Confection personnel féminin

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 4 mars 2003

N° de pourvoi : 02-82194

Publié au bulletin

Rejet

M. Cotte, président

M. Le Corroller, conseiller apporteur

M. L. Davenas, avocat général

la SCP Boré, Xavier et Boré, Mme Luc-Thaler, la SCP Masse-Dessen et Thouvenin., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mars deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller Le CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, de Me LUC-THALER et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Maxime,

contre l’arrêt de la cour d’appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 8 mars 2002, qui, pour soumission de personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine et pour violences aggravées, l’a condamné à 1 an d’emprisonnement avec sursis, à 7 500 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande et en défense produits ;

Attendu qu’il résulte du jugement et de l’arrêt attaqué que des contrôles effectués par l’inspection du travail dans des ateliers appartenant à la société SEED, spécialisée dans la fabrication de vêtements de mode et dirigée par Maxime X..., ont révélé l’existence de pressions psychologiques et de harcèlement exercés sur plusieurs salariés par ce dirigeant ; que l’information, qui a été ouverte, a abouti au renvoi de l’intéressé devant le tribunal correctionnel pour soumission de personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine et pour violences aggravées ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article 14 du Pacte de New-York, de l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des articles 111-2 et 225-14 du Code pénal et de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt a déclaré Maxime X... coupable du délit de soumission de personnes vulnérables à des conditions de travail indignes ;

”aux motifs que, “le comportement des salariés pendant l’exécution de leur travail était étroitement limité par les interdictions de lever la tête, de parler et même de sourire ; que ces interdictions dont l’application stricte était assurée par une surveillance et un contrôle constants et rigoureux, vont bien au-delà de la nécessité d’obtenir une productivité suffisante et un travail de qualité et du simple contrôle de ceux-ci ; qu’elles définissent en réalité une attitude et un comportement précis des salariés pendant l’exécution de leur tâche, en dehors de toute considération de sécurité, qui, associés à la rigueur de leur application, tendent à faire considérer le salarié qu’elle concerne comme le prolongement d’une machine outil ; que, dans ce contexte de mécanisation du comportement des salariés, diverses humiliations et brimades ont été dénoncées comme ayant été exercées par Maxime X... à l’encontre de ceux-ci, dans le cadre, ou à l’occasion de leur travail ; qu’il s’agit, en premier lieu, des hurlements et cris de Maxime X..., qui ont été évoqués par la quasi-totalité des salariés entendus ; que, quel qu’ait pu être l’état de colère de Maxime X..., par ailleurs décrit comme étant d’un naturel coléreux et s’emportant facilement, lorsqu’il avait à faire des remontrances à ses salariés, ces cris et hurlements répétés alors qu’il s’adressait en public à certaines d’entre elles, étaient de nature à les abaisser, marquant une absence de considération pour leur personne et étaient humiliants non seulement pour celles à qui il s’adressait, mais pour l’ensemble de celles-ci qui, pendant ce temps, restaient rigidifiées dans l’exécution de leur travail ; que cette absence de considération pour les salariés se trouve dans l’obligation imposée par Maxime X... à tous ceux qui étaient présents, de défiler devant une cuvette de WC des toilettes réservées aux femmes tachée de sang, particulièrement humiliante pour chacun, en raison de son objet et de son caractère contraignant ; qu’il en est de même de l’obligation imposée par Maxime X... à ses salariés de ne pas quitter l’atelier à une pause de midi pour obtenir la dénonciation de celles ayant participé à une réunion hors de l’entreprise, une telle obligation revêtant le caractère d’une punition collective pour la seule participation de certaines à une activité réprouvée par l’auteur de cette punition ;

