Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020

Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020

Lutte contre la fraude

Voir les articles 13 et 14 du projet de loi

Voir l’étude d’impact des articles 13 et 14 du projet de loi

Présentation

Les articles 13 et 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 proposent d’une part d’étendre le principe de la modulation des annulations d’exonérations et des abattements de cotisations et de contributions sociales à d’autres situations de travail dissimulé (art. 13) et d’autre part de modifier plusieurs dispositions du code de la sécurité sociale, du code rural et de la pêche maritime et du code du travail, afin d’assurer un meilleur contrôle des assujettis et un meilleur recouvrement des cotisations et contributions sociales, notamment celles qui sont dues par les entreprises de travail temporaire établies à l’étranger, lorsqu’elles interviennent sur le territoire français en violation du cadre juridique de la prestation de services internationale et du détachement de salarié (art.14).

L’article 13 envisage, par une nouvelle rédaction des articles L.133-4-2 et L.133-4-5 du code de la sécurité sociale, d’étendre la modulation, c’est à dire l’exonération partielle et non plus totale, de l’annulation des exonérations et des réductions de cotisations et contributions sociales, à la dissimulation d’emploi salarié de droit commun, sous réserve qu’elle soit limitée, ainsi qu’au donneur d’ordre qui recourt à une entreprise qui pratique du travail dissimulé. Ce mécanisme de modulation, très récemment introduit dans le code de la sécurité sociale par l’article 23 de la précédente LFSS, était réservé à la dissimulation d’activité ou à la dissimulation d’emploi salarié par le recours à un faux travailleur indépendant (voir la présentation de l’article 23 de la LFSS 2019).
La modulation, accordée exclusivement à la demande de la personne contrôlée, ne serait pas applicable lorsqu’une décision de justice définitive est intervenue.
L’article 13 précise, par ailleurs, que cette modulation serait exclue lorsque la dissimulation d’emploi salarié concerne un mineur soumis à l’obligation scolaire ou une personne vulnérable ou dépendante ; l’exclusion de la modulation ne serait plus applicable à la commission de l’infraction de travail dissimulé en bande organisée.

L’article 14 prévoit, à titre principal, les modifications suivantes :
.- permettre aux agents de contrôle des organismes de sécurité sociale de mener leurs investigations à l’égard de tout cotisant, quel que soit son régime d’affiliation, donner aux constats opérés dans ces conditions une force probante, y compris sous forme de procès-verbal de travail dissimulé, et transmettre ces constats ayant force probante à l’organisme ou aux organismes de sécurité sociale compétents d’affiliation aux fins d’engager des opérations de recouvrement. En l’état actuel du droit, et à titre d’illustration, un agent de contrôle de la MSA n’a pas compétence pour vérifier les conditions d’intervention, au regard de la sécurité sociale et du travail dissimulé, d’une entreprise de travail temporaire, française ou étrangère, qui missionne un salarié intérimaire dans une exploitation agricole ou forestière. Seule l’Urssaf, et sauf cas particulier, peut contrôler l’entreprise de travail temporaire.

.- permettre à tous les agents de contrôle, sans distinction de grade ou d’emploi, des organismes de sécurité sociale de traiter et d’exploiter les procès-verbaux de travail dissimulé établis par d’autres services de contrôle. La rédaction actuelle du code de la sécurité sociale ne reconnaît cette plénitude de compétence qu’aux inspecteurs du recouvrement, à l’exclusion des contrôleurs.

.- à l’identique des agents de l’inspection du travail, autoriser les agents de contrôle des organismes de recouvrement à saisir le juge judiciaire pour obtenir la fermeture temporaire d’une entreprise de travail temporaire qui n’a pas procédé à la déclaration à l’inspecteur du travail de sa création et de son début d’activité, du déménagement du siège social ou de l’ouverture d’un établissement secondaire, mentionnée à l’article L.1251-45 du code du travail, ou qui n’a pas obtenu la garantie financière mentionnée à l’article L.1251-49 du code du travail.

.- conditionner la délivrance, par les organismes de recouvrement, de l’attestation de compte à jour d’une entreprise de travail temporaire, aussi appelée attestation de vigilance dans le cadre de la solidarité financière du donneur d’ordre, à la justification de l’obtention de la garantie financière. Dans la rédaction actuelle de l’article L.8222-1 du code du travail relatif à la solidarité financière, auquel se réfère implicitement l’article L.243-15 du code de la sécurité sociale modifié par l’article 14 du PLFSS, la justification de la possession de la garantie financière n’est pas nécessaire pour obtenir l’attestation de compte à jour.

.- aligner les sanctions civiles pour travail dissimulé contenues dans le code rural et de la pêche maritime sur celles mentionnées dans le code de la sécurité sociale.

Commentaire

.1 La mesure principale contenue dans le PLFSS 2020 en lien avec la lutte contre le travail illégal et la fraude est celle prévue à son article 14, et présentée comme telle par l’étude d’impact, qui donne plénitude de compétence aux agents de contrôle des organismes de recouvrement pour investiguer et constater, y compris par procès verbal, les manquements commis par toute entreprise dont la présence est avérée lors d’un contrôle, sans que son affiliation à un autre régime de protection sociale leur soit opposable et leur interdise de procéder à une enquête ou à des vérifications la concernant.
L’article 14 ajoute que ces constats peuvent être transmis et utilisés par l’organisme d’affiliation compétent pour procéder à tout recouvrement et à tout redressement nécessaires.
La formulation de l’article 14 ne fait pas mention expressément du contrôle des entreprises de travail temporaire étrangères, puisque son libellé est susceptible de viser de nombreuses autres situations d’activité, d’emploi et de travail, y compris sans présence d’entreprise étrangère. Cependant, l’étude d’impact est sans équivoque sur la finalité première de cette modification du code de la sécurité sociale.
A ce titre, cette modification de la législation est justifiée, bienvenue et judicieuse, tant les fraudes à la prestation de services internationale et au détachement des salariés commises par les entreprises de travail temporaire étrangères sur le territoire français, et leurs donneurs d’ordre, sont fréquentes, diffuses et sensiblement préjudiciables aux organismes de protection sociale et aux prétendus salariés détachés.

.2 Il est à espérer que les organismes de recouvrement s’approprieront sans délai cette évolution significative du code de la sécurité sociale, même si son impact réel reste substantiellement obéré par la jurisprudence pénalisante A-Rosa et Altun de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Dès lors, l’article 14 du PLFSS ne produira ses pleins effets, sur ce point, qu’à la condition que la jurisprudence actuelle de la CJUE soit neutralisée, soit par une évolution ou revirement de cette jurisprudence (voir la présentation des conclusions de l’avocat général dans les deux affaires actuellement pendantes devant la CJUE), soit par une évolution des textes communautaires de coordination de sécurité sociale, soit par une évolution de la jurisprudence du juge français fondée sur la requalification de la nature de l’activité économique ou de la relation de travail subordonnée auprès d’un employeur de droit ou de fait établi en France.