Ouvriers portugais
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du 14 mars 2006
N° de pourvoi : 05-83404
Non publié au bulletin
Rejet
Président : M. COTTE, président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze mars deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CHARPENEL ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– X... Y... Manuel,
– Z... Philippe,
– A... César,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 6 avril 2005, qui, dans la procédure suivie contre eux pour soumission de personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine, marchandage, travail dissimulé, menace sous condition a condamné le premier, à 2 ans d’emprisonnement dont 1 an avec sursis et 40 000 euros d’amende, le deuxième, à 2 ans d’emprisonnement et 40 000 euros d’amende, le troisième, à 30 mois d’emprisonnement et 40 000 euros d’amende, et les a exclus des marchés publics à titre définitif ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi de Manuel Fernando X... Y... :
Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;
II - Sur les autres pourvois :
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 453, 592 du Code de procédure pénale, 510 du même Code ;
”en ce que l’arrêt attaqué fait mention de la présence de M. B..., président, M. C... et M. D..., conseillers, lors des débats, du délibéré et du prononcé de l’arrêt ;
”alors que les notes d’audience qui figurent au dossier de la Cour de cassation font mention d’une composition différente de la Cour à l’audience du mercredi 2 mars 2005 au cours de laquelle l’affaire a été instruite et plaidée, puisqu’il apparaît que Mme E... a siégé comme premier conseiller au lieu et place de M. C... ; que, en l’état de ces éléments contradictoires de la procédure, il n’est pas établi que les juges devant lesquels l’affaire a été débattue sont ceux-là mêmes qui en ont, ensuite, délibéré, en sorte que la décision doit être déclarée nulle” ;
Attendu que les demandeurs font vainement état des notes d’audience pour contester les mentions de l’arrêt attaqué qui font foi jusqu’à inscription de faux ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1, L. 125-2, L. 152-3 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de fourniture illégale de main-d’oeuvre à but lucratif, marchandage, et les a condamnés à une peine d’emprisonnement, d’amende et à l’exclusion des marchés publics ;
”aux motifs qu’en l’espèce, il est établi par les constatations des enquêteurs et, en particulier, par les écoutes téléphoniques des conversations entre les prévenus, les auditions des ouvriers présents sur les chantiers et les déclarations de Manuel X... Y..., qu’entre mars et décembre 2003 environ 65 ouvriers portugais ont été recrutés au Portugal par ce dernier, et “loués” à des entreprises corses par l’intermédiaire de César A... et de Philippe Z..., ce sans qu’aucune déclaration d’aucune sorte soit faite à l’inspection du travail compétente ;
”alors que, pour que le délit de fourniture de main- d’oeuvre à but lucratif ou de marchandage soit matériellement établi, il faut qu’il soit constaté qu’un préjudice spécifique a été causé aux salariés concernés ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué ne constate pas quel préjudice les ouvriers portugais venus travailler en France volontairement ont subi du fait des agissements reprochés aux prévenus ; que l’arrêt n’a donc pas caractérisé en tous ses éléments le délit de la prévention” ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 225-14, 225-15, 225-19 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables d’avoir soumis plusieurs ressortissants étrangers en situation de vulnérabilité ou de dépendance à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine ;
”aux motifs qu’il est établi par les constatations de l’administration du travail ( ) que courant 2003 de nombreux ouvriers, jusqu’à une quarantaine pendant l’été, étaient hébergés dans un ancien hangar situé à Tavaco ( ) ; les personnes soumises à ces conditions d’hébergement, ressortissants étrangers, non francophones, isolés géographiquement et dépendant économiquement de leurs logeurs ( ) se trouvaient dans une situation de particulière vulnérabilité ;
”alors que rien n’établit que les conditions d’hébergement dont s’agit aient été imposées aux ouvriers et que ceux-ci n’aient pas été en mesure de les refuser ; que l’état de “soumission” de ressortissants étrangers à des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine n’est donc pas caractérisé” ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-18, alinéa 1er, du Code pénal, 222-44, 222- 45 du même Code, de l’article 427 et de l’article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré César A... coupable de menace de délit faite sous condition contre les personnes ;
”aux motifs qu’il résulte clairement des auditions de membres de l’association portugaise Convivio Portugese ( ) que César A... a menacé de “faire sauter la casa” et de faire “un massacre” si un démenti n’était pas publié sous huit jours dans la presse ( ) ;
”alors que la preuve d’une infraction ne saurait résulter des seules déclarations des plaignants ; que, en déclarant le délit établi sur la foi des déclarations de l’association portugaise qui en aurait été la victime, la cour d’appel n’a pu justifier sa décision ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Décision attaquée : cour d’appel de BASTIA chambre correctionnelle , du 6 avril 2005