illétrisme du prétendu sous-traitant

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 15 mars 2005

N° de pourvoi : 04-83100

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze mars deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller JOLY, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Thomas,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 30 mars 2004, qui, pour travail dissimulé, l’a condamné à 2 mois d’emprisonnement avec sursis et 7 500 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 324-14, L. 341-6-4, R. 324-4 et R. 341-36 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Thomas X... coupable du délit de recours aux services d’entreprises sous-traitantes exerçant un travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés et employant des travailleurs étrangers non muni du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France ;

”aux motifs que la circonstance que sur deux chantiers distincts, deux sous-traitants du prévenu, de nationalité turque, aient embauché des turcs, sans les déclarer, certains n’étant pas autorisés à travailler en France, démontre qu’il s’agissait d’un mode de fonctionnement de l’entreprise de ses sous-traitants, permettant à la fois à chaque sous-traitants de recourir à une main d’oeuvre moins rémunérée et à l’entreprise utilisatrice de sous-traiter à moindre prix ; que selon le procès-verbal des gendarmes Abdullah Y... ne savait pas combien il serait payé ; que manifestement le prévenu a profité de l’illettrisme de Sahin Z... pour lui faire signer différents papiers dont l’attestation sur l’honneur prévue par l’article R. 324-4 du Code du travail ; que la même attestation au nom de l’entreprise A..., non datée et non signée par Mezher A..., a été établie après les faits pour échapper aux poursuites ce qui démontre que le prévenu a agi en toute connaissance de cause en ayant sciemment recours à deux entreprises exécutant un travail dissimulé par dissimulation de salariés ;

”alors, d’une part, que le délit de recours aux services d’une entreprise sous-traitante coupable de travail dissimulé consiste, pour une personne, à négliger de s’assurer, lors de la conclusion du contrat, que son co-contractant s’acquitte de ses obligations au regard de l’article L. 324-10 du Code du travail ; qu’en déclarant Thomas X... coupable d’une telle infraction, cependant qu’il s’évince de ses propres constatations que le prévenu avait demandé des attestations sur l’honneur à chacune des entreprises sous-traitantes et qu’il n’avait donc pas négligé de s’assurer du respect de leurs obligations sociales, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

”alors, d’autre part, que tout arrêt ou jugement doit contenir les motifs propres à justifier sa décision, l’insuffisance de motif équivalant à leur absence ; qu’en retenant Thomas X... dans les liens de la prévention au motif implicite qu’il aurait participé au mode de fonctionnement irrégulier des entreprises sous-traitantes dès lors que cela lui permettait de sous-traiter à moindre prix, cependant qu’il ne ressortait d’aucun élément que le prévenu aurait payé à moindre coût ces entreprises sous-traitantes, la cour d’appel a motivé sa décision par voie de simple affirmation et n’a pas légalement justifié sa décision ;

”alors, en outre, qu’en retirant tout caractère probant à l’attestation sur l’honneur signée par Sahin Z... au motif que le prévenu aurait profité de son illettrisme pour la lui faire signer, cependant que le prétendu illettrisme de cet entrepreneur - qui était lui-même coprévenu et donc soucieux de limiter l’étendue de sa propre responsabilité pénale - ressortait de ses seules affirmations faites aux gendarmes, la cour d’appel n’a pas mieux justifié sa décision ;

”alors enfin, qu’en se fondant sur le fait que l’attestation au nom de l’entreprise A... avait été établie après les faits pour considérer que Thomas X... aurait sciemment eu recours à des entreprises exécutant un travail dissimulé, cependant qu’il s’évinçait de ses propres constatations que Mezher A... avait admis le jour du contrôle qu’il lui avait été antérieurement demandé une attestation sur l’honneur et donc ceci nécessairement avant les faits, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations” ;

Attendu que, pour déclarer Thomas X... coupable d’avoir eu recours aux services d’entreprises exerçant un travail dissimulé, l’arrêt attaqué relève notamment, que le prévenu, gérant d’une société de construction a, en toute connaissance de cause, sous-traité une partie de son activité à deux artisans dont il savait qu’ils employaient des travailleurs non déclarés aux organismes sociaux et auxquels n’étaient pas remis de bulletin de paie ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui caractérisent en tous ses éléments constitutifs tant matériels qu’intentionnel le délit prévu par l’article L. 324-9 du Code du travail, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Joly conseiller rapporteur, M. Beyer conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre du 30 mars 2004