Loi relative à la lutte contre la fraude

Lutte contre le travail illégal
Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude
Articles 6, 10 et 19 de la loi

Voir le texte de la loi

Présentation
La loi du 23 octobre 2018 a pour objet de renforcer l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, douanière et sociale, avec le triple objectif de mieux détecter, appréhender et sanctionner la fraude. Au titre de la détection, les articles 6 et 10 de la loi visent plus particulièrement la lutte contre le travail illégal. Au titre de la sanction, l’article 19 peut avoir vocation à s’appliquer à des affaires de travail illégal.

.1) L’article 6 de la loi renforce notamment l’accès à l’information utile à l’accomplissement des missions de contrôle et de recouvrement des agents chargés de la lutte contre le travail illégal.
L’article 6 I 3° de la loi insère un article L.135 ZK dans le livre des procédures fiscales (LPF) qui ouvre l’accès direct de fichiers à certains agents de contrôle habilités en matière de travail illégal. Il s’agit :
.- du fichier FICOBA tenu en application de l’article 1649 A du code général des impôts (CGI),
.- du fichier FICOVIE tenu en application de l’article 1649 ter du CGI,
.- des données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit répertoriées dans la base BNDP-Patrimoine, et des données concernant les actes relatifs aux sociétés,
.- des informations mentionnées à l’article L.107 B du livre des procédures fiscales (LPF), et contenues dans le fichier PATRIM, qui sont utilisées pour estimer un bien.
(voir les articles du CGI et du LPF).
Un décret est prévu pour préciser les modalités de désignation et d’habilitation de ces agents.

L’article 6 III de la loi modifie et complète l’article L.114-12-1 du code de la sécurité sociale, en ajoutant un 6° qui permet à certains agents de contrôle habilités en matière de travail illégal, dûment habilités, d’avoir un accès aux données contenues dans le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), créé en 2006 par ce même article du code de la sécurité sociale (voir l’article L.114-12-1 modifié du code de la sécurité sociale).

.2) L’article 10 de la loi concerne de façon plus spécifique l’activité des opérateurs de plateforme de mise en relation de personnes à distance en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service. Il modifie et complète l’article 242 bis du CGI en prévoyant au 3° du I que la plateforme adresse à l’administration fiscale chaque année, au plus tard le 31 janvier, un document récapitulant l’ensemble des opérations et transactions financières opérées l’année précédente par la plateforme.
L’article 10 II précise, en modifiant et complétant l’article L.114-19-1 du code de la sécurité sociale, que ce document est adressé, dans le même délai, par l’administration fiscale à l’Acoss. Les données contenues dans ce document peuvent faire l’objet d’une interconnexion avec celles détenues par les URSSAF au titre de leurs missions de contrôle et de lutte contre le travail dissimulé.

.3) L’article 19 III instaure une amende administrative à l’encontre de celui, personne physique ou morale, qui dans le cadre d’une activité professionnelle de conseil à caractère juridique, financier ou comptable ou de détention de biens ou de fonds pour le compte de tiers, a intentionnellement fourni à un cotisant, qui commet un abus de droit au sens de l’article L.243-7-2 du code de la sécurité sociale ou de l’article L.725-25 du code rural, une prestation qui a directement contribué à commettre cet abus de droit ou à le dissimuler.
L’article 19 détaille la procédure au terme de laquelle la personne complice de l’abus de droit ou qui le dissimule est tenue de payer cette pénalité égale à 50% des revenus tirés de cette prestation.

Commentaire
.1) L’article 6 de la loi du 23 octobre 2018 étend de façon significative, dans son principe, les prérogatives des agents de contrôle habilités en matière de travail illégal dans la mesure où ces fichiers, bases, traitements ou applications contiennent des informations à la fois nombreuses et variées.
Cependant, l’intérêt de l’accès à certaines de ces données est à relativiser sensiblement, car elles ne présentent pas toutes la même utilité pour rechercher et caractériser du travail dissimulé, de l’emploi de salarié étranger sans titre de travail, du marchandage ou du prêt illicite de main-d’œuvre.
Par ailleurs, il aurait été judicieux de rendre l’ensemble des administrations habilitées en matière de travail dissimulé, et pas uniquement l’ACOSS, destinataire du document annuel récapitulant les opérations et transactions financières des plateformes de mise en relation.

Cette extension de prérogatives en matière de lutte contre le travail illégal est à rapprocher de celle prévue de façon spécifique pour certains agents de l’inspection du travail dans la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 (voir présentation de la loi).

.2) L’article 19 III de la loi renforce l’arsenal répressif contre l’abus de droit, en sanctionnant le complice de cet agissement. La notion d’abus de droit en matière de sécurité sociale, qui est différente de la notion de fraude, est peu documentée par la jurisprudence (voir cependant l’arrêt de la Cour de cassation du 12 octobre 2017), ce qui rend peu visibles les situations où l’article L.243-7-2 du code de la sécurité sociale trouve à s’appliquer. En matière de lutte contre le travail illégal, les pratiques de certains intermédiaires qui aident des entreprises à se délocaliser à l’étranger, tout en continuant à exercer leur activité en France, pourraient relever de cette qualification.

Reste par ailleurs à savoir si l’amende créée par l’article 19 ne contrevient pas à la règle non bis in idem lorsque l’intermédiaire sera poursuivi au pénal pour complicité de travail dissimulé.