qu’il en est de même, enfin, pour les insultes et propos blessants tenus, de surcroît en public, par Maxime X... à l’encontre de ses salariés ; que s’ajoutent à ces humiliations, le retrait pour motifs fallacieux de coussins mis et attachés à leur chaise par des salariés dans le but d’améliorer le confort de celles-ci ou l’interdiction faite sans motifs aux salariés de porter les gilets qu’elles portaient momentanément pour se protéger du froid matinal ou l’arrêt du chauffage dans la cantine en période de froid, constitutif d’autant de brimades au caractère vexatoire prises par Maxime X... à l’encontre de ses salariés ; qu’il apparaît ainsi, que le comportement imposé par Maxime X... à ses salariés pendant l’exécution de leur travail, comportant des interdictions de lever la tête, de parler et même de sourire, ce comportement étant constamment et strictement surveillé et contrôlé, dans des conditions humiliantes pour ceux-ci, ainsi que les diverses humiliations et brimades auxquelles les salariés étaient livrés qui s’y ajoutaient, tendaient à les abaisser en tant qu’êtres humains ; que ces faits sont objectivement de nature à porter gravement atteinte à la dignité des salariés de la société SEED ; qu’ils ont d’ailleurs été subjectivement ressentis comme tels par un nombre important de salariés, puisque de l’ordre de 21 sur les 38 environ qui ont été entendus, qui l’ont exprimé au cours de l’enquête puis de l’information, alors même que l’entreprise poursuivait son activité et que l’enquête, à l’automne 1998, puis le début de l’information se déroulaient au cours d’une période difficile, dans le cadre d’une atmosphère chargée, en ce que la société était alors confrontée à deux impayés d’un montant important de l’ordre de 4 000 000 francs et de 800 000 francs ; qu’il en résulte que les conditions de travail auxquelles étaient soumis ces salariés, portaient gravement atteinte à leur dignité et étaient, dès lors, incompatibles avec la dignité humaine ; que, certes, si la Vendée ne peut être considérée comme l’un des départements sinistrés sur le plan économique à l’époque des faits, il demeure que la situation de l’emploi dans le secteur de la confection, gravement touché par la crise économique, y était particulièrement difficile, particulièrement pour des salariés sans qualification particulière, habitant en secteur rural, touchés par le chômage et contraints, pour trouver puis conserver un emploi, de parcourir quotidiennement des distances parfois considérables ; qu’il en résulte une vulnérabilité sociale et économique dont il apparaît que Maxime X... a profité pour imposer les conditions de travail ci-dessus analysées, à ses salariés ; qu’il n’est pas inutile, à cet égard, de rappeler le renvoi des salariés à leur domicile, le 4 novembre 1998, après les avoir mis au chômage technique après avoir mis en cause Mme Y... comme l’ayant fait condamner par le tribunal correctionnel ; que le délit de soumission de personnes vulnérables à des conditions de travail indignes reproché à Maxime X..., à ce titre, est donc constitué et le jugement entrepris sera confirmé sur sa déclaration de culpabilité” ;

1 ) “alors qu’il est satisfait à l’exigence de sécurité juridique lorsqu’il est possible de définir, à partir des dispositions légales existantes, quels actes ou omissions engagent sa responsabilité pénale ; que la loi se borne pour caractériser l’infraction à faire état de “vulnérabilité et situation de dépendance” ; que l’emploi de tels concepts d’un caractère vague et abstrait n’étant assorti d’aucune précision, l’article 225-14 du Code pénal n’est pas conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme ;

2 ) “alors que, la loi pénale se borne, pour caractériser l’infraction, à faire référence à la “dignité humaine” ; que l’emploi d’une telle notion qui présente un caractère vague et abstrait n’étant assorti d’aucune précision, l’article 225-14 du Code pénal n’est pas conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme ;

3 ) “alors que, pour tenter de pallier l’insuffisance de la loi, la cour d’appel a relevé, non sans se contredire, que le département de la Vendée ne peut être considéré comme sinistré sur le plan économique mais que la crise économique l’aurait affecté et que le secteur rural particulièrement touché, contraignait ses habitants à “parcourir quotidiennement des distances parfois considérables” (arrêt, p. 14) ; qu’en entrant en voie de condamnation par de tels motifs à caractère généraux et étrangers au prévenu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés” ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 14 du Pacte de New-York, de l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des articles 111-2 et 225-14 du Code pénal et de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt a déclaré Maxime X... coupable du délit de soumission de personnes vulnérables à des conditions de travail indignes ;

