circonstances exonératoires pour l’employeur non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 2 juin 2010

N° de pourvoi : 08-44849

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Collomp (président), président

Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l’article L. 1237-2 du code du travail, ensemble l’article L. 8221-1 de ce code ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er mars 2002 en qualité d’aide opérateur par la société Malezieux, a donné sa démission le 19 août 2005 ; que l’imputant, par courrier adressé à l’employeur début septembre 2005, notamment aux pratiques de travail dissimulé imposées par son supérieur hiérarchique, le salarié a saisi la juridiction prud’homale en requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en condamnations de l’employeur ;
Attendu que pour décider, après avoir retenu que la démission donnée le 19 août 2005 s’analysait en une prise d’acte de la rupture, que les faits invoqués par le salarié au soutien de cette prise d’acte n’étaient pas fondés, l’arrêt retient, d’une part, qu’aucun reproche ne peut être fait à l’employeur puisqu’il a condamné les pratiques de travail dissimulé imposées à M. X... par son supérieur hiérarchique et licencié ce dernier pour ce motif et, d’autre part, qu’un doute subsiste sur la réalité des propos racistes dont M. X... fait état ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résulte de ses propres constatations que les pratiques de travail dissimulé auxquelles M. X... avait été contraint de participer sur les ordres de son supérieur hiérarchique constituaient des manquements de l’employeur, responsable de ces agissements, à ses obligations, la circonstance qu’il les ait condamnés et qu’il y ait mis fin ne l’exonérant pas de sa responsabilité, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 mars 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Metz ;
Condamne la société Malezieux aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Malezieux à payer à la SCP Boré et Salve de Bruneton, la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur X... s’analysait en une démission et débouté ce salarié de l’ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE “ … contrairement à ce qu’affirme la Société Entreprise Malezieux, il … apparaît que les circonstances ayant entouré la démission de Monsieur X... demeurent troubles du fait du différend opposant l’intéressé à son supérieur hiérarchique, Monsieur Y..., et ce antérieurement à sa décision de démissionner, par suite d’une mission de travail de débouchage imposée par son chef de chantier et, par la suite, ni déclarée, ni rémunérée ;
QU’il est à relever que les deux courriers successifs de démission et “ d’explication “ portant la même écriture et signés par Monsieur X... ne sont manifestement pas rédigés de sa main à l’examen comparatif, même succinct, de sa signature avec le corps de sa lettre ; (que) le fait que le second courrier ait été rédigé à la demande de l’employeur pour étayer le dossier de licenciement ouvert contre Monsieur Y... ne fait que renforcer le caractère équivoque de la démission donnée par Monsieur X... ;
QUE s’agissant du contenu du second courrier, le salarié y fait expressément état de pressions exercées sur lui sur le fait de dénoncer ou non les agissements de son chef de chantier ; que Monsieur X... invoque la dégradation de l’ambiance de travail au sein de l’entreprise par suite de son refus d’accomplir d’autres heures non déclarées et fait état de “ paroles raciales “ adressées à son encontre ; qu’il ajoute : “ je n’ai pas voulu faire des histoires, alors j’ai décidé de démissionner de mon plein gré avant mon départ définitif de la France en juillet 2006 “ ; qu’il en résulte que la démission doit être considérée comme équivoque et s’analyse en une prise d’acte de la rupture et ce, nonobstant la date de saisine du Conseil de prud’hommes le 2 mai 2006, soit dans un délai raisonnable eu égard au climat de pression non démenti exercé sur le salarié et aux circonstances particulières ayant entouré son départ de l’entreprise ;
QUE pour autant, il reste à examiner si les faits invoqués par ce dernier au soutien de sa rupture sont fondés et produisent les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que Monsieur X... dénonce les pressions de son chef de chantier pour lui imposer des heures de travail à effectuer non déclarées et les propos raciaux tenus à son encontre ;
QUE s’agissant du premier grief, aucun reproche ne peut être fait à l’employeur qui a manifestement condamné les pratiques de travail dissimulés imposées à Monsieur X... en licenciant Monsieur Y... qui en était à l’origine ;
QUE demeurent les propos racistes émis à l’encontre de Monsieur X... et dont l’existence est mentionnée par l’attestation de Monsieur A..., lequel souligne que de tels faits étaient connus de Monsieur B..., chef d’agence, sans que pour autant il les ait dénoncés ; qu’est produite l’attestation de Monsieur B...démentant avoir été avisé de plaintes émanant de Monsieur X... et sur les conditions de travail difficiles qu’il aurait rencontrées, et sur l’existence d’insultes raciales dont il était l’objet ; qu’alors qu’il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués par Monsieur X... à l’appui de la prise d’acte de la rupture, notamment eu égard aux faits relatés par l’attestation de Monsieur A...faisant état de propos racistes non cités et non datés dans le temps, il en résulte que la situation doit être assimilée à une démission ; que le jugement ayant en conséquence débouté Monsieur X... de ses demandes d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement abusif sera confirmé “ ;
1°) ALORS QUE lorsque le salarié remet sa démission en cause en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d’une démission ; que l’employeur est tenu d’employer ses salariés dans des conditions conformes à la législation du travail qui proscrit tout emploi dissimulé, de sorte que la démission intervenue en considération de pratiques avérées de travail dissimulé imposées au salarié par son supérieur hiérarchique doit être réputée donnée en considération d’agissements imputables à l’employeur et requalifiée en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu’en décidant le contraire, la Cour d’appel a violé les articles 1147 du Code civil et L. 1237-1 du Code du travail
2°) ALORS QUE l’absence de faute de la part de l’employeur, qui doit répondre des agissements du salarié à qui il a délégué son autorité sur leurs subordonnés, ne peut l’exonérer de la responsabilité qu’il encourt envers le salarié contraint, par son supérieur hiérarchique à accomplir un travail dissimulé, c’est-à-dire “ ni déclaré, ni rémunéré “, ces agissements caractérisant un manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter et de faire exécuter le contrat de travail dans des conditions respectueuses de la législation sociale applicable ; qu’en déclarant que la démission de Monsieur X..., qu’elle constatait avoir été donnée en conséquence de pratiques de travail dissimulé que lui imposait son supérieur hiérarchique Marc Y..., n’avait pas pour origine un fait susceptible d’être reproché à l’employeur qui les avait “ manifestement condamnées … en licenciant Monsieur Y... qui en était à l’origine “, la Cour d’appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble l’article L. 8221-1 du Code du travail ;
3°) ALORS en outre QUE la qualification de la rupture s’apprécie en considération des faits l’ayant motivée au jour où elle a été donnée ; qu’en excluant que les pratiques constatées de travail dissimulé à l’origine de la démission de Monsieur X... donnée le 9 août 2005 puissent rendre la rupture imputable à l’employeur au motif inopérant pris de ce qu’il avait procédé, le 5 octobre 2005 soit plusieurs semaines plus tard, au licenciement du supérieur hiérarchique qui les lui avait imposées, la Cour d’appel a violé derechef les textes susvisés.
Décision attaquée : Cour d’appel de Nancy du 14 mars 2008

Textes appliqués :
* Cour d’appel de Nancy, Chambre sociale, 14 mars 2008, 07/00580