cumul dommages et intérêts avec indemnité forfaitaire

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 19 septembre 2013

N° de pourvoi : 12-13093

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01403

Non publié au bulletin

Rejet

M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 2011), que Mme X... a été engagée le 10 novembre 1997, selon un contrat de travail à temps partiel, par la société Editions Jalou en qualité de rédactrice en chef adjointe du magazine L’Officiel de la couture ; qu’elle a été promue « rédactrice en chef magazine » en 2002 ; que le 6 novembre 2006, il lui a été demandé de s’occuper d’une partie du magazine, intitulée « L’Officiel business », assortissant la revue de mode ; qu’elle a réalisé deux numéros, en avril et octobre 2007 ; que par lettre du 20 décembre 2007, invoquant l’impossibilité d’accepter la modification de fonctions imposée par l’employeur, elle a demandé à être réintégrée pleinement dans son précédent poste ; qu’estimant que ses fonctions s’étaient dégradées, elle a fait savoir à son employeur par lettre du 29 janvier 2008 qu’elle considérait que celui-ci avait résilié son contrat de travail ; qu’ayant pris acte de la rupture aux torts de l’employeur, elle a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes, notamment au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les premier, deuxième et quatrième moyens :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Editions Jalou fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la salariée une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la dissimulation de son emploi en sus de l’indemnité conventionnelle de licenciement alors, selon le moyen ;

1°/ que la seule constatation de la violation d’une prescription légale ou réglementaire n’implique pas nécessairement, de la part de l’employeur, une intention frauduleuse justifiant sa condamnation à payer au salarié une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; en l’espèce, en se déterminant aux termes de motifs qui ne caractérisent pas l’élément intentionnel du travail dissimulé, lequel ne peut se déduire de la seule absence des mentions obligatoires sur le contrat de travail à temps partiel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail ;
2°/ que, subsidiairement et en tout état de cause, si en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours, dans les conditions du travail dissimulé, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, celle-ci ne se cumule pas avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ; qu’en condamnant, néanmoins, la société Editions Jalou à payer à Mme X... une indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité pour travail dissimulé, la cour d’appel a violé l’article L. 8223-1 du code du travail ;
Mais attendu que selon l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus par l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; qu’au regard de la nature de sanction civile de cette indemnité, ces dispositions ne font pas obstacle au cumul de l’indemnité forfaitaire qu’elles prévoient avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail ; que la cour d’appel, qui a relevé que l’intention frauduleuse de l’employeur était caractérisée par l’absence des mentions correspondant au temps de travail réellement effectué, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Edition Jalou aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Edition Jalou et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Editions Jalou
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société LES EDITIONS JALOU à payer à Madame X... différentes sommes et, notamment, 74. 500 ¿ nets de charges sociales à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 72. 909, 33 ¿ nets de toutes charges sociales à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 1. 0652, 66 ¿ bruts de charges sociales à titre d’indemnité compensatrice de préavis, plus congés payés afférents ainsi que la somme de 15. 978, 99 ¿ bruts de charges sociales à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur ;
AUX MOTIFS QUE « a) Sur la modification du contrat de travail, l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d’un salarié. La circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu’il effectuait antérieurement, dès l’instant où elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail. Le refus par un salarié de continuer le travail ou de le reprendre après un changement de ses conditions de travail décidé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction constitue, en principe, une faute grave qu’il appartient à l’employeur de sanctionner par un licenciement. En l’espèce, le contrat de travail de Madame X... mentionne que sa qualification est celle de « rédactrice en chef adjointe partie magazine du support l’Officiel de la Couture ». A compter d’octobre 2002, Madame X... est devenue « rédactrice en chef magazine ». La société lui a demandé le 6 novembre 2006 de lancer un nouveau magazine, l’Officiel Business. Aucun numéro d’ISSN et de Commission paritaire n’a été attribué à L’Officiel Business, contrairement à ce qui était envisagé. Or, l’article 8 de la convention collective des journalistes, applicable au cas d’espèce, prévoit que : « Si un journaliste est appelé par son employeur à collaborer à un autre titre que celui auquel il est attaché ou à exécuter son contrat de travail selon un mode d’expression différent, cette modification doit faire l’objet d’un accord’dans les conditions prévues à l’article 20 », lequel prévoit qu’« un échange de lettres sera nécessaire chaque fois qu’interviendra une modification du contrat de travail », ce qui n’a pas été fait avec Madame X... alors que, contrairement à ce que soutient son employeur, il ne s’agissait non d’une simple modification des conditions de travail mais d’une modification du contrat de travail, puisque non seulement sa qualification contractuelle, à savoir celle de rédactrice en chef du magazine l’Officiel de la Couture, avait été modifiée, mais ses attributions et ses tâches n’étaient plus les mêmes, ainsi que son lien hiérarchique, étant même placée sous la direction de sa remplaçante, Madame Z... à compter du mois de janvier 2008. Enfin, la cour observe que dès l’annonce de ses nouvelles fonctions. Madame X... a réagi en ces termes par courriel du 7 novembre 2006 adressé à Marie-José Y... : « Je suis encore sous le choc de la nouvelle que vous m’avez annoncé hier et j’avoue ne toujours pas comprendre comment une mesure aussi brutale a pu intervenir, après neuf ans d’implication totale dans cette rédaction alors que le titre se porte bien et que j’ai réussi à boucler le dernier numéro dans des conditions très difficiles. J’ai malgré tout commencé, dès la fin de la réunion d’hier, à réfléchir au nouveau projet que vous me proposer de lancer. Un défi très intéressant mais qui ne constitue pas une promotion puisque je devrais quitter un titre solide et doté d’une véritable équipe pour un supplément de moindre importance qui représente un challenge risqué et difficile, doté d’un budget moindre. Pour pouvoir accepter sans réserve cette proposition je souhaiterais donc disposer de plus d’informations sur la pérennité de ce poste, l’équipe dont je disposerai et reparler de certains points d’organisation. » Elle a par la suite ajouté par courrier du 20 novembre 2006, adressé à Marie-José Y..., présidente des éditions Jalou, ceci : « ... J’ai été assez étonnée par la rapidité avec laquelle les choses se sont passées. En effet, apprendre l’après midi pour le lendemain que je dois laisser mon poste à une autre personne est une chose plutôt déstabilisante. J’ai reçu jeudi la visite d’Alex I... me demandant de quitter mon bureau pour m’installer dans les locaux de l’Optimum, dans un espace étriqué et plus exposé. Je m’incline si c’est votre souhait mais j’aimerai que cela ne se déroule pas de façon trop humiliante pour moi. Je souhaiterais aussi avoir le temps de trier mes affaires. J’ai bien noté que mon salaire annuel sera le même et que mon nom restera dans l’ours de l’Officiel ». Il en résulte que non seulement Madame X... avait émis des réserves dès le début des changements imposés mais qu’elle a réitéré ces dernières tout au long des mois qui ont suivi ces changements. Or, l’acceptation de modifications du contrat de travail ne doit présenter aucun caractère équivoque et ne peut résulter de la poursuite de l’exécution du travail aux nouvelles conditions. Par ailleurs, par courrier du 16 avril 2008, l’inspecteur du travail avait indiqué à la société ceci : « Je vous rappelle aussi que vous ne pouvez modifier unilatéralement un élément essentiel du contrat de travail d’un salarié sans son accord express. Or, la jurisprudence considère que la déqualification des tâches d’un salarié constitue une modification d’un élément essentiel du contrat, et il semble bien que les modifications successives du contenu du travail de Madame X... se soient traduites par une déqualification de ses tâches ». Enfin, aucun avenant n’a été signé entre les parties. Dans ces conditions, Madame X... était en droit de solliciter sa réintégration dans le poste correspondant à sa qualification contractuelle, à savoir rédactrice en chef du magazine l’Officiel de la Couture, ce qu’elle a fait par courrier du 20 décembre 2007, en vain. » (arrêt, p. 6 à 8) ;
