non respect des droits de la défense - annulation de la procédure

, par Hervé

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 10 octobre 2013

N° de pourvoi : 12-26586

ECLI:FR:CCASS:2013:C201574

Non publié au bulletin

Cassation sans renvoi

Mme Flise (président), président

Me Le Prado, SCP Boutet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article R. 243-59, alinéa 5, du code de la sécurité sociale ;

Attendu que les inspecteurs du recouvrement qui adressent la lettre d’observations prévue par ce texte doivent aviser son destinataire qu’il dispose d’un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception à ces observations et qu’il a, pour ce faire, la faculté de se faire représenter par un conseil de son choix ; que cette dernière information, destinée à garantir l’exercice des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la procédure ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que l’URSSAF du Morbihan (l’URSSAF) a, par une lettre d’observations du 16 juin 2008 faisant référence aux dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, avisé la société Sogea Bretagne BTP (la société) de la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue à l’article L. 8222-1 du code du travail et lui a notifié à ce titre un redressement, que la société a contesté devant une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société et valider le redressement, l’arrêt retient que si la lettre d’observations litigieuse ne fait pas mention de la faculté pour la société de se faire assister d’un conseil de son choix pour répondre à cette lettre, le défaut de cette seule mention n’est pas de nature à entraîner la nullité du redressement ; qu’en effet, il ne constitue pas l’omission d’une formalité substantielle d’ordre public, dans la mesure où cette faculté de se faire assister par un conseil pour répondre à la lettre d’observations ne constitue pas une garantie nouvelle supplémentaire offerte à l’employeur contrôlé, mais ne fait que rappeler un droit général préexistant, toute personne étant libre, pour rédiger une réponse écrite, de se faire assister par toute personne de son choix ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 septembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Annule le redressement litigieux ;

Condamne l’URSSAF du Morbihan aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à la société Sogea Bretagne BTP la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Sogea Bretagne BTP

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué :

