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Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 16 octobre 2007

N° de pourvoi : 07-81413

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. FARGE conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize octobre deux mille sept, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Jean-Paul,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 30 janvier 2007, qui, pour infraction au code de l’urbanisme et infraction au code du travail, l’a condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende et a ordonné sous astreinte la remise en état des lieux ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-4 du code de l’urbanisme, 8 et 593 du code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Paul X... coupable d’avoir exécuté des travaux non autorisés par un permis de construire, rejetant ainsi l’exception de prescription de l’action publique soulevée par lui ;

”aux motifs qu’” en matière de délit de construction sans permis de construire, la prescription triennale ne commence à courir qu’a compter du jour où les travaux sont achevés et où l’immeuble ou l’ouvrage incriminé est en état d’être affecté à l’usage auquel il est destiné ; qu’un soit-transmis du procureur de la République ordonnant une enquête est interruptif de prescription,- qu’en l’espèce, le prévenu justifie, contrairement à ce qu’a pu prétendre Jacques Y..., que des travaux ont bien été entrepris du temps de l’intervention de ce dernier, en vue de la réalisation du night-club ; qu’en effet, il produit diverses factures correspondant à des travaux destinés à permettre l’aménagement du night-club (alimentation en électricité, aération, etc) ; que, sur le procès-verbal de la réunion de chantier du 25 juillet 1997 à laquelle assistaient les sieurs Y... et Z..., il est indiqué : à prévoir une gaine vidéophone à proximité du bar de la discothèque avec témoin lumineux ; mais que Jean-Paul X... a lui-même reconnu que la construction proprement dite avait été faite après la visite de l’agent de la direction départementale de l’Equipement, ce qui corrobore les déclarations de Jacques Y... en ce que celui-ci a indiqué que, lorsque la maison avait été livrée, le sous-sol était entièrement fermé, ce qui explique que le représentant de la direction départementale de l’Equipement, bien qu’ayant été avisé par lettre d’Albino Z... du 10 août 1999, de la non-conformité des plans officiels et des plans d’exécution, ait délivré un certificat de conformité le 9 décembre 1999 ; qu’il est significatif de constater que c’est le 18 septembre 2000, que le prévenu a déclaré en préfecture l’association qu’il a créée pour organiser ses soirées

 ; qu’il résulte de ces éléments que c’est après la visite de l’agent de la direction départementale de l’Equipement que le prévenu a fait réaliser des ouvertures sur le local, prévu pour être une cave, transformé en night-club, pour en permettre l’accès ; qu’il est ainsi établi que les travaux ont été achevés et que le local a été en état d’être affecté à l’usage auquel il était destiné, postérieurement au 9 décembre 1999 ;

que, moins de trois ans s’étant écoulés entre l’achèvement des travaux, postérieur au 9 décembre 1999, et le soit-transmis du procureur de la République du 28 janvier 2002 ordonnant enquête sur les faits de construction sans permis dénoncés par Albino Z..., la prescription n’était pas acquise, au moment où, suivant mandement du 24 novembre 2004, le prévenu a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel ;

”1) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; qu’en retenant que, conformément aux déclarations de Jacques Y..., celui-ci n’avait livré la maison qu’avec, dans son sous-sol, un vide sanitaire entièrement fermé et en en déduisant que la construction du night-club n’avait été réalisée qu’après le 9 décembre 1999, tout en relevant que, contrairement aux déclarations de Jacques Y..., l’aménagement du night-club avait bien été entrepris en 1997 du temps de l’intervention de ce dernier, la cour d’appel, qui s’est déterminée par des motifs contradictoires, n’a pas justifié sa décision ;

”2) alors que, lors de son audition, le 23 septembre 2002, Jean-Paul X... avait seulement déclaré que l’aménagement d’un auditorium dans le sous-sol de sa maison avait été décidé avec Jacques Y... et que cet auditorium n’avait pas encore été installé” lors de la visite ayant précédé la délivrance du certificat de conformité du 9 décembre 1999 ; qu’en retenant que Jean-Paul X... avait lui-même reconnu que la construction proprement dite” du night-club avait été réalisée après la visite de l’agent de la direction départementale de l’équipement, la cour d’appel a dénaturé les termes de la déclaration faite par Jean-Paul X... et ainsi entaché sa décision d’une contradiction entre ses motifs et le procès-verbal d’audition de ce dernier du 23 septembre 2002 ;