”aux motifs que, “le comportement des salariés pendant l’exécution de leur travail était étroitement limité par les interdictions de lever la tête, de parler et même de sourire ; que ces interdictions dont l’application stricte était assurée par une surveillance et un contrôle constants et rigoureux, vont bien au-delà de la nécessité d’obtenir une productivité suffisante et un travail de qualité et du simple contrôle de ceux-ci ; qu’elles définissent en réalité une attitude et un comportement précis des salariés pendant l’exécution de leur tâche, en dehors de toute considération de sécurité, qui, associés à la rigueur de leur application, tendent à faire considérer le salarié qu’elle concerne comme le prolongement d’une machine outil ; que, dans ce contexte de mécanisation du comportement des salariés, diverses humiliations et brimades ont été dénoncées comme ayant été exercées par Maxime X... à l’encontre de ceux- ci, dans le cadre, ou à l’occasion de leur travail ; qu’il s’agit, en premier lieu, des hurlements et cris de Maxime X..., qui ont été évoqués par la quasi-totalité des salariés entendus ; que, quel qu’ait pu être l’état de colère de Maxime X..., par ailleurs décrit comme étant d’un naturel coléreux et s’emportant facilement, lorsqu’il avait à faire des remontrances à ses salariés, ces cris et hurlements répétés alors qu’il s’adressait en public à certaines d’entre elles, étaient de nature à les abaisser, marquant une absence de considération pour leur personne et étaient humiliants non seulement pour celles à qui il s’adressait, mais pour l’ensemble de celles-ci qui, pendant ce temps, restaient rigidifiées dans l’exécution de leur travail ; que cette absence de considération pour les salariés se trouve dans l’obligation imposée par Maxime X... à tous ceux qui étaient présents, de défiler devant une cuvette de WC des toilettes réservées aux femmes tachée de sang, particulièrement humiliante pour chacun, en raison de son objet et de son caractère contraignant ; qu’il en est de même de l’obligation imposée par Maxime X... à ses salariés de ne pas quitter l’atelier à une pause de midi pour obtenir la dénonciation de celles ayant participé à une réunion hors de l’entreprise, une telle obligation revêtant le caractère d’une punition collective pour la seule participation de certaines à une activité réprouvée par l’auteur de cette punition ;

qu’il en est de même, enfin, pour les insultes et propos blessants tenus, de surcroît en public, par Maxime X... à l’encontre de ses salariés ; que s’ajoutent à ces humiliations, le retrait pour motifs fallacieux de coussins mis et attachés à leur chaise par des salariés dans le but d’améliorer le confort de celles-ci ou l’interdiction faite sans motifs aux salariés de porter les gilets qu’elles portaient momentanément pour se protéger du froid matinal ou l’arrêt du chauffage dans la cantine en période de froid, constitutif d’autant de brimades au caractère vexatoire prises par Maxime X... à l’encontre de ses salariés ; qu’il apparaît ainsi, que le comportement imposé par Maxime X... à ses salariés pendant l’exécution de leur travail, comportant des interdictions de lever la tête, de parler et même de sourire, ce comportement étant constamment et strictement surveillé et contrôlé, dans des conditions humiliantes pour ceux-ci, ainsi que les diverses humiliations et brimades auxquelles les salariés étaient livrés qui s’y ajoutaient, tendaient à les abaisser en tant qu’êtres humains ; que ces faits sont objectivement de nature à porter gravement atteinte à la dignité des salariés de la société SEED ; qu’ils ont d’ailleurs été subjectivement ressentis comme tels par un nombre important de salariés, puisque de l’ordre de 21 sur les 38 environ qui ont été entendus, qui l’ont exprimé au cours de l’enquête puis de l’information, alors même que l’entreprise poursuivait son activité et que l’enquête, à l’automne 1998, puis le début de l’information se déroulaient au cours d’une période difficile, dans le cadre d’une atmosphère chargée, en ce que la société était alors confrontée à deux impayés d’un montant important de l’ordre de 4 000 000 francs et de 800 000 francs ; qu’il en résulte que les conditions de travail auxquelles étaient soumis ces salariés, portaient gravement atteinte à leur dignité et étaient, dès lors, incompatibles avec la dignité humaine ; que, certes, si la Vendée ne peut être considérée comme l’un des départements sinistrés sur le plan économique à l’époque des faits, il demeure que la situation de l’emploi dans le secteur de la confection, gravement touché par la crise économique, y était particulièrement difficile, particulièrement pour des salariés sans qualification particulière, habitant en secteur rural, touchés par le chômage et contraints, pour trouver puis conserver un emploi, de parcourir quotidiennement des distances parfois considérables ; qu’il en résulte une vulnérabilité sociale et économique dont il apparaît que Maxime X... a profité pour imposer les conditions de travail ci-dessus analysées, à ses salariés ; qu’il n’est pas inutile, à cet égard, de rappeler le renvoi des salariés à leur domicile, le 4 novembre 1998, après les avoir mis au chômage technique après avoir mis en cause Mme Y... comme l’ayant fait condamner par le tribunal correctionnel ; que le délit de soumission de personnes vulnérables à des conditions de travail indignes reproché à Maxime X..., à ce titre, est donc constitué et le jugement entrepris sera confirmé sur sa déclaration de culpabilité” ;

