, en a exactement déduit l’existence d’un contrat de travail ;
Attendu, ensuite, qu’ayant relevé que l’intéressé avait travaillé dès le 14 janvier 2008 pour le compte de la société Serv’info dans le cadre d’un lien de subordination, la cour d’appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert d’un grief non fondé d’un manque de base légale, le moyen ne tend qu’à contester l’appréciation souveraine par les juges du fond de l’intention de l’employeur de se soustraire à l’obligation de déclaration préalable à l’embauche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés PI Delta et Serv’info aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de ces sociétés et les condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour les sociétés PI Delta et Service informatique Serv’info.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que Monsieur X... était lié à la société Serv’Info et la société Pi Delta par un contrat de travail à durée indéterminée, dit que la rupture des relations contractuelles avec cette société produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’avoir, en conséquence, condamné la société Serv’Info et la société Pi Delta à payer à Monsieur X... diverses sommes à titre de rappels de salaires, de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU’« alors que Monsieur X... soutient qu’il n’a bénéficié d’aucune formation de la part de la société Pi Delta, que la convention de formation n’était moyen détourné pour obtenir un financement de l’Assedic, que la société Pi Delta n’a pas mis à sa disposition les moyens nécessaires pour accomplir la formation, la société Pi Delta s’est bornée à produire pour tenter d’établir la réalité d’une formation de Monsieur X... au métier d’analyste formateur-programmateur, une attestation de Monsieur Y...qui a déclaré avoir formé Monsieur X... à divers produits informatiques pendant la période du 15 janvier au 7 mars 2008 ; que la société Pi Delta n’a cependant produit aucun plan de formation qu’aurait suivi Monsieur X... ni aucun calendrier de formation ; qu’il y a lieu de considérer que Monsieur X... n’a bénéficié d’aucune formation de la part de la société Pi Delta au métier d’analyste formateur-programmateur ; qu’à l’inverse, Monsieur X... a produit de nombreuses fiches d’interventions portant son nom en tant qu’intervenant pour le compte de la société Serv’Info et cela dès le 14 janvier 2008, auprès de nombreux clients d’Alsace du Nord, ce qui démontre qu’il n’avait aucunement des fonctions de stagiaires en formation mais que dès son embauche il a travaillé pour le compte des deux sociétés Serv’Info et Pi Delta dans le cadre d’un lien de subordination et dès lors d’un contrat de travail à durée indéterminée » ;
ALORS 1°) QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent statuer sans prendre en considération les pièces essentielles versées aux débats par les parties ; qu’en retenant que la société Pi Delta ne produit aucun plan de formation, sans examiner le plan de formation versé aux débats par Monsieur X... lui-même (son bordereau, n° 13) et auquel celle-ci se référait expressément dans ses écritures (conclusions, p. 2, § 4), la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
ALORS 2°) QU’à tout le moins, il appartenait à la cour d’appel d’inviter les parties à présenter leurs observations sur l’absence au dossier du plan de formation, versé aux débats par Monsieur X... et auquel se référait expressément la société Pi Delta ; qu’à défaut, elle a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
ALORS 3°) QUE l’existence d’un contrat de travail suppose un lien de subordination, lequel s’entend, dans un cadre rémunéré, de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en se bornant à relever que Monsieur X... était intervenu pour le compte de la société Serv’Info auprès de plusieurs clients d’Alsace du Nord, motifs insuffisants à caractériser l’exercice tant par la société Serv’Info que par la société Pi Delta d’un quelconque pouvoir de contrôle et de sanction à l’égard de Monsieur X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS 4°) QUE deux personnes morales distinctes ne sauraient, sauf fictivité, être l’employeur unique d’un salarié ; qu’en se bornant à relever que Monsieur X... était intervenu pour le compte de la société Serv’Info auprès de plusieurs clients d’Alsace du Nord, sans caractériser une confusion d’intérêts, d’activité et de direction entre la société Serv’Info et la société Pi Delta, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné solidairement les sociétés Pi Delta et Serv’Info à payer à Monsieur X... la somme de 12. 384 ¿ pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur Xavier X... qui a effectué des prestations de travail sous couvert d’un stage de formation et cela sans que l’employeur ait procédé à la déclaration préalable à l’embauche est fondé à obtenir l’indemnité pour travail dissimulé » ;
ALORS QUE le travail dissimulé suppose l’intention de l’employeur de dissimuler l’embauche d’un salarié ; qu’après avoir relevé que Monsieur X... avait été embauché dans le cadre d’une convention d’action de formation préalable à l’embauche, en partenariat avec Pôle Emploi, la cour d’appel ne pouvait condamner les employeurs au titre du travail dissimulé, sans caractériser leur intention de ne pas procéder aux formalités légales ; qu’en statuant ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 822-1 et L. 8221-5 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Colmar , du 19 février 2013