1./ ALORS QUE ne justifie pas une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié, la simple modification des conditions de travail ou des tâches confiées au salarié et décidées par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction ; qu’en l’espèce, rédactrice en Chef Adjointe puis rédactrice en chef de la partie magazine de L’Officiel de la Couture de la Mode de Paris- ¿ et non « du » magazine-la cour d’appel ne pouvait affirmer que Mme X..., qui a été valorisée dans ses tâches en se voyant confier, en 2006, des fonctions de rédactrice en chef de L’Officiel Business, tout en restant collaboratrice de l’Officiel de la Couture, avec la même qualification, sans modification de sa rémunération ou de sa durée du travail, avait subi une modification du contrat de travail, sans préciser en quoi consistaient les modifications alléguées tant au titre de la qualification que des nouvelles fonctions, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil et de l’article L. 1231-1 du code du travail ;
2./ ALORS QU’au surplus, l’employeur ayant développé des moyens déterminants dans ses conclusions d’appel (p. 4 à 12, 23 à 25) quant à la nature des tâches et au niveau des responsabilités exercées par la salariée avant 2006 et à l’absence de toute modification de sa qualification à l’occasion de sa nomination, en 2006, au poste que rédactrice en chef du magazine L’Officiel Business, pour démontrer que le simple exercice de tâches différentes de celles antérieurement effectuées ne caractérisait pas une modification contractuelle, la Cour d’appel ne pouvait omettre d’y répondre sans violer l’article 455 du Code de procédure civile ;
PUIS AUX MOTIFS QU’« b) Sur le manquement lié aux conditions de travail, Madame X... affirme que la façon dont elle a été traitée tout le long de la relation contractuelle justifie également la prise d’acte, déplorant un manque de moyens matériels, humains et financiers ainsi qu’une « mise au placard professionnelle », ce que conteste son employeur. S’agissant du manque de moyens matériel. Madame X... justifie avoir interrogé son employeur en ces termes : « J’aurais besoin de quelques précisions sur les moyens et l’équipe dont je disposerai et aussi ce que je deviendrai si ce titre ne répond pas à vos espérances. Il faudrait que nous en reparlions... » puis avoir attiré son attention, dès son entrée en fonction, sur ses conditions de travail en ces termes : « Je suis arrivée dans mon nouveau bureau alors que rien n’était prêt : tous les placards sont plein, (...) je ne peux rien ranger, c’est le chaos total (.). Je devais avancer pour lundi sur le projet en travaillant sur ma doc papier qui est désormais totalement éparpillée. Avec la meilleure volonté du monde, je ne vois pas comment faire (..) ». Madame X... démontre en outre qu’elle s’est plainte à plusieurs reprises notamment d’avoir retrouvé son bureau « dévasté par la chute d’une étagère », non réparée par la suite, d’avoir retrouvé ses affaires personnelles déménagées, l’emplacement de son bureau modifié pour permettre l’adjonction de trois nouveaux bureaux collés contre le sien, ainsi que de la disparition de ses lunettes volées et de notes destinées à rédiger deux sujets. Elle justifie également avoir dénoncé le fait qu’elle ne bénéficiait pas d’un matériel adapté à la réalisation du projet (ordinateur lent ; imprimante défectueuse, internet et téléphone en panne, secrétaire et directeur artistique dépourvus de bureaux ou d’ordinateur adapté...), situations qu’elle qualifiait d’humiliantes le 2 décembre 2007 et dont elle demandait qu’elles ne se reproduisent plus. Elle précise que l’équipe en était réduite à déménager chez le graveur pour disposer de matériel adapté lors des bouclages. Madame A... atteste ceci : « J’ai dû les deux fois terminer mon travail directement chez le photograveur, qui me laissait disposer d’un poste de travail normal, avec Cécile X..., qui venait relire avec moi les derniers maquettes modifiées au dernier moment par la direction ou le directeur de création ». Michèle B... A... et Danièle D..., secrétaires de rédaction à l’époque des faits constatés, attestent de l’environnement de travail de Madame Cécile X... en ces termes :- « Je découvre qu’on a enlevé son bureau à Cécile X... pour la placer dans un petit bureau, dans un coin d’une autre rédaction (l’Optimum). Elle n’a qu’un petite-mac défraîchi.... » ;- « Mon bureau était si exigu que je n’avais pas de place où poser une page à plat afin de la relire. Il était accolé de face à celui, guère plus grand de Cécile, dont l’ordinateur débordait sur m o n bureau et réciproquement ». Il en résulte que Madame X... n’avait pas les moyens matériels suffisants pour assurer sereinement ses nouvelles fonctions. S’agissant du manque de moyens humains et financiers pour assurer le lancement du nouveau magazine, Madame X... affirme qu’elle a appris dès le 28 décembre 2006, que le budget annoncé avait diminué de moitié. Elle démontre avoir alerté la Direction sur les difficultés en résultant par courriels des 28 décembre 2006, 15 octobre 2007 et 12 novembre suivant. Il résulte des échanges de courriels produits, de l’attestation de Malika E... épouse F..., journaliste pigiste à l’époque des faits, et du « chemin de fer financier » de l’Officiel Business, que le budget attribué était tel que