dissimulation salarié

Le : 04/11/2013

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 30 mai 2000

N° de pourvoi : 99-84705

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mai deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller JOLY, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X...Serge,

contre l’arrêt de la cour d’appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 18 juin 1999, qui l’a condamné à 25 000 francs d’amende pour travail dissimulé et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 462, 486, 510, 591 et 592 du Code de procédure pénale ;

” en ce que l’arrêt attaqué constate qu’à l’audience du 2 avril 1999, les débats terminés, la Cour, qui était composée de M. Rolland, président, de Mme Jean et de Mme Schellino, conseillers, a mis l’affaire en délibéré pour son arrêt être prononcé à l’audience du 28 mai 1999, toutes parties avisées de s’y trouver ; que la Cour s’est retirée et, dans la même composition, les magistrats du siège en ont délibéré conformément à la loi, pour le présent arrêt être rendu le 28 mai 1999 ; et ledit jour, 28 mai 1999, le délibéré a été prorogé au 11 juin 1999, toutes parties avisées de s’y trouver ; et ledit jour, 11 juin 1999, le délibéré a été prorogé au 18 juin 1999, toutes parties avisées de s’y trouver, et enfin qu’à l’audience du 18 juin 1999, l’arrêt a été prononcé par Mme Jean, conseiller (arrêt, pages 1, 4 et 5) ;

” alors que seuls les magistrats devant lesquels l’affaire a été débattue peuvent en délibérer ; que ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale l’arrêt attaqué qui, se bornant à préciser la composition de la Cour à l’audience des débats du 2 avril 1999 et lors du délibéré du même jour, indique que le délibéré a fait l’objet de deux prorogations, sans que la composition de la cour d’appel, au cours de ces délibérés successifs, ne soit précisée, et énonce qu’à l’audience du 18 juin 1999, seule Mme Jean, conseiller, a prononcé l’arrêt attaqué “ ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, les mentions de l’arrêt établissent que seuls les magistrats devant lesquels l’affaire a été débattue en ont délibéré ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10 et L. 362-3 du Code du travail, 2, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Serge X...coupable du délit d’exécution d’un travail clandestin, concernant Jean A... ;

” aux motifs que, si les différentes attestations produites par le prévenu et les auditions devant la Cour de MM. Y...et Z...précisent que Jean A...n’était pas employé du Buffet de la gare, il est cependant établi par les propres constatations des inspecteurs du Travail et de l’URSSAF que le 19 novembre 1996, à 22 heures 30, lors de leur visite de contrôle, Jean A...était en train de débarrasser quelques tables situées dans la salle principale de l’établissement ; que cette situation de fait correspond à celle décrite par le même A...dans une lettre jointe à la procédure et au cours de ses déclarations de première instance ; qu’enfin, non seulement Jean-Paul C...mais encore Michèle B...ont confirmé à l’audience de céans avoir vu Jean A...nettoyer la terrasse le matin et le soir, aux époques incriminées ; que l’élément intentionnel de l’infraction ressort suffisamment du fait que Serge X...n’ignorait pas les démarches légales à accomplir pour employer du personnel, et du caractère répétitif du procédé, au moins sur deux mois, visant à éluder ses obligations fiscales et sociales ; que, dès lors, le jugement déféré doit être confirmé par motifs substitués sur la culpabilité du prévenu concernant l’infraction commise à l’article L. 324-9 du Code du travail, aucune des déclarations obligatoires n’ayant été faites pour le salarié Jean A...qui n’a pas obtenu de délivrance de feuille de paie et n’était pas inscrit sur le registre unique du personnel (arrêt, p. 7) ;

” 1) alors que le fait générateur du travail clandestin, qui suppose une certaine permanence, ne peut résulter d’une activité exercée de manière exceptionnelle ;

” qu’en l’espèce, il résulte du procès-verbal d’infraction établi le 23 décembre 1996 que les agents verbalisateurs se sont bornés à constater que le 19 novembre de la même année, à 22 heures 30, Jean A...était occupé à débarrasser quelques tables de la salle principale du Buffet de la Gare géré par le demandeur ;

” qu’ainsi, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 324-10 du Code du travail la cour d’appel qui, pour déclarer le demandeur coupable d’exécution d’un travail dissimulé, s’est retranchée derrière cette seule constatation d’un fait unique qui, en soi, n’était pas de nature à caractériser l’exercice d’une activité professionnelle à but lucratif, au sens du texte susvisé ;

