nièce - bar - salariée oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 3 juillet 1996

N° de pourvoi : 95-81288

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. MASSE conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juillet mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FOSSAERT-SABATIER, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par : - Y... Bernard,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 13 décembre 1994, qui l’a condamné pour travail clandestin, à 6 000 francs d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 510, 593 du Code de procédure pénale, vice de forme ;

”en ce que l’arrêt attaqué mentionne que la Cour était composée lors des débats et du délibéré de :

””Monsieur le Président : BOULY DE LESDAIN,

des conseillers : LAMBRET ET LEFEBVRE,

du greffier : Mme INGLART””,

le ministère public étant représenté aux débats et au prononcé de l’arrêt par M. X..., substitut général ;

”alors que la règle du secret des délibérations est prescrite à peine de nullité ; que l’arrêt, qui indique la présence du greffier lors du délibéré, est entaché de nullité” ;

Attendu que les mentions de l’arrêt attaqué établissent que seuls les trois magistrats composant la juridiction ont participé au délibéré, à l’exclusion du greffier ;

Qu’ainsi le moyen, qui manque en fait, ne peut qu’être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11 du Code du travail, 6 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale ; défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit d’emploi d’un travailleur clandestin ;

”aux motifs adoptés des premiers juges que les déclarations de Sabine Z... et de l’inspecteur du travail permettent d’affirmer que le prévenu a employé sa nièce et filleule pour le service de la clientèle de son fonds de commerce de café-tabac ; qu’il y a bien exercice d’activité au bar et remise de sommes d’argent en contrepartie, comme le reconnaît le prévenu ;

”et aux motifs propres qu’il n’a pas contesté devant l’inspecteur du travail que Sabine Z... travaillait chez lui régulièrement depuis des années ; qu’il s’est même engagé à régulariser la situation ; que le fait qu’il considérait celle-ci comme sa fille n’excluait pas de lien de subordination ;

”alors que, d’une part, les travaux d’entraide familiale, même rémunérés, échappent faute de but lucratif à l’interdiction de travail clandestin ; qu’en n’expliquant pas en quoi les liens familiaux entre le prévenu et sa nièce n’excluaient pas l’existence d’un lien de subordination, l’arrêt attaqué n’a pas caractérisé le but lucratif requis aux articles L. 324-9 et suivants du Code du travail et a privé sa décision de base légale ;

”alors que, d’autre part, si l’article L. 324-10 du Code du travail répute clandestines certaines activités, cette présomption de culpabilité est contraire à la présomption d’innocence reconnue par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée par la France et ayant une autorité supérieure à la loi en vertu de l’article 55 de la Constitution ; qu’en faisant application de ces dispositions, le tribunal a violé l’article 6 2 de la Convention précitée ;

”alors qu’enfin, en considérant que le prévenu n’avait pas contesté devant l’inspecteur du travail la qualité de salariée de sa nièce, tout en relevant qu’il contestait les mentions du procès-verbal de l’inspection du travail ayant procédé par “déduction” à la présence de Sabine Z... “au travail” en raison de sa seule présence dans l’établissement, l’arrêt attaqué a statué par des motifs contradictoires” ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de travail clandestin, en application de l’article L. 324-10, 3° du Code du travail, l’arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés que Bernard Y... a employé sa nièce, contre rémunération, dans son fonds de commerce de café-tabac, sans lui remettre de bulletin de paye ni la faire figurer sur le registre du personnel ; que les juges ajoutent que les constatations de l’inspecteur du travail n’ont pas été contredites par le prévenu, qui a admis que cette personne travaillait chez lui depuis plusieurs années ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, exemptes d’insuffisance ou de contradiction, les juges ont caractérisé en tous ses éléments constitutifs, notamment le but lucratif, le délit poursuivi et ainsi justifié leur décision ;

Que l’article 6 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’hommes et des libertés fondamentales, qui a pour objet non de limiter les modes de preuve prévus par la loi, mais d’exiger que la culpabilité soit légalement établie, ne met pas obstacle aux présomptions de droit ou de fait instituées en matière pénale dès lors que celles-ci, comme c’est le cas de l’article L. 324-10 du Code du travail, autorisent la preuve contraire et laissent entiers les droits de la défense ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Massé conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Fossaert-Sabatier conseiller rapporteur, MM. Guerder, Fabre, Joly, Le Gall, Mme Françoise Simon conseillers de la chambre ;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de DOUAI, 6ème chambre du 13 décembre 1994