Madame X... a dû recourir à des sujets gratuits voire mêm e négocier à moitié prix les piges de certains journalistes. Le prix unitaire à la page de ce nouveau magazine comparé à celui de l’Officiel était environ deux fois moindre en 2007, étant observé que la comparaison faite par l’employeur avec l’officiel Voyage est inopérante puisque ce magazine ne contenait pas de pages « mode » qui sont précisément les plus chères. Or, en dépit des alertes de Madame X..., la Direction a réduit davantage le budget de l’Officiel Business en 2008. Par ailleurs, il est établi que dès le 28 décembre 2006, Madame X... a alerté la Direction sur l’absence de moyens humain mis à sa disposition en ces termes : « Je me trouve par ailleurs très seule sur ce projet puisque je dois lancer les sujets sans entretien préalable avec un D A ou un maquettiste et sans adjoint. Thomas G... avait Alice pour lui, sur deux fois plus d’heures, ainsi que Daphné pour l’aider et plus de temps de préparation. Il a malgré tout trébuché. Emmanuel H... a une équipe solide. Je n’ai pour l’instant pas même une stagiaire et il faut, en plus, que j’écrive beaucoup de pages. C’est une situation inédite. Quelque soit le nombre de parutions ultérieures, la difficulté de mise au point d’un nouveau magazine reste entière ». Par la suite, l’absence de budget suffisant a privé Madame X... d’un iconographe réellement disponible pourtant essentiel à la réalisation du projet. Il en résulte que l’absence de moyens humains et financiers suffisants pour mener à bien les fonctions confiées est établie. Madame X... a dénoncé sans équivoque la gravité de la situation, notamment en ces termes par courriel 19 février 2007 : « Je me heurte à des obstacles de tous les niveaux. Puisqu’il faut tirer la sonnette d’alarme tant que l’on peut sauver la situation, je la tire vigoureusement ». Bien qu’alertée de l’absence de moyens matériels, financiers et humains non seulement dès le début du projet mais également tout au long de sa réalisation, la société ne démontre pas avoir apporté une réponse permettant que la situation dénoncée s’améliore, adressant en revanche à Madame X... des reproches concernant des erreurs commises et son manque d’organisation. Dans un courrier circonstancié du 3 décembre 2007, Madame X... a par ailleurs contesté point par point ces critiques et a indiqué que le changement de poste lui avait été brutalement imposé. Son employeur, bien que conscient des difficultés rencontrées, a cependant refusé par la suite de faire droit à sa demande de réintégration formulée par courrier du 20 décembre 2007. S’agissant enfin de la mise au placard « professionnelle » dénoncée par Madame X..., il n’est pas contesté qu’elle a tenu 9 ans durant la rédaction en chef d’un magazine de mode prestigieux. En acceptant, manifestement sous la contrainte morale et avec les réserves ci-dessus rappelées, de nouvelles fonctions, Madame X... a en réalité été « rétrogradée », l’Officiel Business n’ayant pas la même envergure que l’Officiel, cette rétrogradation s’étant au surplus accompagnée de mesures vexatoires puisqu’elle a notamment :- été radiée des listes fournies par la direction aux marques, pour les invitations aux défilés de couture, lesquelles sont liées aux fonctions de rédactrice en chef d’un magazine de mode et à la réputation professionnelle ;- été écartée des autres invitations ou figuraient pourtant tous ses confères du groupe ;- été publiquement malmenée, comme en atteste Malika E... en ces termes : Madame X... « a mené l’Officiel de la Mode au plus haut niveau dans un secteur très concurrentiel centré sur la presse féminine de luxe. Bras droit de Marie José Y..., elle a brutalement été écartée de l’Officiel de la mode où elle fournissait pourtant un travail formidable chaque mois. Elle a été placée à la tête d’un hors série, l’Officiel Business (...) Ce projet sans grand avenir ne pouvait être une promotion pour Cécile X..., et n’était pas considérée comme telle par la profession (...). Elle a donc dû trouver un autre emploi. Elle a trouvé un poste dans un magazine web, Prestigium. com. Toutefois dans notre milieu professionnel cela constitue clairement une rétrogradation, un point négatif dans une carrière du niveau de celle de Cécile X.... Les sites web sont aléatoires, précaires et il est difficile d’obtenir interview ou reportages dont bénéficient la presse classique et installée ». Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les griefs invoqués par Madame X... à l’encontre de son employeur sont fondés. » (arrêt, p. 8 à 10) ;
3./ ALORS QU’une décision de justice doit se suffire à elle-même et le juge doit, pour motiver sa décision, se déterminer d’après les circonstances particulières du procès analysées par ses soins ; qu’en l’espèce, la cour d’appel s’est bornée à reprendre un à un les arguments exposés par la salariée dans ses conclusions d’appel et à citer in extenso diverses attestations visées dans ces mêmes écritures, sans autre analyse ni examen des moyens et éléments de preuve présentés par l’employeur, la cour d’appel, qui s’est prononcée par une apparence de motivation, a violé l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