”3) alors qu’il résulte des propres énonciations de l’arrêt attaqué qu’Albino Z... avait déclaré qu’il avait été amené à bâtir le night-club en toute bonne foi et que c’était à la suite de son désaccord financier avec Jean-Paul X... qu’il était allé consulter le dossier à la mairie et s’était alors aperçu que ce night-club ne figurait pas sur le permis déposé en mairie “ ; qu’il se déduisait ainsi de ses constatations que, construits par Albino Z..., les travaux de construction du night-club avaient nécessairement été réalisés avant le 21 avril 1999, date de la réception des travaux effectués par ce dernier ; qu’en retenant que la construction proprement dite “ du night-club avait été réalisée après la délivrance, le 9 décembre 1999, du certificat de conformité par la direction départementale de l’équipement, la cour d’appel s’est à nouveau contredite” ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Paul X... coupable de travail dissimulé et l’a, en conséquence, condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 euros ;

”aux motifs que “ dès sa première audition, Albino Z..., indiquait : “ concernant la boîte de nuit implantée dans le sous-sol, je sais que Jean-Paul X... l’a faite passer dans le cadre d’une association type loi 1901 réservée seulement à quelques personnes ; en réalité j’ai appris que toutes sortes de personnes peuvent se rendre dans le night-club et que les boissons sont payantes ; en francs, elles se payent environ 20 ou 30 francs ; qu’il disait avoir été informé de cette situation par une amie de sa belle-fille qui s y était rendue plusieurs fois ; que les gendarmes effectuaient trois contrôles, le 19 mai 2002, le 1er juin 2002 et le 13 juillet 2002 et constataient, de part et d’autre de la chaussée de l’avenue Maureil Deschamps devant et aux abords immédiats de la résidence “Ramsès”, totalement illuminée par divers éclairages extérieurs, la présence : - le 19 mai 2002 à 1 heure, d’une cinquantaine de véhicules particuliers stationnés de façon compacte, dont ils relevaient quelques numéros d’immatriculation et mentionnaient le nom des titulaires des cartes grises, - le 1er juin 2002, à 22 heures 50, la présence de plusieurs véhicules particuliers stationnés de façon compacte, distincts de ceux relevés le 19 mai, - le 13 juillet 2002, à 23 heures 15, la présence de cent vingt-trois véhicules ; qu’ils indiquaient que le stationnement anarchique de tous ces véhicules représentait un danger manifeste en cas d’incendie dans les collines environnantes, leur véhicule de dotation pouvant juste passer par endroits entre les véhicules incriminés ;

qu’Armelle A..., entendue par les gendarmes le 18 juillet 2002, déclarait qu’elle avait été amenée il y a quelque temps à fréquenter la boîte de nuit “Villa Ramsès” par d’autres connaissances qui lui avaient appris l’ouverture de ce night-club ; que, pour pouvoir y entrer pour la première fois, il fallait se faire accompagner d’une personne possédant une carte d’adhérent et que, pour y revenir par la suite, il fallait acheter une carte de membre qui se montait à 100 francs à l’époque ; que les lieux étaient aménagés normalement en boîte de nuit, coussins, piste de danse, lumières colorées, comptoir où étaient servis les boissons et alcools divers, pour la somme de 15 francs ; que le propriétaire des lieux (le prévenu) s’occupait de faire lui-même le “DJ” sur une installation qu’elle n’avait pas eu la curiosité de voir ; que n’ayant pas trouvé cette “boîte de nuit” attrayante, elle n’avait pas souhaité devenir membre du club ; que Jean-Paul X..., entendu le 23 septembre 2002, parlant lui “d’un auditorium” affirmait que seuls étaient admis les adhérents moyennant une carte annuelle de 100 francs ; que, pour pouvoir servir de l’alcool dans le cadre associatif, il avait fait une demande de licence de débit de boissons, qui lui avait été refusée ; que, sur les conseils de son avocat, il avait fait radier l’association et avait continué “à recevoir des amis et invités chez lui” dans son “auditorium” ; que son activité n’était nullement commerciale, qu’il se contentait de demander une participation aux frais ; que Jacques Y..., entendu le 23 novembre 2002, déclarait : “Je suis allé plusieurs fois dans ce night club ; il y avait à chaque fois de nombreuses personnes qui dansaient et qui consommaient de l’alcool, qui était servi au bar par Jean-Paul X..., son épouse et quelques amis ; on pouvait y boire du champagne et des alcools divers tels que gin, whisky ; il y avait un tarif pour ces consommations, la coupe de champagne étant vendue 5 euros et les autres alcools 2 ou 3 euros” ; que, manifestement, l’établissement aux lumières colorées, dans lequel se trouvait une piste de danse, un bar de grande taille, qu’on peut voir sur les photographies, correspondait tout à fait à une boîte de nuit, comme l’ont dit les témoins et non un auditorium réservé à quelques adhérents,- qu’il convient d’ailleurs de relever que le devis de travaux établi par Tractai engineering établi le 3 novembre 1997, prévoyait un traitement d’air du night-club pour une fréquentation de trente personnes ; qu’il se déduit de l’ensemble de ces éléments et notamment de la circonstance que les boissons étaient servies suivant un certain tarif, ne correspondant nullement au prix coûtant, comme le soutient le prévenu, le prix de 5 euros pour une coupe de champagne, s’il est certes inférieur au prix habituellement pratiqué, même dans un petit établissement, étant largement supérieur au prix réel d’autant que le champagne ainsi servi est en général de très moyenne qualité ; qu’en réalité, Jean-Paul X..., qui a déclaré devant la cour qu’il avait déjà tenu une discothèque à Saint-Martin de Crau, qui a fait l’objet d’un sinistre incendie en 1983, dont il a seulement été dédommagé en 1996, après quinze ans de procédure, ce qui lui a permis de faire construire sa villa qu’il a évaluée à 8 millions de francs sous le

