Loi Avenir professionnel - dispositions relatives à l’inspection du travail et à la lutte contre le travail illégal

Extension des pouvoirs d’enquête de certains agents de l’inspection du travail
Les modifications apportées par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel
Article 103 de la loi

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Présentation
La loi Avenir professionnel étend les pouvoirs d’enquête de certains agents de l’inspection du travail, en élargissant, selon deux modalités, leur droit de communication de documents et d’informations dans le cadre des enquêtes relatives au travail illégal.
L’article L.8113-5-1 nouveau du code du travail autorise ces agents à se faire communiquer par l’employeur lors de leur visite tout document comptable ou professionnel ou tout autre élément d’information propre à faciliter l’accomplissement de leur mission ; ils peuvent également en prendre copie immédiate, par tout moyen et sur tout support.
Pour la communication des données informatisées, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées, ainsi qu’à la restitution en clair des informations propres à faciliter leur enquête ; ils peuvent en demander la transcription par tout traitement approprié en des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.
L’article L.8113-5-2 nouveau du code du travail étend leur droit de communication en direction de tiers, c’est-à-dire de personnes qui ne sont ni l’employeur ou son représentant ou qui ne sont pas en activité dans l’entreprise.
Ce droit de communication permet d’obtenir auprès de tiers, sans opposition du secret professionnel de leur part, la présentation de tout document, renseignement ou élément d’information utile à leur enquête. Il peut porter sur des personnes non identifiées.
Ce droit de communication auprès de tiers s’exerce dans les conditions prévues par le livre des procédures fiscales (voir extraits du LPF) ; la loi précise cependant que ce droit de communication n’est pas ouvert auprès de certains tiers (notamment procureur de la République, services fiscaux et, douanes).
Le droit de communication auprès des opérateurs téléphoniques ou internet est par ailleurs circonscrit aux seules données permettant l’identification des personnes proposant un travail, une prestation ou une activité pouvant relever l’une des infractions constitutives du travail illégal.
Le droit de communication s’exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents et peut s’accompagner de la prise d’extraits ou de copie. Les documents et les informations sont communiqués à titre gratuit dans les trente jours qui suivent la réception de la demande écrite.
La liste des agents de l’inspection du travail bénéficiaires de ces droits de communication élargis, ainsi que les conditions de mise en œuvre des articles L.8113-5-1 et L.8113-5-2 seront précisées par la voie règlementaire.

Commentaire
De façon liminaire, on peut s’étonner que des dispositions relatives au statut et aux pouvoirs des agents de l’inspection du travail, ainsi que des dispositions relatives à la lutte contre le travail illégal soient insérées dans une loi qui a un tout autre objet.
L’extension considérable du droit de communication des agents de l’inspection du travail pour mieux lutter contre le travail illégal est en soi une bonne nouvelle puisqu’elle est de nature à faciliter la détection des fraudes.
Mais limiter ces nouvelles prérogatives d’enquête à certains agents de l’inspection du travail est une nouveauté dans le statut de l’inspection du travail, qui risque d’une part de susciter un désengagement de ceux qui ne disposeront pas de cette plénitude de compétences et d’autre part de générer du contentieux procédural.
C’est la première fois que les prérogatives de l’inspection du travail sont différenciées dans ce domaine, alors que la lutte contre le travail illégal est l’affaire de tous les agents, puisque cette fraude est diffuse sur le territoire et dans le monde du travail. Cette rupture d’égalité devant la recherche et le constat d’une même infraction est peu compréhensible, d’autant qu’elle n’est pas expliquée.
On sait que la mobilisation des agents de l’inspection dans la lutte contre le travail illégal n’est pas uniforme et homogène ; cette rupture d’égalité statutaire, sur un sujet non anodin, va accentuer le peu d’implication d’une partie de l’inspection du travail. En clair, moins d’agents de l’inspection du travail risquent de s’intéresser à ces fraudes puisqu’ils ne seront pas jugés aptes, voire suffisamment responsables, pour utiliser de façon pertinente ces nouvelles prérogatives. Faute de pouvoir aller jusqu’au terme de leurs investigations, ils ne feront sans doute pas ou plus. Reste donc à savoir quel pourcentage d’agents de l’inspection du travail sera agréé par le ministère du travail pour utiliser ce nouveau droit de communication, afin de ne pas trop affaiblir le dispositif opérationnel de lutte contre le travail illégal.
Le droit de communication n’est pas transmissible ou cessible. Un agent de l’inspection du travail agréé ne pourra pas utiliser ce nouveau droit de communication au profit d’un autre agent non agréé. Et à l’inverse, un agent non agréé ne pourra pas utiliser des documents ou des informations obtenues, y compris à sa demande, par un agent agréé. Le respect strict de ce droit intuitu personae est une condition de validité de l’enquête et de la procédure. Cette étanchéité procédurale entre agents de l’inspection du travail, va être une source de difficulté opérationnelle entre deux catégories d’enquêteurs de la même administration, ce qui n’existait pas à ce jour au sein du ministère du travail, et une source de contentieux supplémentaire inopportune.
Ce contentieux pourra naître notamment de la contradiction des textes du code du travail qui, sur un même sujet, prévoit à la fois un droit de communication ouvert à tous les agents de l’inspection du travail et un droit de communication réservé aux agents agréés.