4./ ALORS QUE la société Editions JALOU faisait expressément valoir dans ses écritures (p. 5 § 7, p. 6 § 6 à 8, p. 23 § 6) que Mme X... avait été non pas rédactrice en chef « du » magazine L’Officiel de la Mode mais « rédactrice en chef ¿ magazine » de ce titre essentiellement consacré à des photos de mode, avant de se voir confier, en 2006, des fonctions de rédactrice en chef de L’Officiel Business ; qu’en affirmant qu’il n’était pas contesté que Mme X... a tenu pendant 9 ans la rédaction en chef d’un magazine de mode prestigieux quand la société Editions JALOU n’a cessé de soutenir que la salariée n’était pas rédactrice en chef du magazine l’Officiel mais seulement rédactrice en chef de la partie magazine de cette revue, la Cour d’appel a violé les termes du litige et l’article 4 du Code de procédure civile ;
ET ENFIN AUX MOTIFS QU’« Sur les infractions à la durée du travail : Madame X... soutient que son contrat de travail à temps partiel est irrégulier, qu’elle travaillait en réalité à temps complet et effectuait des heures supplémentaires, ce que conteste son employeur. Aux termes de l’article L. 2123-14 du Code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit contenir obligatoirement certaines mentions dont notamment :- la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue,- la répartition de la durée du travail entre les jours ou les semaines,- les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir,- les modalités selon lesquelles les horaires de travail seront communiqués au salarié,- les limites dans lesquelles le salarié peut afficher des heures complémentaires. Madame X... a été embauchée en contrat de travail à temps partiel. Or, aucune des mentions obligatoires ne figurent dans son contrat. Dès lors, le contrat est présumé à temps complet. C’est vainement que la société invoque l’article 29 de la Convention collective des journalistes selon lequel la répartition des heures n’est pas déterminable alors que cet article concerne précisément les journalistes travaillant à temps plein. En outre, Madame X... produit son agenda et des courriels qui démontrent qu’alors qu’elle avait obtenu de ne pas travailler le mercredi (soit 110 heures mensuelles), la répartition du temps de travail envisagée n’a pu être respectée du fait de la charge de travail, étant contrainte de travailler à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, tout au long de la semaine, y compris le mercredi et certains week-ends. Le fait que Madame X... a fait une croisière sur le Nil ne met nullement à néant ce grief, puisqu’elle explique qu’elle s’est déplacée, en effectuant cette croisière, avec l’accord de sa direction, pour réaliser un article pour l’Officiel Business et qu’elle a réalisé un deuxième article gratuit pour L’Officiel Voyage, ce qui constituait une économie pour la société, laquelle ne démontre pas le contraire. Les éléments versés au débat démontrent au demeurant que la société a imposé à Madame X... de rester en permanence à la disposition de son employeur, générant des heures complémentaires nettement supérieures à la durée légale et ce, sans respect du délai de prévenance et sans aucune majoration de salaire, étant observé que Madame X... n’est pas démentie lorsqu’elle soutient que sa remplaçante a été recrutée à temps complet et qu’une équipe complète lui a été adjointe. Si des heures on bien été compensées par des jours de récupération, il ressort des pièces produites que cela résulte de difficiles négociations, Madame X... écrivant notamment ceci en 2004 : « J’ai donc appris mi août qu’il m’était soudain contesté le droit de récupérer les mercredis travaillés. Je vous rappelle que mon contrat prévoit un temps partiel avec des mercredis libres. Voilà sept ans que les impératifs de bouclage ou autres m’obligent à travailler le mercredi (...) ». II résulte des ces éléments que le grief allégué est fondé. » (arrêt, p. 10-11) ;
5./ ALORS QU’en l’absence des mentions légales telles que prévues par l’article L. 3123-14 du Code du travail, le contrat de travail à temps partiel est présumé à temps complet, sauf preuve par l’employeur de la durée exacte convenue et de la possibilité pour le salarié de prévoir son rythme de travail sans avoir à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; qu’en l’espèce, la société Editions JALOU faisait valoir qu’en raison même de ses fonctions de rédactrice en chef et du tirage, limité à deux fois dans l’année, de l’Officiel Business la salariée était totalement libre de s’organiser à sa convenance durant le temps de travail convenu, de sorte que ses prétendus dépassements d’horaires, qui n’étaient pas demandés par l’employeur, étaient nécessairement imputables à son seul manque d’organisation ; qu’en ne répondant pas à ces moyens pertinents, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
