Calcul délai prescription - action judiciaire accident du travail

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 24 janvier 2019

N° de pourvoi : 18-10202

ECLI:FR:CCASS:2019:C200067

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Flise (président), président

SCP Delvolvé et Trichet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 431-2, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale et 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Attendu, selon le premier de ces textes, qu’en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ; que, selon le second, lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’ayant été victime le 17 juin 1997 d’un accident du travail dont les lésions ont été consolidées au 31 juillet 1998, M. Y..., qui a sollicité le 21 mai 1999 et obtenu le 29 juillet 1999 l’aide juridictionnelle à cette fin, a saisi le doyen des juges d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile par courrier du 1er février 2001 en demandant, notamment, l’ouverture d’une information pour bénéficier de ses droits en matière de sécurité sociale, accident du travail, Assedic ainsi que des dommages et intérêts ; qu’il a également saisi le 30 décembre 2003 la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne, puis le 26 avril 2012 une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance d’une faute inexcusable de son employeur ;

Attendu que pour dénier un effet interruptif à la plainte avec constitution de partie civile ainsi qu’à la procédure subséquente et opposer la prescription biennale à l’action en reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur ultérieurement introduite devant une juridiction de sécurité sociale par le salarié victime, l’arrêt énonce que cette plainte, outre le fait qu’elle ne visait pas les blessures involontaires par non respect des règlements, infraction qui correspondrait à la faute inexcusable, mais le « non respect des droits en matière de sécurité sociale, Assedic et accident du travail » et s’est d’ailleurs achevée exclusivement par une ordonnance de renvoi non contestée par M. Y... et par un renvoi pour travail dissimulé, a été déposée seulement le 20 février 2001, soit presque un après l’expiration du délai de prescription et que la demande d’aide juridictionnelle, outre qu’elle n’a visiblement pas abouti, ne peut être considérée comme un « exercice de l’action pénale » au sens de l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ;

Qu’en statuant ainsi, alors, d’une part, que la demande d’aide juridictionnelle avait été déposée dans le délai prévu, d’autre part, que la plainte avec constitution de partie civile visait expressément l’accident du travail et que le plaignant qui saisit le magistrat instructeur des faits qu’il dénonce n’est pas tenu de les qualifier juridiquement, la cour d’appel a violé, par refus d’application, les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 février 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme C... , ès qualités de mandataire liquidateur de la société Entreprise générale de rénovation, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne Mme C... , ès qualités, à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevable la demande en reconnaissance de la faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail du 17 juin 1997, formée par Monsieur X... Y... à l’encontre de son employeur, la société Entreprise Générale de Rénovation

Aux motifs que selon l’article L.431-2 du code de la sécurité sociale, les droits de la victime d’un accident du travail aux prestations et indemnités, notamment à celles découlant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, se prescrivent par deux ans, à dater, soit du jour de l’accident, soit de la cessation du paiement de l’indemnité journalière ; qu’en l’espèce, il résultait du rapport du docteur B..., du 6 août 2003, que Monsieur Y... avait été déclaré consolidé le 16 mars 1998 et que c’était effectivement à compter de cette date qu’il avait commencé à percevoir une rente accident du travail ; que la caisse n’avait pas à justifier de l’arrêt des indemnités journalières qui se déduisait de cette date de consolidation et du versement de la rente qui était justement le remplacement de ces indemnités, aucun versement concomitant n’étant possible ; que Monsieur Y... devait donc exercer son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur avant le 17 mars 2000 ; que cette prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable était soumise aux règles de droit commun de la prescription et ne pouvait être interrompue, d’après le dernier alinéa de l’article L.431-2 du code de la sécurité sociale par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ; que l’action pénale visée par ce texte ne pouvait être que la constitution de partie civile de la victime, l’ouverture d’une information ou une citation directe devant une juridiction pénale, les actes tels que plainte, ou autres actes de la police ou du parquet interrompant l’action pénale mais non l’action civile ; qu’en l’espèce, la plainte avec constitution de partie civile, outre le fait qu’elle ne visait pas les blessures involontaires par non respect des règlements, infraction qui correspondrait à la faute inexcusable, mais le « non respect des droits en matière de sécurité sociale, ASSEDIC et accident du travail » et s’était d’ailleurs achevée exclusivement par une ordonnance de renvoi non contestée par Monsieur Y... par un renvoi pour travail dissimulé, avait été déposée seulement le 20 février 2001 soit presque un an après l’expiration du délai de prescription ; que la demande d’aide juridictionnelle, outre qu’elle n’avait visiblement pas abouti, ne pouvait être considérée comme un « exercice de l’action pénale » au sens de l’article L.431-2 du code de la sécurité sociale ; que dans la mesure où l’article L.431-2 du code de la sécurité sociale ne prévoyait pas d’autre cause d’interruption de la prescription, Monsieur Y... soutenait vainement que la saisine de l’inspecteur du travail ou du procureur aurait interrompu la prescription ; que la caisse, dans la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable avait pour seul rôle d’organiser à la demande du salarié une tentative de conciliation et elle faisait l’avance des fonds en cas de reconnaissance judiciaire ; que la loi ne lui imposait aucune obligation relativement à l’information du salarié sur les délais pour intenter cette action et aucun manquement au devoir d’information ne pouvait être reproché à la caisse

Alors que , en application de l’article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, la demande d’aide juridictionnelle a un effet interruptif de la prescription d’une action en justice et ouvre, à compter de la notification de la décision d’attribution de l’aide, un nouveau délai pour l’exercer ; qu’en l’espèce, Monsieur Y... avait rappelé qu’il avait déposé une demande d’aide juridictionnelle, le 29 mai 1999, pour porter plainte avec constitution de partie civile contre son employeur, que par décision du 29 juillet 1999, l’aide lui avait été accordée, ce qui avait interrompu le délai relatif à l’engagement d’une action pénale, que le 1er février 2001, Monsieur Y... s’était constitué partie civile - ce qui avait de nouveau interrompu le délai de prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable -, jusqu’à ce que le tribunal correctionnel statue par jugement du 16 décembre 2003, de telle sorte que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur n’était pas prescrite lorsque Monsieur Y... avait, le 30 décembre 2003, saisi la CPAM d’une demande de reconnaissance ; et qu’en déclarant cette action prescrite, la cour d’appel a violé les article 38 du décret du 19 décembre 1991 et L.432-1 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 16 février 2017