” 2) alors que la recherche d’un profit, tant par le salarié que par l’employeur, est un élément constitutif du délit d’exécution d’un travail dissimulé ;

” qu’ainsi, en se bornant à énoncer que le 19 novembre 1996, à 22 heures 30, les agents verbalisateurs ont vu Jean A...occupé à débarrasser quelques tables de la salle principale du Buffet de la Gare géré par le demandeur, pour en déduire que celui-ci exécutait un travail clandestin, sans répondre aux conclusions d’appel du prévenu, lequel faisait valoir qu’en réalité, Jean A..., sans domicile fixe, et pratiquant la mendicité, était accueilli dans les locaux de l’établissement et y trouvait un peu de chaleur, de sorte que les initiatives prises par l’intéressé étaient nécessairement exclusives de toute recherche de profit, tant pour lui-même que pour Serge X..., la cour d’appel a violé l’article 593 du Code de procédure pénale ;

” 3) alors que, dans ses conclusions d’appel, le demandeur se prévalait d’un rapport d’expertise graphologique faisant apparaître que la lettre du 19 novembre 1996 prétendument écrite par Jean A..., et sollicitant le paiement de diverses sommes en contrepartie d’un travail exécuté par lui, avait été en réalité rédigée par Jean-Paul C...qui était en conflit avec Serge X..., son employeur, ce qui tendait à ôter toute force probante aux déclarations litigieuses ;

” qu’ainsi, en se déterminant par la circonstance que l’activité exercée par Jean A...au sein de l’établissement dirigé par le demandeur correspondait à celle décrite par le même Jean A...dans la lettre susvisée, sans répondre sur ce point au chef péremptoire des conclusions d’appel du prévenu, la cour d’appel a violé l’article 593 du Code de procédure pénale “ ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10 et L. 362-3 du Code du travail, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Serge X...coupable du délit d’exécution d’un travail clandestin, concernant Jean-Paul C...et Sonia D... ;

” aux motifs qu’en ce qui concerne la salariée Sonia D..., il est établi par l’examen des pièces de la procédure qu’elle avait conclu un contrat prévoyant 70 heures de travail mensuel ; que, cependant, les tableaux de présence dont la réalité et le contenu ne sont pas contestés par le prévenu font apparaître que, pour les mois d’octobre et novembre 1996, cette dernière a effectué un nombre d’heures supérieur aux 70 contractuellement énoncées, alors même que les bulletins de paie ne mentionnent de leur côté que le paiement de 70 heures de travail mensuel ; que, de surcroît, une des femmes de ménage de l’établissement, Marie-Thérèse E..., confirme les dires de Sonia D...sur ses nombreuses heures de présence ; que, de même, pour Jean-Paul C..., l’examen comparatif des bulletins de paie avec le tableau de présence qui n’est pas plus contesté par le prévenu que celui de Sonia D..., met en évidence des heures de travail effectuées de plus de 195 heures, soit plus que celles mentionnées sur son bulletin de paie pour la même époque ; que le caractère intentionnel de l’infraction est également caractérisé en raison de la connaissance de ses obligations légales par le prévenu qui, sur les 2 mois considérés et pour deux salariés, a voulu éluder ses obligations sociales ou fiscales en remettant des bulletins de paie inexacts par rapport au nombre d’heures travaillées et a tenu un registre de paie ne correspondant pas à la réalité des heures effectuées (arrêt, p. 8) ;

” alors que, dans ses conclusions d’appel, le demandeur a expressément fait valoir qu’en vertu du système d’horaires d’équivalence, prévu par les dispositions de la Convention collective départementale de l’industrie hôtelière du Vaucluse, l’horaire mensuel d’un salarié ne correspond pas au temps de présence de l’intéressé au sein de l’établissement ;

” que, dès lors, en se bornant à énoncer que, s’agissant de Sonia D...et de Jean-Paul C..., le tableau de présence des intéressés faisaient apparaître un temps de présence mensuel supérieur à la durée du travail mentionné sur les bulletins de paie, sans rechercher, comme elle y était invitée par le prévenu, si ces bulletins n’étaient pas conformes, par le jeu du système d’horaires d’équivalence, aux sommes réellement dues aux salariés, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 324-10 du Code du travail “ ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que les moyens, dont l’un se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, et l’autre est nouveau ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Joly conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de NIMES chambre correctionnelle , du 18 juin 1999