Convoyage de bateaux - stagiaire non

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 31 janvier 2012

N° de pourvoi : 11-84030

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" M. Léonard X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 5 mai 2011, qui, pour travail dissimulé, l’a condamné à un an d’emprisonnement et 180 000 francs FCP, et a prononcé sur l’action civile ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 50, 50-1, 50-2 et 114 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986, 121-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de travail dissimulé ;

”aux motifs propres et adoptés que courant 2003 et 2005, la SEM Tahiti Nui Rava’ai a conclu deux conventions avec l’Eurl Les pêcheurs marins polynésiens, gérée par M. X... jusqu’au 24 avril 2003 puis, à compter de cette date, par M. Y..., et une convention avec la Sarl Shipchandler des marins polynésiens et pêche, gérée par Mme Z..., épouse A..., pour le convoyage de thoniers entre la Corée et la Polynésie française, d’une part, et entre la Chine et la Polynésie française, d’autre part ; que, pour respecter leurs engagements, ces deux sociétés privées, qui n’avait pas d’employés, ont procédé à des embauches sans toutefois satisfaire aux obligations administratives et sociales inhérentes ; que relativement au premier convoyage, qui s’est déroulé du 10 juin au 17 juillet 2003, l’inspecteur du travail a constaté que vingt-cinq personnes avaient été recrutées : quinze tirées de l’effectif des GIP, les dix autres étant des stagiaires sous statut CNG et DIJ en stage à l’Eurl Les Pêcheurs polynésiens ; que, pour le deuxième convoyage, qui a été exécuté du 11 novembre au 17 décembre 2003, vingt-neuf personnes ont été sélectionnées dont douze agents du GIP, onze stagiaires CIG ou DIG de l’Eurl Les Pêcheurs polynésiens ainsi que six autres personnes sans statut particuliers ; que l’entreprise ne détenant pas de registre du personnel, aucun des marins n’a fait l’objet d’une inscription ; que les sommes d’argent versées à titre d’acompte ou d’avance sur frais n’ont fait l’objet d’aucune déclaration au titre des charges sociales ; qu’aucun bulletin de salaire n’a été établi ; que, relativement au troisième convoyage, réalisé du 1er mars au 16 avril 2005, trente-deux marins ont été recrutés, dont vingt-deux GIP et dix stagiaires CIG et DIJ ; que la société Shipchandler des marins polynésiens et pêche n’a pas été en mesure de présenter un registre du personnel car elle n’en détenait pas, d’où l’absence d’inscription des trente-deux marins ; qu’aucune déclaration n’avait été faite auprès de l’organisme social ; que le solde des salaires dus n’était pas payé ; que les fiches de paie n’avaient pas été établies ; qu’il était noté par l’inspecteur qu’après son passage, la gérante avait procédé à la déclaration des marins auprès de la CPS ; que l’inspecteur relevait le rôle « singulier » tenu par M. X... dans cette opération de convoyage tant au niveau du recrutement que dans la prise en charge de la logistique (billets d’avions, remise d’acomptes) ; qu’il est établi par les faits et la procédure que M. X..., qui s’est comporté comme le gérant de fait de la Sarl Shipchandler des Marins polynésiens et pêche en ce qui concerne le troisième convoyage, et M. Y..., qui apparaît comme l’homme de paille de M. X..., ont recruté, tant pour l’exécution des deux conventions signées par l’Eurl Les Pêcheurs polynésiens que pour celle de la Sarl Shipchandler des marins polynésiens et pêche, respectivement vingt-cinq, vingt-neuf et trente-deux marins pour convoyer des thoniers à partir de la Corée ou de la Chine jusqu’à Papeete, qu’aucun salaire ne leur a été versé, si ce n’est des remises d’espèces à titre d’indemnité de séjour ou d’avance sur salaire alors que les conventions stipulent que le prix inclut la rémunération des marins, qu’aucun bulletin de salaire n’a été établi ; qu’il est constant qu’un registre du personnel n’était tenu ni par l’Eurl, ni par la Sarl et qu’aucune déclaration mensuelle de main-d’oeuvre n’a été faite auprès des organismes sociaux ; que le caractère habituel de l’activité de convoyage, qui résulte de l’exécution à trois reprises de la prestation sur une durée de deux années, est parfaitement établi ;

”1) alors que seul le chef d’entreprise peut se voir imputer la responsabilité pénale du délit de travail dissimulé ; qu’en déclarant M. X... coupable de travail dissimulé au titre des deux convoyages réalisés par l’Eurl des Pêcheurs polynésiens, le premier du 10 juin au 17 juillet 2003 et le second, du 11 novembre au 17 décembre 2003, prétexte pris que M. Y..., qui était alors le gérant de cette société depuis le 24 avril 2003, aurait été son « homme de paille », sans justifier cette assertion par des énonciations faisant ressortir que M. X... aurait effectivement assuré la direction de l’Eurl, la cour d’appel n’a pas donné une base légale à sa décision ;

”2) alors qu’en déclarant M. X... coupable de travail dissimulé au titre du troisième convoyage réalisé en 2005 par la Sarl Shipchandler des marins polynésiens, prétexte pris qu’il se serait comporté comme le gérant de fait de cette Sarl en procédant au recrutement des marins et en organisant la logistique du convoyage, circonstance pourtant impropre à établir qu’il aurait assuré la direction effective de cette société, la cour d’appel n’a pas, une fois de plus, donné une base légale à sa décision ;”

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de travail dissimulé dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné M. X... à un an d’emprisonnement ferme ;

”aux motifs que les peines d’un d’emprisonnement et 180 000 FCP d’amende infligées à M. X..., qui constituent des sanctions bien proportionnées à la gravité des faits et bien adaptées à sa personnalité, l’intéressé ayant déjà été condamné à deux reprises, sont en voie de confirmation ; que, conformément à l’article 132-24, alinéa 3, du code pénal, il convient de préciser que la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent la peine d’emprisonnement ferme nécessaire, sans qu’une mesure d’aménagement ne soit possible ;

”alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent prononcer une peine d’emprisonnement ferme sans caractériser la nécessité d’une telle peine conformément aux dispositions de l’article 132-24 du code pénal et l’impossibilité d’ordonner une mesure d’aménagement ; qu’en se bornant, pour prononcer une peine d’emprisonnement ferme à l’encontre de M. X..., à relever que la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendaient cette peine nécessaire, sans qu’une mesure d’aménagement ne soit possible, sans indiquer ni a fortiori justifier que toute autre sanction aurait été manifestement inadéquate, ni exposé en quoi la personnalité et la situation de M. X... excluaient, à ses yeux, le prononcé d’une mesure d’aménagement, ni, enfin, justifier d’une impossibilité matérielle empêchant cet aménagement, la cour d’appel n’a pas donné une base légale à sa décision ;”

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a prononcé une peine d’emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l’article 132-24 du code pénal ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Maziau conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Papeete du 5 mai 2011