1 ) “alors que l’employeur est en droit de rappeler aux salariés les engagements qui leur incombent notamment dans l’entretien et la propreté des locaux ; que le fait pour l’employeur d’avoir invité les salariés à défiler devant un sanitaire “taché de sang” (arrêt p. 13) ne saurait être, au regard de la loi, considéré comme une atteinte à la dignité humaine mais comme une mesure indispensable au respect de cette dernière ; qu’en entrant en voie de condamnation par de tels motifs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

2 ) “alors que, ni les conditions climatiques régnant dans la cantine, ni davantage les prétendues interdictions de parler, de lever la tête ou de sourire, la suppression des coussins sur les chaises ou la prétendue interdiction de porter des gilets ne sauraient être considérées comme des actes attentatoires à la “dignité humaine” mais tout au plus comme des restrictions susceptibles d’affecter le confort dans les conditions de travail ; qu’en retenant de tels “faits” pour entrer en voie de condamnation contre le prévenu, la cour d’appel a violé par fausse application les textes susvisés” ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, des articles 11-2, 121-3 et 225-14 du Code pénal et de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt a déclaré Maxime X... coupable du délit de soumission de personnes vulnérables à des conditions de travail indignes ;

”alors qu’il n’y a pas de délit sans intention de le commettre ; qu’en se bornant à constater que les conditions de travail auxquelles étaient soumis les salariés portaient gravement atteinte à leur dignité et étaient, dès lors, incompatibles avec la dignité humaine, sans énoncer de motifs propres à caractériser l’élément intentionnel de ce délit, la cour d’appel a privé sa décision de base légale en violation des textes susvisés” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Maxime X... coupable du délit prévu à l’article 225-14 du Code pénal, les juges énoncent que la façon dont ce chef d’entreprise dirigeait ses salariés en ayant recours à des hurlements permanents, les vexations qu’il leur faisait subir en les insultant publiquement et en utilisant divers procédés inadmissibles pour les humilier, ainsi que les cadences et les conditions matérielles de travail qu’il leur imposait, faisant d’eux “le prolongement d’une machine-outil”, étaient incompatibles avec la dignité humaine ;

Que les juges ajoutent que, pour imposer de telles conditions de travail aux salariés concernés, le prévenu a profité de leur situation de vulnérabilité sociale et économique résultant de leur absence de qualification et de la situation particulièrement difficile de l’emploi en milieu rural et notamment dans le secteur de la confection ;

Attendu qu’en prononçant par ces motifs procédant de leur appréciation souveraine, exempts d’insuffisance comme de contradiction, et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, les juges, qui ont caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont ils ont déclaré le prévenu coupable, ont justifié leur décision au regard de l’article 225-14 du Code pénal dont les termes ne sont incompatibles ni avec l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme ni avec l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

D’où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-72, 222-11, 222-12, 222-44, 222-45 et 222-47 du Code pénal et de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt a déclaré Maxime X... coupable de violences volontaires avec préméditation ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours sur la personne de Valérie Z... ;

