caractère intentionnel non

, par Hervé

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 14 mars 2018

N° de pourvoi : 16-13782

ECLI:FR:CCASS:2018:SO00374

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à la société Art paysage du désistement de son pourvoi formé à l’égard de Mme X...Z..., prise en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de ladite société ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Y..., engagé à compter du 19 octobre 2009 en qualité d’ouvrier qualifié et de commercial par la société Art paysage, a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 24 décembre 2012 et a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de manquements imputables à l’employeur ainsi que de demandes en paiement de diverses sommes, notamment au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé ; que la société, mise en redressement judiciaire le 4 novembre 2013, a bénéficié d’un plan de continuation arrêté le 1er juin 2015, Mme X...Z... étant nommée en qualité de commissaire à l’exécution du plan ;

Sur le second moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, qui est recevable :

Vu l’article L. 8221-5 du code de travail, dans sa version applicable au litige ;

Attendu que pour fixer au passif de la société la créance du salarié à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l’arrêt retient, après avoir fait droit à la demande de l’intéressé en paiement d’heures supplémentaires, que les circonstances d’exécution du travail que l’employeur était parfaitement en mesure de contrôler conduisent à retenir une intention de dissimulation ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’élément intentionnel du travail dissimulé, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il fixe au passif du redressement judiciaire de la société Art paysage la créance de M. Y... à la somme de 13 532,28 euros pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 15 janvier 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rouen ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Art paysage

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Art paysage fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamnée à fixer à son passif la créance de M. Y... à la somme de 13532,28 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE sur le travail dissimulé ; que les circonstances d’exécution du travail que l’employeur était parfaitement en mesure de contrôler, conduisent à retenir une intention de dissimulation et à faire droit à la demande ;

ALORS QUE la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu’en se bornant, pour faire droit à la demande du salarié en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, à énoncer que les circonstances d’exécution du travail que l’employeur était parfaitement en mesure de contrôler, conduisaient à retenir une intention de dissimulation, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’intention de l’employeur de dissimuler l’emploi du salarié et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Art paysage fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. Y... produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d’avoir en conséquence fixé à son passif la créance du salarié aux sommes de 2255,38 euros d’indemnité compensatrice de préavis, de 225,53 euros de congés payés afférents, de 1430 euros d’indemnité de licenciement et à la somme 12.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE sur la requalification de la prise d’acte ; que M. Y... expose que le contrat de travail stipulait que, en sus de sa rémunération mensuelle brute, il percevrait une commission de 5% sur les nouvelles ventes signées et payées ; que c’est en se-prévalant exclusivement du non versement de cette commission qu’il a pris acte de la rupture le 24 décembre 2012 avec un préavis d’un mois expirant le 30 janvier 2013 et il n’argue que de ce manquement à l’appui de sa demande tendant à voir requalifier la rupture ; qu’il est constant que lors d’un entretien qui s’est déroulé le 9 janvier 2013, la société Art paysage a reconnu devoir une somme de 3 573,43 euros au titre des commissions dues pour la période du 1er octobre 2011 au 9 janvier 2013 qu’elle s’est engagée à payer en plusieurs fois ; qu’ainsi, le manquement est avéré, il a perduré pendant plusieurs mois et perdurait au jour de la prise d’acte sans que jusqu’alors l’employeur ait exprimé son intention de régulariser la situation ; que peu important à cet égard que le salarié ait estimé devoir notifier la rupture avec un délai de préavis et la régularisation n’étant intervenue que postérieurement à la notification de la rupture, au demeurant à effet différé, usera jugé que le non-paiement répété d’une part non négligeable de la rémunération rendait impossible le maintien du contrat ; que la prise d’acte produit donc les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que l’a retenu le juge départiteur qui a exactement jugé que seul restait dû un mois de préavis, M. Y... en ayant déjà accompli un, et exactement évalué- le montant de l’indemnité de licenciement ; qu’en considération de l’ancienneté, du salaire perçu (2 255,38 euros) et de l’absence de toute explication de M. Y... sur sa situation actuelle, le préjudice subi sera évalué à 12 000 euros ;

ALORS QUE seul un manquement suffisamment grave de l’employeur, qui empêche la poursuite du contrat de travail, peut justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ; qu’en se bornant, pour juger que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par M. Y... produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à énoncer que le non-paiement répété d’une part non négligeable de la rémunération rendait impossible le maintien du contrat, sans vérifier, ainsi qu’elle y était invitée, si la circonstance que le salarié ait attendu près de deux années pour invoquer, au soutien de sa prise d’acte du 24 décembre 2012, le non-paiement de ses commissions, n’excluait pas l’existence de manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1235-1 du code du travail, ensemble l’article 1134 du code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel de Caen , du 15 janvier 2016