6./ ALORS SUBSIDIAIREMENT QU’il résulte des propres constatations de l’arrêt que des heures ont bien été compensées par des jours de récupération, de sorte qu’en ne constatant pas exactement dans quelles proportions le temps partiel de Mme X... avait été dépassé et en ne recherchant pas si la salariée avait bénéficié d’heures de compensation, ce qui était de nature à ôter au grief allégué un caractère de gravité suffisant pour justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil et de l’article L. 1231-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et condamné la société LES EDITIONS JALOU à payer à Madame X... les sommes de 36. 584 ¿ à titre de rappel de salaire sur la période non prescrite au titre de la requalification à temps plein, plus congés payés afférents, 2. 926, 72 ¿ bruts de charges sociales à titre de rappel de treizième mois afférent, rappel de congés payés et D’AVOIR par conséquent calculé l’ensemble des indemnités auxquelles l’employeur a été condamné sur la base d’un temps plein ;
AUX MOTIFS QUE « Sur les infractions à la durée du travail : Madame X... soutient que son contrat de travail à temps partiel est irrégulier, qu’elle travaillait en réalité à temps complet et effectuait des heures supplémentaires, ce que conteste son employeur. Aux termes de l’article L. 2123-14 du Code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit contenir obligatoirement certaines mentions dont notamment :- la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue,- la répartition de la durée du travail entre les jours ou les semaines,- les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir,- les modalités selon lesquelles les horaires de travail seront communiqués au salarié,- les limites dans lesquelles le salarié peut afficher des heures complémentaires. Madame X... a été embauchée en contrat de travail à temps partiel. Or, aucune des mentions obligatoires ne figurent dans son contrat. Dès lors, le contrat est présumé à temps complet. C’est vainement que la société invoque l’article 29 de la Convention collective des journalistes selon lequel la répartition des heures n’est pas déterminable alors que cet article concerne précisément les journalistes travaillant à temps plein. En outre, Madame X... produit son agenda et des courriels qui démontrent qu’alors qu’elle avait obtenu de ne pas travailler le mercredi (soit 110 heures mensuelles), la répartition du temps de travail envisagée n’a pu être respectée du fait de la charge de travail, étant contrainte de travailler à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, tout au long de la semaine, y compris le mercredi et certains week-ends. Le fait que Madame X... a fait une croisière sur le Nil ne met nullement à néant ce grief, puisqu’elle explique qu’elle s’est déplacée, en effectuant cette croisière, avec l’accord de sa direction, pour réaliser un article pour l’Officiel Business et qu’elle a réalisé un deuxième article gratuit pour L’Officiel Voyage, ce qui constituait une économie pour la société, laquelle ne démontre pas le contraire. Les éléments versés au débat démontrent au demeurant que la société a imposé à Madame X... de rester en permanence à la disposition de son employeur, générant des heures complémentaires nettement supérieures à la durée légale et ce, sans respect du délai de prévenance et sans aucune majoration de salaire, étant observé que Madame X... n’est pas démentie lorsqu’elle soutient que sa remplaçante a été recrutée à temps complet et qu’une équipe complète lui a été adjointe. Si des heures on bien été compensées par des jours de récupération, il ressort des pièces produites que cela résulte de difficiles négociations, Madame X... écrivant notamment ceci en 2004 : « J’ai donc appris mi août qu’il m’était soudain contesté le droit de récupérer les mercredis travaillés. Je vous rappelle que m o n contrat prévoit un temps partiel avec des mercredis libres. Voilà sept ans que les impératifs de bouclage ou autres m’obligent à travailler le mercredi (...) ». II résulte des ces éléments que le grief allégué est fondé. En outre, en l’absence des mentions obligatoires visées ci-dessus et compte tenu de l’accomplissement d’heures complémentaires au-delà des limites autorisées, il convient de faire droit à la demande de requalification du contrat en contrat à temps plein dans les limites de la prescription quinquennale » (arrêt, p. 10-11-13 § avant dernier §) ;