couvert de l’association qu’il avait créée, profitant de son expérience professionnelle, quoi qu’en dise le maire, a poursuivi, certes de façon plus réduite, cette activité à but lucratif dans la villa Ramsès, ce, sans solliciter son inscription au registre du commerce ; que c’est également à bon droit que le tribunal l’a déclaré coupable de l’infraction d’exécution de travail dissimulé par dissimulation d’une activité commerciale” ;

”1) alors que Jean-Paul X... produisait une attestation de Jacques Y... qui, déclarant vouloir revenir sur ses déclarations faites lors de son audition du 23 novembre 2002, précisait que les boissons alcoolisées qui étaient limitées aux bouteilles de bière, vins, cidre et champagne étaient vendues 15 francs selon un tarif affiché ; qu’en se fondant sur la seule audition de Jacques Y... du 23 novembre 2002 pour décider que la coupe de champagne était vendue 5 euros et pour en déduire que les boissons n’étaient pas vendues à prix coûtant, sans s’expliquer sur l’attestation de Jacques Y... revenant sur ses déclarations relatives au prix de la coupe de champagne, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

”2) alors que Jean-Paul X... soutenait dans ses conclusions que les véhicules en stationnement ne se trouvaient pas sur un parking privé appartenant à la villa mais sur une avenue publique desservant d’autres résidences secondaires, en sorte que le décompte des personnes participant aux soirées ne pouvait être effectué par rapport au nombre de véhicule en stationnement ; qu’il ressortait en outre des attestations de voisins produites par Jean- Paul X... que de nombreux véhicules stationnaient dans cette avenue située aux “hautes rives d’or” pour admirer le panorama, notamment lors des feux d’artifices donnés dans la baie de Fréjus-Saint Raphaël ; que la cour d’appel ne pouvait, dès lors, se fonder sur le nombre de véhicules stationnant aux abords de la maison de Jean-Paul X... lors des soirées du 19 mai, du 1er juin et du 13 juillet 2002, soir du feu d’artifice, sans répondre sur ce point aux conclusions de Jean-Paul X... et sans s’expliquer sur les attestations produites par ce dernier ;

”3) alors que Jean-Paul X... soutenait, dans ses conclusions d’appel, que ses nombreuses démarches en vue d’obtenir les autorisations permettant que ses soirées privées soient en règle avec les législations applicables démontraient qu’à aucun moment il n’avait cherché à dissimuler l’exercice de son activité ;

qu’en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de nature à établir l’absence d’élément intentionnel de Jean-Paul X..., la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ;

”4) alors que, condamné par l’arrêt attaqué pour avoir dissimulé l’exercice à but lucratif d’une activité de discothèque dans le sous-sol de sa maison, Jean-Paul X... a parallèlement fait l’objet, le 7 mai 2006, d’une procédure destinée à établir qu’il exerçait dans ce lieu une activité commerciale de discothèque sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes ; que la garde à vue et la visite domiciliaire nécessitées par la recherche de la preuve des agissements imputés à Jean-Paul X... n’ont donné lieu qu’à une condamnation de ce dernier, le 26 novembre 2006, pour détention irrégulière d’arme, les enquêteurs n’ayant trouvé aucune preuve du caractère commercial de l’activité récréative exercée par lui ; qu’en entrant en voie de condamnation contre Jean-Paul X... du chef de travail dissimulé, sans s’expliquer sur cette décision du 26 novembre 2006 intervenue sur reconnaissance préalable de culpabilité et inconciliable avec une condamnation pour travail dissimulé, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que les moyens, pour partie nouveaux, mélangés de fait et comme tels irrecevables, et qui se bornent, pour le surplus, à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE 7e chambre , du 30 janvier 2007