D’AVOIR validé le redressement effectué par l’URSSAF du MORBIHAN à l’encontre de la société SOGEA BRETAGNE BTP en ce qu’il porte sur la solidarité financière de la société SOGEA BRETAGNE BTP, du chef du redressement pour travail dissimulé de son sous-traitant, l’entreprise X..., pour le seul montant du chiffre d’affaire réalisé en 2006 et 2007 avec celle-ci pour le contrat conclut le 3 octobre 2006 concernant la construction de la gendarmerie de NIVILLAC ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la nullité du redressement pour non respect du contradictoire : aux termes de l’alinéa cinq de l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale, à l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l’employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d’absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu’il dispose d’un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu’il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix. Il n’est pas contesté que la lettre d’observation du 16 juin 2008 mentionne que la société SOGEA BRETAGNE BTP dispose d’un délai de trente jours à dater de sa réception pour faire part de ses observations par lettre recommandée avec accusé de réception, conformément aux dispositions de l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale, sans toutefois faire mention de la faculté, pour celle-ci, de se faire assister d’un conseil de son choix pour répondre par la lettre recommandée aux observations. Toutefois, le défaut de cette seule mention n’est pas de nature à entraîner la nullité du redressement car il ne constitue pas l’omission d’une formalité substantielle d’ordre public dans la mesure où cette faculté de se faire assister par un conseil pour répondre à la lettre d’observation ne constitue pas une garantie nouvelle supplémentaire offerte à l’employeur contrôlé, mais ne fait que rappeler un droit général préexistant, toute personne étant libre, pour rédiger une réponse écrite, de se faire assister par toute personne de son choix. Il résulte par ailleurs des dispositions applicables aux faits de l’espèce des articles L.324-14 du Code du travail et R.243-59 du Code de la sécurité sociale, que dans la mise en oeuvre de la solidarité financière consécutive au constat d’un travail dissimulé, l’URSSAF a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d’exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l’envoi de la lettre d’observations, sans être tenue de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit, dont le juge peut toujours ordonner la production pour lever le doute invoqué par le donneur d’ordre poursuivi, ni de soumettre le donneur d’ordre au contrôle réglementairement aménagé pour le sous-traitant, auteur principal. En l’espèce, la lettre d’observation du 16 juin 2008 mentionne qu’elle est établie suite au procès-verbal de travail dissimulé dressé à l’encontre de l’entreprise X... Nazim, sous-traitant de la société SOGEA BRETAGNE BTP et que pour le compte L’URSSAF de ce sous-traitant, ont été consultés les factures et les auditions. L’URSSAF n’était pas tenue de détailler la liste des documents consultés lors du contrôle de ce sous-traitant, puisque s’agissant des phases du contrôle préalable du sous-traitant elles n’étaient pas applicables au donneur d’ordre. Par contre, la lettre d’observation mentionne expressément que le contrôleur a consulté les documents relatifs aux contrats passés avec Monsieur X... Nazim en 2006 et 2007. Concernant les factures afférentes aux contrats passés entre la société SOGEA BRETAGNE BTP et son sous-traitant, celle-ci en a nécessairement connaissance puisqu’elles constituent les pièces comptables afférentes aux prestations qu’elle a sous-traitées. La lettre d’observation, après avoir rappelé les dispositions légales et réglementaires relatives à l’obligation d’affiliation des travailleurs salariés, au calcul des cotisations et celles relatives aux obligations de vérification en matière de lutte contre le travail dissimulé et de mise en oeuvre de la solidarité financière, mentionne par ailleurs le montant du redressement sur travail dissimulé du cocontractant pour les années 2006 et 2007, le montant du chiffre d’affaires réalisé par celui-ci et le montant du chiffre d’affaire que ce cocontractant a réalisé avec la société SOGEA BRETAGNE BTP pour ces mêmes années. Enfin, elle indique le montant du redressement en résultant pour cette dernière au titre de la solidarité financière. Ce faisant, elle a satisfait aux exigences de l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale. La demande de la société SOGEA BRETAGNE BTP de nullité du redressement pour non respect du contradictoire n’est donc pas fondée » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la société SOGEA BRETAGNE BTP soutient enfin que l’URSSAF aurait violé l’article L.8222-1 du Code du travail (L.324-1 4 alinéa 5 ancienne codification) en ce qu’elle n’a procédé â aucune ventilation des sommes réclamées selon les chantiers en cause et qu’elle n’a pas respecté le principe du contradictoire. Il convient de rappeler que l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale dispose qu’à l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. En l’espèce, la lettre de redressement reçue par la société SOGEA avec avis de réception le 18 juin 2008, comporte l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Il est en effet précisé : ¿soit une régularisation en cotisations de 63.617 ¿, déterminée comme suit : - redressement sur travail dissimulé de votre cocontractant (A), - chiffre d’affaires réalisé par votre cocontractant sur la période (B), - chiffre d’affaires réalisé par votre cocontractant sur la période avec votre entreprise (C), - votre solidarité engagée à hauteur de : A /B x C’. Cette explication est suivie d’un tableau reprenant les chiffres relatifs aux années 2006 ct 2007 pour chaque indice (A, B, C) ainsi que le montant de la solidarité financière. Les contrats signés entre la société SOGEA et X... portant sur les années 2006 ct 2007, il convient de considérer que l’URSSAF a rempli son obligation et qu’elle n’a aucunement manqué aux dispositions des articles L.8222-1 du Code du travail, ni R.243-59 du Code de la sécurité sociale » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE les inspecteurs des organismes de recouvrement doivent, afin de susciter un débat contradictoire avant de prendre leur décision, communiquer au cotisant par écrit les observations faites au cours du contrôle, assorties de la nature et du montant des redressements envisagés et lui indiquer « qu’il a la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix » ; que cette communication, destinée à assurer le caractère contradictoire du contrôle ainsi que la sauvegarde des droits de la défense et à permettre un apurement souhaitable avant tout recours, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la procédure subséquente ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a constaté que la lettre d’observations adressée à la société SOGEA BRETAGNE BTP ne faisait pas « mention de la faculté, pour celle-ci, de se faire assister d’un conseil de son choix pour répondre par la lettre recommandée aux observations » ; qu’en retenant, pour refuser de constater la nullité de la procédure subséquente et annuler le redressement, que le défaut de cette mention ne constituait pas l’omission d’une formalité substantielle d’ordre public dans la mesure où cette faculté de se faire assister par un conseil pour répondre à la lettre d’observation ne constitue pas une garantie nouvelle supplémentaire offerte à l’employeur contrôlé, mais ne faisait que rappeler un droit général préexistant, la Cour d’appel a violé ensemble l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale et l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE les inspecteurs des organismes de recouvrement doivent, afin de susciter un débat contradictoire avant de prendre leur décision, communiquer au cotisant par écrit les observations faites au cours du contrôle en mentionnant « l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle » ; que cette communication, destinée à assurer le caractère contradictoire du contrôle ainsi que la sauvegarde des droits de la défense et à permettre un apurement souhaitable avant tout recours, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la procédure subséquente ; qu’en l’espèce, s’agissant d’un redressement fondé sur la solidarité avec le sous traitant, en retenant, pour valider le contrôle de ce sous-traitant, que l’URSSAF n’était pas tenue de détailler la liste des documents consultés lors du contrôle de Monsieur X..., ledit sous traitant la Cour d’appel a derechef violé ensemble l’article R.243-59 du Code de la sécurité sociale et l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes , du 19 septembre 2012