1./ ALORS QU’en l’absence des mentions légales telles que prévues par l’article L. 3123-14 du Code du travail, le contrat de travail à temps partiel est présumé à temps complet, sauf preuve par l’employeur de la durée exacte convenue et de la possibilité pour le salarié de prévoir son rythme de travail sans avoir à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; qu’en l’espèce, la société Editions JALOU faisait valoir qu’en raison même de ses fonctions de rédactrice en chef de l’Officiel Business dont le tirage était limité à deux fois dans l’année, la salariée était totalement libre de s’organiser à sa convenance durant le temps de travail convenu, de sorte que ses prétendus dépassements d’horaires, qui n’étaient pas demandés par l’employeur, étaient nécessairement imputables à son seul manque d’organisation ; qu’en ne répondant pas à ces moyens pertinents, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
2./ ALORS QU’il résulte des propres constatations de l’arrêt que des heures ont bien été compensées par des jours de récupération, de sorte qu’en ne constatant pas exactement dans quelles proportions le temps partiel de Mme X... avait été dépassé et en ne recherchant pas si la salariée avait bénéficié d’heures de compensation, ce qui était de nature à ôter au grief allégué un caractère de gravité suffisant pour justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil et de l’article L. 1231-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la société Editions JALOU à payer à Mme X... une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la dissimulation de son emploi en sus de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE « Madame X... est également fondée à obtenir le versement des indemnités suivantes : une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la dissimulation de son emploi, l’intention frauduleuse de l’employeur étant caractérisée par l’absence des mentions correspondant au temps de travail réellement effectué, en application de l’article L. 8223-1 du code du travail, soit la somme de 31. 957, 98 ¿ » (arrêt, p. 14, § 1) ;
1./ ALORS QUE la seule constatation de la violation d’une prescription légale ou réglementaire n’implique pas nécessairement, de la part de l’employeur, une intention frauduleuse justifiant sa condamnation à payer au salarié une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; qu’en l’espèce, en se déterminant aux termes de motifs qui ne caractérisent pas l’élément intentionnel du travail dissimulé, lequel ne peut se déduire de la seule absence des mentions obligatoires sur le contrat de travail à temps partiel, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail ;
2./ ALORS, SUBSIDIAIREMENT ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE, si en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours, dans les conditions du travail dissimulé, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, celle-ci ne se cumule pas avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ; qu’en condamnant, néanmoins, la société Editions JALOU à payer à Mme X... une indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité pour travail dissimulé, la Cour d’appel a violé l’article L. 8223-1 du Code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la société Editions JALOU à payer en outre à Mme X... la somme de 5. 000 ¿ de dommages-intérêts pour préjudice distinct moral et professionnel en sus des indemnités diverses allouées au titre de la rupture, du travail dissimulé, de la violation du statut protecteur ;
AUX MOTIFS QUE « Madame X... est également fondée à obtenir le versement des indemnités suivantes : ¿ des dommages-intérêts pour préjudice moral et professionnel distinct de celui réparé par l’indemnité de licenciement » (arrêt, p. 14, § 4) ;
1./ ALORS QUE toute décision doit être motivée à peine de nullité ; que la Cour d’appel, qui a condamné la société Editions JALOU à des dommages-intérêts pour préjudice moral et professionnel distinct de celui réparé par l’indemnité de licenciement sans autre motif, a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
2./ ALORS subsidiairement QUE la cassation à intervenir sur le moyen relatif à la requalification de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par Mme X... en licenciement sans cause réelle et sérieuse emportera cassation par voie de conséquence de l’arrêt en ce qu’il a octroyé à la salariée des dommages-intérêts pour préjudice moral et professionnel distinct, en application de l’article 624 du Code de procédure civile ;
3./ ALORS encore plus subsidiairement QUE pour obtenir des dommages-intérêts pour préjudice distinct, le salarié doit démontrer une faute de l’employeur lui ayant occasionné un préjudice distinct de celui résultant du licenciement ; qu’en s’abstenant de caractériser le comportement fautif de la société Editions JALOU dans les circonstances ayant entouré la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par Mme X... et lui ayant causé un préjudice distinct de celui résultant du licenciement, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du Code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 1 décembre 2011