”aux motifs que, “Valérie Z... se trouvait dans la ligne de mire de Maxime X... et particulièrement surveillée par ce dernier, comme Monique A... et Martine Y..., en raison notamment de sa saisine du conseil de prud’hommes de la Roche- Sur-Yon en septembre 1996 et de l’organisation des réunions de la fin de l’année 1996 ; que c’est dans ce contexte qu’est intervenue sa mise à pied du 13 décembre 1996, totalement injustifiée au regard du motif invoqué et qui relève en fait d’une brimade ; que Valérie Z... a expliqué qu’elle a, à nouveau, été convoquée pour un entretien disciplinaire par Maxime X..., le 2 avril 1997, à la suite d’une absence et qu’il lui a indiqué à cette occasion qu’il allait l’embêter à cause des prud’hommes ; que le comportement antérieur de Maxime X... et la sanction vexatoire qu’il avait prise à l’encontre de celle-ci, le 13 décembre 1996, permet d’accorder foi à ces déclarations de Valérie Z... ; que, dans ce contexte, cette convocation du 2 avril, et son but affirmé par Maxime X... relèvent d’une nouvelle vexation de Maxime X..., acte positif de nature à impressionner vivement Valérie Z... et sont constitutifs de violences volontaires par ce dernier à l’encontre de celle-ci ; que cette convocation et son but démontrent que Maxime X... qui, comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, désirait vaincre la résistance de certaines de ses employées, en avait formé le dessein avant de l’entreprendre ; qu’il résulte du rapport d’expertise des docteurs Rocard et Joulin susvisés concernant Valérie Z... qu’en suite de ces violences, celle-ci a présenté un état anxio-dépressif grave ayant entraîné l’incapacité totale de travail ci-dessus visée, de plus de huit jours ; qu’il sera relevé que les éléments constitutifs des délits prévus à l’article 225- 14 du Code pénal et de violences volontaires, ne sont pas identiques et que ces infractions ne sont donc pas en concours ; qu’il résulte de ce qui précède que le délit de violences volontaires reproché à ce titre, à Maxime X..., est constitué et le jugement entrepris sera confirmé sur la déclaration de culpabilité de ce chef” ;

”alors que, les violences volontaires, sans atteinte matérielle à la personne doivent revêtir une gravité suffisante pour provoquer une atteinte sérieuse à son intégrité physique ou psychique ; qu’en se bornant à relever, pour caractériser les violences imputées au prévenu, des vexations dues à des convocations à des entretiens disciplinaires, notamment en raison d’absence, de nature à impressionner Valérie Z..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale en violation des textes susvisés” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de violences aggravées dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Maxime X... à payer au Syndicat HA CUI TEX Vendée CFDT, au Syndicat CFDT de la Vendée, à Claudette X..., à Martine B..., épouse Y..., à Christiane C..., épouse D..., à Valérie Z..., à Patricia E..., épouse F..., à Myriam G..., épouse H..., à Monique I..., épouse A..., et à Nadine J..., épouse K..., la somme globale de 2000 euros au titre de l’article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, MM. Roman, Blondet, Palisse, Béraudo conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Beaudonnet, Gailly, Salmeron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Publication : Bulletin criminel 2003 N° 58 p. 211

Décision attaquée : Cour d’appel de Poitiers (chambre correctionnelle), du 8 mars 2002

Titrages et résumés : ATTEINTE A LA DIGNITE DE LA PERSONNE - Conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité de la personne - Conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine - Caractérisation - Applications diverses. Justifie sa décision au regard de l’article 225-14 du Code pénal l’arrêt qui, pour déclarer le prévenu, dirigeant d’une entreprise de confection, coupable de soumission de personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine retient, d’une part, que la façon dont ce chef d’entreprise dirigeait ses salariés en ayant recours à des hurlements permanents, les vexations qu’il leur faisait subir en les insultant publiquement et en utilisant divers procédés inadmissibles pour les humilier ainsi que les cadences et les conditions de travail qu’il leur imposait, faisant d’eux “ le prolongement d’une machine-outil “, étaient incompatibles avec cette dignité et énonce, d’autre part, que pour imposer ces conditions de travail aux salariés concernés, l’intéressé a profité de leur situation de vulnérabilité sociale et économique résultant de leur absence de qualification et de la situation particulièrement difficile de l’emploi en milieu rural, notamment dans le secteur concerné (1).

Précédents jurisprudentiels : CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 2001-12-11, Bulletin criminel 2001, no 256 (3°), p. 846 (cassation partielle). CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1998-02-11, Bulletin criminel 1998, n° 53 (2°) et (3°), p. 143 (rejet) ; Chambre criminelle, 2002-12-03, Bulletin criminel 2002, n° 215, p. 795 (action publique éteinte et rejet).

Textes appliqués :
* Code pénal 225-14