Faute inexcusable contre utilisateur non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 6 juillet 2000

N° de pourvoi : 98-20054

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Président : M. GOUGE conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Jésus X..., demeurant 38440 Lieudieu, représenté par son tuteur, M. Angel X..., demeurant 38440 Lieudieu,

en cassation d’un arrêt rendu le 22 septembre 1997 par la cour d’appel de Grenoble (Chambre sociale), au profit :

1 / de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Vienne, dont le siège est ...,

2 / de M. Y..., pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société TMIP, demeurant ...,

3 / de la société SAIT, dont le siège social est ...,

4 / de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) de la région Rhône-Alpes, dont le siège est ...,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l’audience publique du 18 mai 2000, où étaient présents : M. Gougé, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Leblanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Thavaud, Mme Ramoff, M. Dupuis, Mme Duvernier, M. Duffau, conseillers, M. Petit, Mme Guilguet-Pauthe, conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de Me Thouin-Palat, avocat de M. X..., de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société SAIT, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que, le 18 octobre 1988, M. X..., employé de la société TMIP, a été victime d’un accident du travail alors qu’il se trouvait en mission pour le compte de la société SAIT ; qu’il a agi en reconnaissance de la faute inexcusable de la société TMIP, déclarée en redressement judiciaire le 4 mai 1992, et mis en cause la société SAIT ;

que l’action de M. X... a été déclarée éteinte en ce qui concerne la société TMIP et irrecevable en ce qui concerne la société SAIT ;

Sur la première branche du moyen unique :

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué (Grenoble, 22 septembre 1997) d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu’en cas d’opération illicite de prêt de main-d’oeuvre à but lucratif, la qualité d’employeur est reconnue aussi bien à l’entreprise prêteuse qu’à l’entreprise utilisatrice ; qu’en déclarant le contraire et en en déduisant que M. X... ne pouvait diriger son action en reconnaissance de faute inexcusable à l’encontre de la société SAIT, à la disposition de laquelle il avait été placé par la société TMIP, la cour d’appel a violé les articles L. 122-1, L. 125-3 du Code du travail et L.412-6 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu’après avoir énoncé à bon droit que l’employeur demeure tenu des obligations résultant de la faute inexcusable dans tous les cas de prêt de main-d’oeuvre, qu’ils soient licites ou illicites, l’arrêt relève que la société TMIP avait mis M. X... à la disposition de la société SAIT au moment de l’accident ; que la cour d’appel en a exactement déduit que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable ne pouvait être exercée qu’à l’encontre de la société TMIP et que l’action dirigée contre la société SAIT était irrecevable ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur la fin de non-recevoir de la deuxième branche opposée par la défense :

Attendu que la société SAIT prétend que le moyen par lequel M. X... fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré éteinte son action à l’encontre de la société TMIP, faute de déclaration de sa créance au représentant des créanciers, est irrecevable comme nouveau ;

Mais attendu que le moyen était inclus dans les débats ; que la fin de non-recevoir doit être rejetée ;

Et sur la deuxième branche du moyen :

Vu les articles L.452-1, L.452-2 et L.452-3 du Code de la sécurité sociale, ensemble l’article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour déclarer éteinte l’action de M. X... en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, l’arrêt attaqué retient que l’intéressé n’a pas déclaré sa créance à la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard de la société TMIP ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’indemnisation complémentaire allouée à la victime d’une faute inexcusable de l’employeur est versée directement aux bénéficiaires par la caisse primaire d’assurance maladie, qui en récupère le montant auprès de l’employeur, de sorte que M. X..., qui ne demandait pas la condamnation de la société TMIP au paiement d’une somme d’argent, n’avait pas à déclarer sa créance, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la troisième branche :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré éteinte l’action de M. X... à l’encontre de la société TMIP, l’arrêt rendu le 22 septembre 1997, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société SAIT ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille.

Décision attaquée : cour d’appel de Grenoble (Chambre sociale) , du 22 septembre 1997