Organisme de recouvrement et droit d’audition d’un salarié

Organisme de recouvrement et audition des salariés : la Cour de cassation censure une audition non autorisée par le code de la sécurité sociale

Arrêt de la Cour de cassation n° 17-24359 du 20 septembre 2018 URSSAF de la Manche

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Présentation
La 2ème chambre civile de la Cour de cassation confirme l’annulation prononcée par une cour d’appel de la procédure de recouvrement de cotisations sociales engagée par l’URSSAF, au motif que l’agent de l’organisme a procédé à l’audition d’un salarié qui n’était celui de l’entreprise contrôlée et redressée.
La Cour de cassation, comme la cour d’appel, font une application stricte de l’alinéa 4 de l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction applicable à l’époque des faits). Cette disposition précise que l’agent de l’organisme de recouvrement, qui se réfère à ce texte pour engager sa procédure de vérification, ne peut entendre que les personnes rémunérées par l’employeur ou par le travailleur indépendant qui fait l’objet de son contrôle.
Dans le cas d’espèce, l’inspecteur du recouvrement avait auditionné un salarié d’une autre société, mis à la disposition de l’entreprise contrôlée. L’agent de l’organisme de recouvrement suspectait l’entreprise contrôlée de le faire travailler sous sa subordination, d’autant que ce salarié était détaché dans cette entreprise par une société de droit irlandais et que l’agent de contrôle avait été destinataire d’un procès-verbal pour travail dissimulé dressé par l’inspection du travail se rapportant à cette situation ; à ce titre, l’audition de ce salarié lui paraissait utile et opportune lors de son contrôle.
L’audition était sans doute utile opportune, mais contraire aux prescriptions de l’article R. 243-59 du code du travail.
L’audition irrégulière de ce salarié, non rémunéré par l’entreprise contrôlée, a été de nature à annuler la procédure de recouvrement, la Cour de cassation précisant que les textes qui confèrent aux agents des organismes de recouvrement des pouvoirs d’investigations sont d’application stricte.

Commentaire
L’agent de contrôle d’un organisme de recouvrement du régime général dispose d’un droit d’audition qui est prévu, soit par l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale dans le cadre d’un contrôle de droit commun, soit par l’article L.8271-6-1 du code du travail dans le cadre d’un contrôle se rapportant à une affaire de travail illégal.
L’article R.243-59 du code de la sécurité sociale limite les auditions aux personnes rémunérées par l’employeur ou le travailleur indépendant. L’article L.8271-6-1 du code du travail permet d’auditionner toute personne rémunérée ou ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l’employeur ou par un travailleur indépendant, ainsi que toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l’accomplissement de sa mission de lutte contre le travail illégal.
L’article L.8271-6-1 du code du travail autorise des auditions plus larges que celles prévues par l’article R.243-59 du code du travail, ce qui s’explique par la variété des statuts des différents agents habilités à rechercher et à constater les infractions relevant de la sphère du travail illégal et par la nature des investigations qui sont nécessaires dans ce type d’affaires.
Dans le cas d’espèce, l’agent de contrôle de l’organisme de recouvrement aurait pu accomplir ses diligences dans le cadre de la lutte contre le travail illégal puisqu’il avait été destinataire d’un procès-verbal pour travail dissimulé établi par un agent de l’inspection du travail. Dans ce cadre, l’article L.8271-6-1 du code du travail l’autorisait à auditionner le salarié de la société de droit irlandais mis à la disposition de l’entreprise contrôlée. Le recouvrement n’aurait pas été annulé.